À l’heure où des gamins se font poignarder aux abords de leurs collèges, où des professeurs se font assassiner, où des chefs d’établissement menacés ne sont ni soutenus par leur hiérarchie ni protégés par le préfet, où un maire jette l’éponge devant les menaces antisémites dont il fait l’objet, il est difficile de ne pas se souvenir de La journée de la Jupe. Ceux qui ont vu, en 2009, ce film de Jean-Paul Lilienfeld ont été saisis par un scénario qui, contre toute attente, renversait le traditionnel rapport de force instauré dans nombre de collèges par l’indiscipline et la vulgarité. Rien à voir avec Entre les murs, le film de Laurent Cantet, auquel une certaine démagogie valut, en 2008, une Palme d’Or au Festival de Cannes.
Ici, coup de théâtre : dans la confusion la plus totale, une jeune femme, professeur de lettres, prend sa classe en otage à l’aide d’un pistolet malencontreusement tombé du sac d’un élève. La situation est d’autant plus grave que les représentants de l’autorité ne semblent pas à la hauteur. Côté collège, le principal rase les murs. Côté forces de l’ordre, les rivalités internes, malgré l’urgence de la situation, prennent le pas sur la concertation nécessaire à la bonne conduite des opérations. Quant à la ministre de l’Intérieur arrivée en toute hâte sur les lieux, elle peine à dissimuler sa crainte de voir sa carrière politique compromise. Le sens du film se précise lorsqu’on découvre que cette jeune enseignante, qui n’entend pas céder sur Molière, est d’origine maghrébine.
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Lui avait-on dit, lorsqu’elle préparait les concours, qu’elle aurait à s’intégrer dans une société qui se désintègre, que sa terre de mission ce serait les territoires d’une République qui démissionne, qu’elle aurait à enseigner en France devant des élèves qui exigent d’elle qu’elle soit arabe avant d’être professeur de français ? Puisqu’à tout preneur d’otages il faut une revendication, quelle est la sienne ? Comme si son enfer quotidien n’était pas une condition suffisante pour « craquer ».
Alors, puisque la République est sourde et aveugle, ce jeune professeur, qui depuis des années n’en peut plus de cette continuelle lapidation de la femme par l’insulte, va jeter à la figure du pays son refus de l’humiliation : « Pouvoir porter une jupe sans se faire traiter de « salope » ». Appeler les choses par leurs noms et les dire comme elles sont – ce qui est le métier même d’un professeur de français – est devenu intolérable à une société intoxiquée depuis longtemps par une télévision qui falsifie quotidiennement la réalité. Aussi la jeune femme, lâchée par ses collègues, sera-t-elle abattue d’un coup de feu parti d’une caméra piégée par la police, abattue comme une « salope » par une force qui, mise au service de la faiblesse morale et de la lâcheté, cesse totalement d’être républicaine.
Souvenons-nous non seulement de ce film mais également de ce qu’à l’époque l’on pouvait lire dans Le Monde : « Tout y est tellement simplifié, tellement cousu de fil blanc, qu’on a l’impression que le réalisateur prend a priori son public pour une classe à éduquer ». Et sur un blog du Monde diplomatique : « Le machisme, l’islam, l’antisémitisme, les tournantes… […] La journée de la jupe aligne avec soin tous les clichés que la féroce propagande de ces dernières années a installés dans les têtes comme autant d’évidence ».
Souvenons-nous également que ce film n’était sorti que dans cinquante-trois salles de cinéma, dont huit dans la capitale, les gros circuits de salles (UGC, Gaumont, Pathé, CGR) ayant refusé de le diffuser au prétexte qu’il avait été diffusé quelque temps auparavant par Arte et vu par 2,245 millions de téléspectateurs.
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