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La joie du deuil

Un vent de liberté sur un toit brésilien


La joie du deuil
© Pixabay

Driss Ghali raconte une soirée sur les toits, au Brésil


Il faisait bon. Vraiment bon. Le soleil se couchait, noyé derrière les buildings gris et blancs, l’air était propre et légèrement humide, de cette humidité qui effleure la peau et ouvre les pores. Je respirais à plein poumons, un acte jouissif car illicite par les temps qui courent où suffoquer derrière un masque est un symbole de respectabilité.

Ici, sur le toit de l’immeuble, pas de caméras, pas de contrôle : la respiration est libre. La définition du luxe.

Fabio, mon voisin de palier, a monté les bières. Une dizaine de cannettes plongées dans un banal sac en plastique noir. Au fond du sac, Fabio a mis une compresse d’eau glacée, couleur vermeille, comme celle que les sportifs appliquent sur leurs lésions.

Souvenirs du Maroc

Au Maroc aussi, mes amis et moi dissimulions l’alcool dans des sacs noirs pour passer inaperçus. Combien d’imprudents ont été cueillis par la police à la sortie du supermarché pour « port d’alcool par un musulman » ! Souvent, je faisais porter le sac par Mathieu, un copain du lycée, lui il ne risquait rien, il n’était pas musulman.

Je craignais moins la police que la réaction de mon père qui ne supportait pas que des hommes en uniforme posent la main sur ses fils. « Je les ai bien élevés mes enfants, j’en suis garant, occupez-vous plutôt des voyous et des rodeurs ».

Un jour, je l’ai vu se porter volontaire pour se faire coffrer à ma place après qu’un motard de la police ait voulu m’emmener au poste. C’était un malentendu. Au beau milieu d’un rond-point, j’ai vu un motard foncer sur moi par la droite, alors j’ai pris peur et j’ai klaxonné en levant la main en guise de protestation. Il y a vu un outrage. « Emmène-moi à sa place, lui a encore besoin d’un casier vierge pour travailler, moi à mon âge je m’en fous, j’ai survécu à Oufkir, je survivrais bien à une nuit au poste ».  L’affaire s’est réglée sur place à la marocaine, le flic ayant embrassé mon père sur le front en signe de respect. Depuis, je ne lève plus la main, je me contente de sourire en toutes circonstances.

« Dis, on l’a bien niqué le syndic » me glisse Fabio en se frottant les mains. Il me fait : « avance ton verre que je te serve ».  Oui, on s’est bien moqué du syndic car il est strictement interdit d’accéder au toit de l’immeuble.

« Bon, dis-moi tu


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Ecrivain et diplômé en sciences politiques, il vient de publier "De la diversité au séparatisme", un ebook consacré à la société française et disponible sur son site web: www.drissghali.com/ebook. Ses titres précédents sont: "Mon père, le Maroc et moi" et "David Galula et la théorie de la contre-insurrection".

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