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La guerre en Ukraine, une victoire américaine : un entretien avec Pierre Lellouche

"Pour les Américains, c'est la guerre parfaite"


La guerre en Ukraine, une victoire américaine : un entretien avec Pierre Lellouche
Pierre Lellouche, le 6 ffévrier 2014, Paris. AFP PHOTO / JOEL SAGET (Photo by Joël SAGET / AFP)

Selon l’ancien ministre de l’Europe et président de l’Assemblée de l’OTAN, la guerre en Ukraine est jusqu’à présent un échec total pour la Russie. S’il faut prendre au sérieux les menaces nucléaires du Kremlin, il faut aussi reconnaître l’affaiblissement de la France et le renforcement de la domination américaine en Europe.


CAUSEUR. Plus de sept mois après le déclenchement de la guerre en Ukraine, comment évaluez-vous la dimension militaire de ce conflit ?

PIERRE LELLOUCHE. Au-delà des incertitudes inhérentes à ce genre de situations, il est évident que début mars l’opération militaire de Poutine avait échoué dans son plan A qui consistait à prendre le contrôle de Kiev et à procéder rapidement à un changement de gouvernement en Ukraine. Cependant il avait des objectifs stratégiques : régler les questions du Donbass et surtout, s’assurer que l’Ukraine reste à l’extérieur de l’OTAN et ne se rapproche jamais de l’Occident.

Et pour les atteindre, quel est son plan B ?

Le plan B était de prendre la totalité du Donbass. Cependant, les Russes ont du mal à occuper et conserver complètement ces territoires. Et, à partir de la mi-avril, les Américains se sont fortement engagés dans cette guerre, ce qu’ils n’avaient pas fait précédemment, en livrant des armes de frappe de très haute précision, en intensifiant la formation des soldats ukrainiens, avec les Anglais et d’autres membres de l’OTAN. En conséquence, on a assisté au blocage de l’offensive russe et donc à un semi-échec du plan B, aggravé début septembre par la contre-offensive ukrainienne dans la région de Kharkiv, où l’initiative est passée dans le camp ukrainien.

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Comment en est-on arrivé là du point de vue militaire ?

Poutine a commis une série d’erreurs de calcul gigantesques, de proportions historiques. Il a surestimé sa force militaire, sous-estimé la capacité de résistance des Ukrainiens et s’est complètement trompé sur l’engagement des États-Unis, sans doute à cause de leur recul en Syrie en 2013 et de leur sortie calamiteuse d’Afghanistan en août 2021, six mois avant l’offensive russe.

En conséquence, l’objectif stratégique majeur de la guerre – tenir l’Ukraine en dehors de l’orbite occidentale – est définitivement raté. L’Ukraine est inondée de matériel occidental, elle est désormais officiellement candidate à l’Union européenne. Et le comble, du point de vue de Moscou : une nation ukrainienne divisée qui avait du mal à trouver son unité est aujourd’hui soudée contre la Russie – même la partie russophone ! C’est difficile d’expliquer aux gens que vous allez les sauver du nazisme quand vous les bombardez chez eux et quand l’armée commet, en plus, des atrocités sur le terrain. Échec sur toute la ligne.

On peut aussi penser qu’il a renforcé l’OTAN…

En effet, pour ne rien arranger, l’OTAN voit arriver deux nouveaux membres, et on assiste au retour du leadership américain en Europe,


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est historien et directeur de la publication de Causeur.

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