Dans La Terreur jusque sous nos draps (Plon), la journaliste Noémie Halioua propose une histoire critique de la guerre des sexes déclenchée par la vague Metoo. Un mouvement qui se retourne contre les femmes.
Noémie Halioua n’aime pas les chemisiers qui grattent les avant-bras. Elles lui rappellent l’école juive située au cœur du quartier de la Petite Jérusalem, à Sarcelles (93), qu’elle fréquentait enfant. Dress code : jupes bien en dessous des genoux et blouses à manches longues de rigueur, avec interdiction de dévoiler ses coudes, même par jour de grosse chaleur. Autant dire qu’une fois sortie des murs épais de l’établissement, la jeune fille n’hésitait pas à profiter de la liberté promise par la société civile laïque en réduisant considérablement la longueur de ses tenues.
Un nouveau carcan qui n’est plus religieux
Autant dire aussi qu’elle ne s’attendait pas à ce que, devenue reporter à Paris – elle a officié sur I24News avant de rejoindre il y a un an le média en ligne Factuel, dont elle dirige le service international –, elle se retrouve à nouveau confrontée à l’ordre moral. Mais cette fois le carcan n’est pas religieux, il est imposé à tout l’Occident depuis plus de cinq ans par de redoutables « staliniennes à jupons », ainsi qu’elle les appelle. En postant, le 13 octobre 2017, le message « If you’ve been sexually harassed or assaulted write “me too” as a reply to this tweet » (« si vous avez été agressée ou harcelée sexuellement, écrivez “moi aussi” en réponse à ce tweet »), l’actrice américaine Alyssa Milano n’avait peut-être pas conscience de la révolution qu’elle lançait. Pour une minorité de messieurs qui méritaient certainement un coup de genou dans les parties intimes, la grande distanciation sexuelle pouvait commencer.
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Depuis, comme le décrit Halioua avec beaucoup de courage et un sens de l’observation réjouissant, femmes et hommes se regardent en chien de faïence, se tiennent à carreau pour se «préserver émotionnellement». Dans ce climat de méfiance généralisée, on apprenait ainsi que 43 % des jeunes Français âgés de 18 à 25 ans déclaraient n’avoir eu aucun rapport charnel au cours de le l’année 2021. C’est 18 points de plus qu’en 2015. Les Occidentaux, imitateurs des pays d’Extrême-Orient, sont en train de devenir des poussahs pantouflards. Pour décrire le phénomène, Halioua reprend à Pascal Bruckner l’idée d’« oblomovisation » des êtres, en hommage au personnage d’Oblomov, l’aristocrate russe paresseux inventé par le romancier Ivan Gontcharov au XIXe siècle. De nos jours, la libido s’est ainsi déplacée sur le binge-watching de séries TV. Puisque le président Macron a parlé dernièrement de réarmement démographique, il faudrait peut-être d’ailleurs songer à interdire Netflix.
La mode de la dark romance
Surtout, la journaliste montre que le néoféminisme est une arme braquée sur les femmes elles-mêmes. Elle se penche notamment sur le phénomène de la dark romance, ce sous-genre littéraire imaginé par des auteurs femmes avec des histoires où des nanas se font cravacher le postérieur par des milliardaires tordus. Pourquoi pas. Noémie Halioua revient longuement sur les polémiques qui ont accueilli les adaptations au cinéma de ces romans de gare. « Chaque sortie est un nouveau scandale, une nouvelle guerre non entre les sexes, mais entre les femmes elles-mêmes. Une guerre des femmes entre celles qui prennent du plaisir à s’émoustiller pendant deux heures sur écran géant et celles qui veulent domestiquer et culpabiliser les premières, les jugeant soumises et dominées, incapables de reconnaître la voix de la Vérité. » Et si le néoféminisme n’était finalement qu’une vaste crise de jalousie ?
Noémie Halioua, La Terreur jusque sous nos draps, Plon, 2024