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La guerre des cagnottes

Deux leçons sur la polémique de la cagnotte pour le policier auteur du tir contre le jeune de Nanterre


La guerre des cagnottes
D.R.

La gauche, éternelle avocate des délinquants, s’émeut du succès de la cagnotte lancée par Jean Messiha pour le policier emprisonné, et prétend y voir la démonstration que la France est indécente et raciste. Le Garde des Sceaux affirmait hier qu’il n’était pas envisagé de l’interdire comme d’autres cagnottes polémiques, mais que la démarche n’allait pas dans le sens de l’apaisement. Analyse.


Leçon numéro 1 : la grande raison d’un succès hors-norme

Depuis des années, les Français n’en peuvent plus de voir la police être mal utilisée et la justice être mal rendue. Moyens policiers trop importants déployés pour harceler l’automobiliste pendant que les points de deal se multiplient, que la « racaille » défie la paix civile et que les agressions voient leur nombre s’accroître ; laxisme judiciaire qui ne cherche plus à rendre justice mais à ménager les susceptibilités des coupables : voilà ce que les Français voient depuis des années, voilà ce qu’ils ne supportent plus.

Ce qu’ils ne supportent plus également, c’est l’impunité morale dont le système a recouvert la délinquance des quartiers comme d’un manteau d’immunité : non seulement police et justice ne sont pas assez sévères avec elle mais en plus le Français moyen est accusé de racisme et de haine s’il se plaint de la situation. Quant aux commentateurs, aux politiques, aux journalistes et aux « experts », ils passent leur temps à expliquer l’attitude des fauteurs de trouble par des causes sociales et la pauvreté, ce qui fait bouillonner à juste titre les millions de Français qui vivent péniblement au SMIC sans jamais rien casser, eux.

Une cagnotte contre la frustration

Et comme les Français sont bien élevés, respectueux de l’espace public, même en colère ils ne vont pas piller, brûler, saccager et détruire le monde. Mais comme ils ne peuvent pas non plus exprimer cette colère par des mots puisque s’ils le font ils sont accusés de racisme, parfois poursuivis, parfois condamnés, ils s’abstiennent aussi de parler. Finalement, cette situation qui s’apparente pour les Français à une sorte de maladie de Charcot politique (prisonniers non dans leurs corps mais dans le corps social, voyant tout, entendant tout mais ne pouvant rien dire, rien faire, réduits à l’impuissance politique), et crée une frustration qui bouillonne et qui cherche des moyens de se soulager. La cagnotte vient permettre de libérer une partie de cette frustration : en donnant anonymement pour ce policier qui a arrêté un délinquant dans sa course folle, c’est-à-dire un policier qui semble, enfin, faire ce que la police doit faire, à savoir traquer les délinquants plutôt que les citoyens, les Français ont le sentiment de contribuer à réparer une injustice. Ne voulant rien casser par éducation, ne pouvant rien dire à cause de l’intimidation exercée sur eux par le complexe médiatico-politique qui impose l’omerta antiraciste sur ce sujet, mais désireux tout de même d’avoir voix au chapitre, contribuer au succès de cette cagnotte est une façon de dire pacifiquement un ras-le-bol qui doit tout de même être exprimé.

La gauche, éternelle avocate des délinquants, s’émeut du succès de cette cagnotte et prétend y voir la démonstration que la France est indécente et raciste ; les Français, qui voient la gauche continuer de déverser un discours qu’ils savent responsable de la situation actuelle, donnent d’autant plus en faveur de cette cagnotte que cela fait enrager des gens qui depuis toujours excusent les délinquants qui pourrissent la vie de tout le monde et accablent les policiers qui pourrissent la vie des délinquants, autrement dit des gens qui par leurs discours consolident un rapport de forces délétère pour la société et la paix civile. Ce qui nous amène à cette interrogation bien légitime : pourquoi la gauche, qui prétend être scandalisée par une cagnotte dont elle réclame prétendument l’annulation, passe son temps à parler d’elle sur les réseaux sociaux ? Car ce faisant, elle contribue très largement à la publicité dont cette cagnotte a besoin pour continuer de grossir ; et ce faisant, elle permet que des segments nouveaux d’internautes découvrent l’existence de cette cagnotte et l’alimentent davantage. Alors, pourquoi ?

Leçon numéro 2 : cette cagnotte est du pain béni pour la gauche

Depuis le début des événements, la gauche s’entête dans une stratégie qui va très probablement « suicider » son avenir politique. Se sachant maintenant condamnée à devoir supporter une grosse part des responsabilités dans l’entretien des émeutes, elle brûle ses vaisseaux et cherche à détourner l’attention non seulement d’elle mais aussi des émeutiers qui sont ses petits protégés. La cagnotte tombe à pic : grâce à elle, les meneurs de gauche, qu’ils soient députés Nupes, chroniqueurs Mediapart, journalistes en ligne ou « influenceurs » politisés, peuvent attirer les attentions et les regards ailleurs. Sur Twitter, ils se répandent en tweets de condamnation, accusent la cagnotte de glorifier un assassin et affirment que ses contributeurs sont les complices du crime. Catéchisme de gauche à tous les étages, moralisation totale de la question, dénonciations la larme à l’œil et la main sur le cœur, la gauche nous joue sa meilleure partition dans un registre qu’elle maîtrise sur le bout des doigts : celui de la diversion.

Elle a bien conscience que ces émeutes sont désastreuses pour l’image du vivre-ensemble qu’elle promeut et qu’après cette séquence il va devenir difficile, sinon impossible, de dire encore aux Français qu’ils doivent accepter la cohabitation avec des jeunes gens qui détruisent tout à la moindre occasion. Tout ce que la gauche défend depuis des années s’écroule sous ses yeux et sous les yeux de tous ; le vivre-ensemble dont elle a fait sa nouvelle religion vient de faire des millions d’apostats. Peu importe que ces émeutes s’arrêtent dans une heure ou dans un mois, car le mal est fait ; l’idéologie vient de percuter le réel de plein fouet et c’est le réel qui remporte la confrontation. Désormais toute promotion du discours vivre-ensembliste sera considérée par des Français encore plus nombreux comme une folie aveugle et une trahison. La gauche le sait, elle sent, elle comprend que ses petits protégés sont allés trop loin, trop vite, et qu’en se comportant ainsi ils ont déchiré de façon spectaculaire le voile que la gauche tirait depuis des années pour dissimuler le réel aux Français.

Bataille du réel

Pourtant, elle ne peut rien admettre, rien avouer, rien abdiquer car si elle a perdu la bataille du réel elle compte sur la confusion et la démagogie pour lui faire remporter encore quelques batailles électorales. Pour survivre donc, il lui reste le vote des banlieues qui deviennent le public qu’elle doit flatter à longueur d’interventions, mais les banlieues ne contribuant que très marginalement à l’effort de guerre électoral, ce n’est pas ici qu’elle pourra faire son plein d’électeurs. Il lui faut donc viser ailleurs : en l’occurrence du côté des Français encore enfermés dans les schémas de pensées périmés des années 80, encore sous le charme du baratin républicain sur la tolérance et la fraternité, encore sensibles aux discours moraux de la gauche. Pour séduire ceux-là et éviter que la rencontre avec le réel ne les détourne de leurs rêveries, il faut absolument leur donner un os à ronger, leur donner à condamner autre chose que les émeutes et les pillages : la cagnotte sert de contre-feu idéal.

Chaque fois que les agitateurs de gauche dénoncent la cagnotte, ils mobilisent l’énergie de la condamnation contre elle, ce qui a pour effet mécanique de faire oublier la gravité des émeutes et des pillages ou en tout cas de les mettre tous à un niveau égal de gravité. Il est dans l’intérêt de ces gens que la cagnotte continue car chaque euro qu’un Français y ajoute est une occasion de plus pour la gauche de faire un tweet dans le but est de serrer les rangs autour de l’idée que la France est raciste (et donc que ces émeutes, finalement, sont une réaction légitime, là où, par échelonnage de gravité, la cagnotte, elle, culmine tout en haut dans l’horreur) ! L’opération est donc double : il faut relativiser les émeutes pour plaire moralement aux banlieues en espérant bénéficier d’une belle rente électorale le jour où elles se déplaceront enfin dans les bureaux de vote, et dénoncer l’horreur de la cagnotte auprès des bobos et des rêveurs endormis qui, eux, votent vraiment et transforment des agitateurs gauchistes en députés Nupes. 

Finalement, cette cagnotte arrange tout le monde bien que chacun prétende en faire une pomme de discorde. 


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