L’hebdomadaire est en grève depuis six semaines, la majorité de ses journalistes protestant contre le recrutement de Geoffroy Lejeune, ancien de Valeurs actuelles. Ce dernier arrive à la tête de la rédaction, mardi. L’analyse d’Ivan Rioufol.
Lorsque le Journal du Dimanche (JDD) se comportait, jusqu’à l’indécence, comme le journal officiel de la Macronie, ses journalistes n’y trouvaient rien à redire. Ce dimanche, ils entamaient leur sixième semaine de grève pour protester contre la nomination effective, mardi, de Geoffroy Lejeune (ex-directeur de la rédaction de Valeurs Actuelles) comme patron de la rédaction : un choix éditorial du groupe Lagardère, qui doit être absorbé prochainement par le groupe Vivendi de Vincent Bolloré.
Conformisme et dénonciation des voisins
Il est tout à fait légitime que la rédaction exige des garanties d’indépendance, même si cette vertu journalistique ne sautait pas aux yeux dans la « dérive Pravda » de l’hebdomadaire, cautionnée par ses rédacteurs. Cette aberration fut corrigée en 2022 par l’arrivée de Jérôme Béglé, qui rejoint désormais la direction de Paris Match. Mais le procès qui est fait au propriétaire du JDD est intenté par une caste qui donne le sentiment, corporatiste, de s’affoler à la perspective de perdre une hégémonie idéologique. Il suffit pour s’en convaincre d’observer notamment, les soutiens des confrères du service public ou de Mediapart, ces bastions du journalisme militant. La dernière exigence de la rédaction du JDD, refusée par l’actionnaire, était de rajouter dans la charte déontologique, l’interdiction de « propos racistes, homophobes ou sexistes ». Or derrière cette énumération melliflue se lit l’habituelle manœuvre de la censure morale et de la police de la pensée, qui proscrivent d’aborder les grandes questions du moment liées à l’immigration de peuplement ou à la place démesurée prise par les minorités ethniques ou sexuelles.
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Ce que laisse voir cette grève des journalistes est un refus d’accepter le discours alternatif, qualifié d’ « extrême droite » par la réplique automatique. La description des réalités dérangeantes est vue comme une dérive « populiste ». Le conformisme intellectuel, le suivisme mimétique, le culte de la copie conforme, l’euphémisation des faits sont les plaies d’une profession devenue (mais il y a bien sûr des exceptions) donneuse de leçons, sentencieuse. Les sociétés de journalistes ou de rédacteurs se sont pliées à cette vision manichéenne imposée par le camp du Bien, dont Edwy Plenel (Mediapart) reste la référence pour beaucoup. C’est son média qui, le 15 juillet, appelait à la dénonciation des voisins : « Depuis la mort de Nahel (…) vous êtes témoins de propos racistes et déplacés au travail, Votre témoignage nous intéresse. Racontez-nous si un-e collègue a partagé la cagnotte destinée au policier qui a abattu l’adolescent, un-e autre a qualifié, au détour d’un café, les jeunes des quartiers populaires de « sauvages », un chef a stigmatisé les populations d’origine immigrée… Écrivez-nous ! ».
Le monde politique, empli de fausses certitudes, s’est décrédibilisé en se coupant de la vie des gens. Une même pente menace le journalisme s’il persiste à vouloir vivre dans un monde parallèle. En 1993, invité par Philippe de Villiers en Vendée, Alexandre Soljenitsyne avait prévenu : « Aujourd’hui les dissidents sont à l’Est, ils vont passer à l’Ouest ». On y est.
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