Accueil Culture La greluche et le renard, ou le retour de Thomas Clavel

La greluche et le renard, ou le retour de Thomas Clavel

Thomas Clavel, l'explorateur des gouffres


La greluche et le renard, ou le retour de Thomas Clavel
Thomas Clavel, le 10 juillet 2020, image de Philip Le Bon, Creative Commons licence https://commons.wikimedia.org/wiki/File:Thomas_CLAVEL_.jpg

Entre roman nietzschéen et fable moderne sur les liaisons dangereuses, Thomas Clavel confirme sa vocation d’explorateur des gouffres.


Naguère, j’ai eu le plaisir de saluer les débuts d’un jeune romancier, Thomas Clavel, auteur de deux salubres et courageux romans. Un Traître mot dépeignait une France où les crimes de langue seraient punis avec une toute autre sévérité que les crimes de sang et où l’imposture victimaire, la traque des phobies les plus absurdes, la rééducation lexicale seraient devenues la règle.

Hôtel Beauregard mettait en scène la toute-puissance de réseaux sociaux piratés par des êtres maléfiques, que, soit dit en passant, cette atroce guerre d’Ukraine a fait se multiplier encore davantage, guerriers de clavier ou stratèges de cuisine.

A lire aussi: Présence de Max-Pol Fouchet

Dédié à Tantale, inventeur du désir, Le Jardin des femmes perdues est donc son troisième roman, ou plutôt, lui aussi, une sorte de conte philosophique – comme une variation contemporaine des Liaisons dangereuses. Avec une belle virtuosité, Thomas Clavel s’est amusé à camper deux types humains antithétiques, deux destins que nous découvrons par le truchement de journaux intimes au ton si différent : Victor, le séducteur, et Magali, la midinette, que la Providence fait habiter dans le même immeuble parisien.

A lire aussi: Qui ose, gagne !

Le premier, nietzschéen caricatural, qui fait songer au Costals des Jeunes Filles, est un vieux marcheur : il « manœuvre comme un doge et bondit comme un dogue » sur ses proies féminines. Son journal n’évite pas le ton emphatique et l’autosatisfaction cynique du joueur. La seconde se révèle une parfaite midinette, mais dans le genre pernicieux (à tout prix, elle veut nuire), pseudo-féministe surie, pimbêche conscientisée collectionnant clichés et tics de langage – et surtout les prudences – de la gauche idéologique (« Quand les gens comprendront que la grosse misogynie historique, c’est un truc à la base de bons blancs bien cathos tradis et bien propres sur eux. Alors on pourra avancer. Alors on pourra parler sérieusement. »). Le paradoxe est que ce séducteur est un naïf et que cette vertueuse, qui voudrait bien, elle, être séduite, ira jusqu’à dénoncer son voisin pour un viol imaginaire. Thomas Clavel s’amuse à jouer de ce genre de situation limite qui illustre notre modernité tardive, qu’il décrit avec finesse, en explorateur des gouffres.

Thomas Clavel, Le Jardin des femmes perdues, La Nouvelle librairie, 318 pages, 18€ .

Le Jardin des femmes perdues

Price: 18,20 €

6 used & new available from 10,16 €

Un traître mot

Price: 14,90 €

10 used & new available from 13,90 €

Hôtel Beauregard

Price: 14,90 €

13 used & new available from 9,99 €



Vous venez de lire un article en accès libre.
Causeur ne vit que par ses lecteurs, c’est la seule garantie de son indépendance.
Pour nous soutenir, achetez Causeur en kiosque ou abonnez-vous !

Article précédent Yann Moix : une certaine complaisance
Article suivant Une grande gueule made in France: Zohra Bitan
écrivain et critique littéraire belge. Dernier livre : Les Nobles Voyageurs (Le Nouvelle Librairie, 2023)

RÉAGISSEZ À CET ARTICLE

Pour laisser un commentaire sur un article, nous vous invitons à créer un compte Disqus ci-dessous (bouton S'identifier) ou à vous connecter avec votre compte existant.
Une tenue correcte est exigée. Soyez courtois et évitez le hors sujet.
Notre charte de modération