Accueil Politique La France n’est ni de gauche, ni de droite, bien au contraire !

La France n’est ni de gauche, ni de droite, bien au contraire !


Chaque semaine jusqu’à l’élection présidentielle, la « battle » sur Yahoo ! Actualités confronte les éditos de Rue89 et Causeur sur un même thème. Cette semaine, Luc Rosenzweig et Pascal Riché se demandent si la France est toujours de droite.

La victoire annoncée de François Hollande le 6 mai prochain signifiera-t-elle que la France aura majoritairement basculé à gauche ? Rien n’est moins sûr, pas plus que le corollaire, la défaite de Nicolas Sarkozy, n’autorise à penser que la droite est désormais minoritaire au sein de l’électorat hexagonal.
Aux yeux d’un observateur tout juste descendu d’une planète lointaine, cette assertion peut paraître farfelue: un pays dont la majorité des grandes municipalités, des départements, des régions, le Sénat, et bientôt l’Assemblée nationale et la Présidence de la République seraient dominés par des hommes et des femmes politiques de gauche doit évidemment, dans sa majorité, adhérer au programme et aux valeurs de ce camp politique.

La simple lecture des résultats du premier tour de l’élection présidentielle, sondage en vraie grandeur du cœur et des reins politiques de nos concitoyens, devrait nous inciter à la prudence. Même si l’on exclut le score de Marine Le Pen du total des voix de droite, on aboutit à une quasi équivalence du poids électoral du bloc des gauches avec celui des droites et du centre. Et cela, dans un contexte où les sortants, qu’ils soient de droite ou de gauche, font les frais, partout en Europe de la crise économique qui a frappé notre continent depuis 2008. Si l’on considère qu’une bonne partie des électeurs du Front National serait plutôt encline à adhérer à des valeurs généralement attribuées à la droite (défense de l’ordre, des traditions nationales, rejet du « progressisme » sociétal), l’image d’une France conquise par l’idéologie de gauche est passablement brouillée.

Lors de l’élection présidentielle de 1981, un homme issu de la droite, François Mitterrand, avait admirablement réussi à rassembler sur son nom un peuple de gauche qui n’avait pas encore fait son deuil des utopies collectivistes du siècle dernier. Nationalisations, grand service public de l’éducation nationale, économie planifiée etc. allaient ouvrir les portes d’un avenir radieux que deux décennies de pouvoir sans partage de la droite avaient verrouillé. On a vu ce qu’il en est advenu.
L’effondrement du communisme a définitivement éliminé du débat électoral dans les démocraties occidentales l’idée qu’une alternance politique pouvait aboutir à un changement radical de société.

Le mouvement de mai 1968 et ses conséquences ont privé la gauche de thèmes de luttes comme l’émancipation des femmes des lois scélérates qui leur étaient imposées, comme la prohibition de la contraception et de l’IVG. Ironie de l’histoire, ce sont des gouvernements de droite qui les ont abolies. Les combats dits « sociétaux » d’aujourd’hui, comme celui en faveur du mariage gay, ne sont que des simulacres répétitifs de ces grandes luttes du siècle dernier, se déroulant sur un fond d’indifférence du plus grand nombre.

L’introduction de l’idéologie américaine du « care » par Martine Aubry dans le corpus théorique du PS a fait, heureusement, long feu. La famille est devenue le havre où l’on se réfugie lorsque la vie devient trop dure, que l’on soit jeune sans emploi ou vieux tombé dans la dépendance. On n’attend plus de la gauche qu’elle vous mène par la main sur le chemin de la vie. Et c’est tant mieux, car on a vu où pouvait mener une sollicitude de tous les instants du pouvoir vis-à-vis des individus. De plus, la majorité des Français ont l’outrecuidance de penser que leur mode de vie, leur patrimoine culturel, leurs paysages et leurs traditions culinaires doivent être préservés, ce qui met en fureur les thuriféraires du métissage généralisé et du multiculturalisme illimité. Est-ce cela être de droite ? S’il en est ainsi, la droite, en France, a un bel avenir.

Face à cela, des notables sociaux-démocrates à travers le pays ont su habilement se constituer un électorat fidèle, le plus souvent du fait leur proximité avec leurs mandants, et parfois en pratiquant un clientélisme débridé.
La gauche française, on l’a vu lors du référendum de 2005 sur le traité constitutionnel européen peut sans dommages irrémédiables se diviser sur un sujet majeur pour l’avenir de la nation. Personne ne lui en tient rigueur, car il y a belle lurette qu’on a cessé d’attendre d’elle du prêt-à-penser sur tous les sujets. Elle a la chance, totalement imméritée, de ne pas voir sa composante stalinienne et trotskiste clouée au pilori dans les grands médias pour son lourd passé historique, alors que le Front National est toujours une machine à fabriquer des points Godwin.

Un homme de gauche, François Hollande, devrait, sauf énorme surprise, devenir le président de la République d’une France qui ne l’est pas. Cet européiste convaincu va devoir conduire dans les turbulences de l’UE une nation de plus en plus sceptique sur les vertus du projet européen. Ce sera pour lui une belle victoire personnelle, qu’il aurait tort de confondre avec un triomphe de la gauche.



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