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La France face à l'(in)sécurité globale

La loi « sécurité globale » rend dingo nos médias et nos gouvernants


La France face à l'(in)sécurité globale
Gerald Darmanin photographié avant son entretien au journal de 20 heures de France 2, le 26 novembre 2020 © Thomas COEX / AFP.

Retour sur une semaine d’hystérie médiatique autour de la proposition de loi dite «sécurité globale».


Du côté du gouvernement, des bruits disent que la réussite de l’actuelle séquence « régalienne » conditionnerait à elle seule l’élection présidentielle de 2022, partant l’avenir d’Emmanuel Macron et de son petit lieutenant Gérald Darmanin. Pourtant, à y regarder de plus près, le texte est purement technique. Beaucoup de bruit pour rien ?

Un premier volet consensuel

Composé de quatre titres principaux, le texte du projet de loi « sécurité globale » traite dans ses deux premières parties des polices municipales et des entreprises de sécurité privée. Le ministère de l’Intérieur a pris en compte l’évolution des menaces de la délinquance quotidienne et du terrorisme, nécessitant l’emploi de forces de sécurité diverses allant bien au-delà de la police nationale et de la gendarmerie. On l’a récemment constaté à Nice, où une police municipale solidement équipée et entraînée a pu intervenir immédiatement pour neutraliser le terrorisme islamiste qui a tué trois personnes dans la basilique Notre-Dame de l’Assomption le jeudi 29 octobre.

Nice, le 29 octobre 2020 © LAURENT VU/SIPA Numéro de reportage: 00988176_000001
Nice, le 29 octobre 2020 © LAURENT VU/SIPA Numéro de reportage: 00988176_000001

Les policiers municipaux peuvent désormais se retrouver en première ligne lors d’une attaque terroriste. Que le fonctionnement de ces forces de défense de proximité soit rationnalisé par la loi et leurs compétences élargies est donc une mesure de bon sens, réclamée de longue date par les spécialistes de la sécurité. Longtemps réfractaires à cette idée, les syndicats de la police nationale ont d’ailleurs fini par s’y ranger, conscients des failles françaises pour faire face à la diversité et l’intensité des menaces dans les villes.

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Entre 1999 et 2019, les effectifs de la police municipale ont quasiment doublé (de 13.000 à 23.934 agents), confortant leur place essentielle dans le dispositif de sécurité intérieure. Répondant aux arrêtés municipaux des maires des communes dans lesquelles ils exercent leurs fonctions, les policiers municipaux étaient naguère mal considérés, vu comme des vigiles améliorés. Ce n’est plus du tout le cas maintenant. Pour preuve, les « municipaux » toulousains sont tous entraînés au tir, les policiers nationaux s’entrainant même dans leur stand. La réalité imposait donc d’étendre le champ de leurs missions, comme le demandaient de nombreux élus locaux et parlementaires à l’image de Louis Aliot ou de certains sénateurs des Républicains.

Ils seront donc en capacité de constater davantage d’infractions en dressant des procès-verbaux, assureront la sécurisation de manifestations sportives et pourront même dans certains cas faire parvenir des procès-verbaux au maire et au procureur sans en référer à un officier de police judiciaire. Autant d’annonces bienvenues qui faciliteront le travail de la police municipale comme celle de la police nationale, déchargée de missions pénibles qu’elle peut ne pas avoir le temps ou les moyens d’effectuer. Procédant d’une même logique, la réorganisation des forces de sécurité privée sur le territoire s’imposait tant pour éviter les dérives d’une activité trop peu régulée que pour la rendre plus efficace.

Mal encadré, le secteur de la sécurité privée avait besoin d’un coup de polish au même titre que la police municipale. Employée sur tout le territoire national pour des missions qui devraient parfois être dévolues à la police nationale – des sociétés de Tchétchènes opèrent ainsi dans les quartiers de la drogue à Toulouse à la demande des OPH pour des contrats à six chiffres -, les forces de sécurité privée étaient trop opaques en matière de recrutement et de fonctionnement, employant parfois des étrangers ne maitrisant même pas la langue française. Ce ne sera plus possible avec la loi sécurité globale puisque ses articles 10 à 19 édictent des règles très strictes pour l’accès à ces professions ; imposant le port de tenues ne prêtant pas à confusion, l’interdiction professionnelle en cas de condamnations à une peine correctionnelle ou à une peine criminelle inscrite au bulletin n° 2 du casier judiciaire, une connaissance suffisante de la langue française, la possession d’un titre de séjour en règle depuis au moins cinq ans pour les ressortissants étrangers ne relevant pas de l’article L 121-1 du Code de l’entrée et du séjour des étrangers, etc.

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Encore une fois, il s’agit de bon sens. Avec un agent de sécurité pour un policier présent sur le territoire, il n’était plus possible de confier une partie de la sécurité quotidienne des Français à des troupes supplétives inquiétantes, parfois composées de semi-voyous brutaux qui salissent l’image de cette profession dont les rangs sont majoritairement occupés par des indépendants et des auto-entrepreneurs. Depuis la série noire d’attentats islamistes de 2015, les besoins en sécurité privée se sont accrus sans que les professionnels comme le public s’y retrouvent ; la règle des appels d’offres publics étant malheureusement le moins-disant qui encourage la sous-traitance en cascade à des travailleurs non déclarés et insuffisamment formés.

Les relations public-privé  seront désormais normalisées, bornées et plus au fait des dangers d’un secteur nécessaire mais trop noyauté par des sociétés suspectes. Rappelons à cette occasion que l’assassin tchétchène de Samuel Paty devait travailler dans le secteur avec l’appui de son professionnel de père… Comme à Rome où l’on confiait les frontières à des barbares, nous confions les frontières intérieures françaises à des supplétifs qui ne nous veulent pas toujours du bien. Les spécialistes s’inquiètent même de la porosité du secteur de la sécurité privée avec les trafiquants de drogue et les clans mafieux des quartiers de non-droit…

Un second volet polémique

Aux deux premiers titres plutôt consensuels – c’est toutefois nouveau tant la police municipale était naguère mal vue de la gauche française – et fondés sur des problématiques concrètes répondent deux titres sujets à polémique. Les titres III et IV de la loi « sécurité globale », respectivement nommés « vidéoprotection et captation d’images » et « dispositions relatives aux forces de sécurité intérieure ». Evidemment, les associations sont vent debout, décrivant une loi qui entérinerait non pas la « sécurité globale » mais la surveillance généralisée, la restriction des libertés individuelles et publiques, et le laisser-faire pour les forces de l’ordre. Bref, une loi policière et autoritariste sous prétexte de lutte contre l’insécurité, bien réelle quoi qu’ils puissent en dire.

De l’expulsion filmée de migrants à Paris – la vraie question à se poser est pourquoi se trouvent-ils en France en situation d’illégalité, mais passons – à l’affaire « Michel », du nom de ce producteur de rap arrêté brutalement, il semblerait que certains activistes souhaitent installer un climat façon « George Floyd » en France dans une optique de contestation de l’autorité. Comme à l’accoutumée, des images et des cas soigneusement choisis, parfois coupés avec malice et rapportés sans contexte, sont utilisés pour faire avancer l’agenda prétendument « progressiste ». Le journaliste Etienne Baldit l’a parfaitement résumé : « Griezmann, Mbappé… Si les sportifs les plus médiatiques du pays, les plus en réussite et les plus aimés de la jeunesse s’impliquent dans le débat sur les violences policières, dans la lignée de Black Lives Matter, le débat public peut changer de dimension. »

À l’origine des polémiques, l’article 24 de la loi sécurité globale, il est vrai mal rédigé et confus. Cet article prévoit que la diffusion de « l’image du visage ou tout autre élément d’identification » d’un policier ou d’un gendarme en intervention, lorsque celle-ci a pour but de porter « atteinte à son intégrité physique ou psychique », serait pénalisée d’un an de prison et de 45 000 euros d’amende, « sans préjudice du droit d’informer ». Partant d’une bonne intention, des images de policiers aux visages reconnaissables ayant conduit à du harcèlement et des menaces contre des familles, parfois à la mort comme ce fut le cas à Magnanville, le texte pourrait toutefois créer des difficultés opérationnelles. Une réécriture au Sénat et une saisie du Conseil constitutionnel pourraient-elles lever les doutes et laisser la place à un texte plus compréhensible, plus efficace ?

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Depuis quelques années, des vidéos d’interventions policières sont diffusées … toujours montées de A à Z. Les procès contre les mauvais comportements policiers ne doivent pas être faits sur les réseaux sociaux par des foules d’utilisateurs vengeurs mais bien devant les tribunaux au terme d’enquêtes menées dans le calme et le sérieux. Il est loisible que la réponse du ministère de l’Intérieur se fonde sur une problématique légitime posée à l’Etat et aux forces de l’ordre, sous pression et subissant des menaces, mais la réponse de Gérald Darmanin était probablement trop précipitée et mue par des intérêts politiciens à court terme. De fait, la responsabilité de l’Etat dans la dégradation des rapports entre les Français et la police est patent. Ils ont trop utilisé la police pour des opérations de maintien de l’ordre parfois non nécessaires, soumettant les fonctionnaires de police à des cadences infernales que ne pouvaient compenser à elles seules les primes financières.

Un coup pour rien?

Au fond, la loi sécurité globale est un prétexte pour le gouvernement comme pour ses opposants. Pour les premiers, il s’agit avant tout de communication, de montrer « qu’on en a » et qu’on ne reculera pas face à l’insécurité. Pourquoi alors hurler avec les loups quand des clandestins sont expulsés sous les caméras soigneusement placées par les associations qui cherchent à obtenir des images pour montrer le « martyr » de personnes qui n’ont tout simplement rien à faire en France ? Pour les seconds, l’objectif est toujours le même : faire croire aux Français que le sentiment d’insécurité n’est pas justifié, que l’immigration est une chance pour la France, que la police française est raciste, etc. C’est le programme de la gauche américaine, celui du Washington Post qui fait croire au monde que la France fiche les enfants musulmans ou que des « populations racisées » sont assassinées en toute impunité dans les rues de la capitale. Un discours qui justifiera demain de nouveaux attentats qui tueront des citoyens français ou des policiers en exercice.

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Hormis les ajustements relatifs à la police municipale et à la sécurité privée, la loi sécurité globale n’aura pas d’effets sur la sécurité des Français. Dans les quartiers de la drogue, on continuera à se tuer au fusil automatique en plein jour, à l’image des Izards à Toulouse. Dans les transports, on aura toujours peur d’être volé, violé ou tabassé. La menace islamiste ne disparaitra pas par magie, pas plus que celle des terroristes du quotidien au mode de vie fondé sur la violence et l’incapacité à faire face à la frustration, ainsi que l’a démontré le pédopsychiatre Maurice Berger. Gérald Darmanin peut toujours monter sur ses ergots, nous sommes loin d’en avoir fini.



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Gabriel Robin est journaliste rédacteur en chef des pages société de L'Incorrect et essayiste ("Le Non Du Peuple", éditions du Cerf 2019). Il a été collaborateur politique

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