De nombreux témoignages de participants à la fête de Crépol confirment les motivations racistes de leurs agresseurs. Avec l’assassinat de Thomas, la France rurale découvre l’ensauvagement ethnico-religieux qui prend les Blancs pour cible. Malheureusement, elle ne peut compter sur le gouvernement pour désigner les coupables.
« La vie de Thomas, elle valait la vie des autres aussi. On n’est pas rien. On n’a pas le droit de prendre la vie de quelqu’un d’autre comme ça. » Les mots d’Annick recueillis par CNews en marge des obsèques de Thomas disent à la fois la sidération et la violence du séisme qui a frappé la petite communauté de Crépol. Ce « on n’est pas rien » dit justement le contraire : Thomas a été tué parce que justement, pour ses meurtriers, il n’était « rien ».
Les témoignages des jeunes habitants de Crépol[1] qui participaient à cette soirée, recueillis dans le podcast du Dauphiné libéré, sont éclairants. Plusieurs déclarent avoir entendu le petit commando d’agresseurs annoncer qu’« ils étaient là pour tuer du Blanc ». Ils parlent tous d’une soirée qui se termine dans le plus grand chaos, du sang partout, qui coulait, qui giclait, ils parlent de leur terreur : « C’est pas juste une bagarre de bal comme on a l’habitude. Là, ça a direct sorti les couteaux », souligne un jeune homme. Une jeune fille raconte : « Ils sont arrivés à 15, 20 personnes. Ils ont encerclé la salle des fêtes, ils ont essayé de forcer l’entrée […]. Quelqu’un a dit : “Il y a des couteaux, rentrez tous. Je saigne, je saigne.” On est tous rentrés dans la salle, on s’est enfermés. Et pour nous à l’intérieur, c’était l’enfer. On a vécu cela comme un attentat. » La journaliste demande aux jeunes pourquoi, selon eux, cela s’est arrêté. La réponse est directe :« Ils avaient fini ce qu’ils avaient à faire, ils avaient fini leur boucherie. »
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Ce que la France des clochers a compris, c’est qu’un de ses enfants a été tué et nombre d’autres blessés à coups de couteau, simplement parce qu’ils étaient blancs et qu’il n’en faut pas plus aujourd’hui à certains pour passer à l’acte. Ses habitants ont découvert une vérité insupportable : ils sont des proies à cause de ce qu’ils sont. Cette prise de conscience entre en résonance avec une actualité dramatique qui voit des Juifs se faire tuer parce qu’ils sont juifs, ainsi qu’avec les attentats islamistes qui se succèdent en France depuis 2012.
Un effacement de la réalité
Venir planter du Blanc était une des motivations de la bande qui a fondu sur le petit village de Crépol. Lui ôtant au passage la seule richesse qui lui restait : sa tranquillité. Les gens qui ont participé aux obsèques de Thomas sont dignes, silencieux, recueillis, mais si leur colère est rentrée, elle n’en est pas moins profonde. « Ça nous rend fous, on veut faire entendre que c’est un attentat. C’est pas une bagarre, c’est pas un règlement de compte », déclare l’un des témoins. Dans ce climat, le traitement médiatique et politique de l’affaire ne peut qu’exacerber les rancœurs.
Alors que très vite témoignages, photos, informations sur l’identité des agresseurs filtraient sur les réseaux sociaux, la presse insistait sur le fait qu’ils étaient Français, utilisant en boucle le terme de « Romanais » (habitant de Romans-sur-Isère), comme il était question de Dijonnais quand des affrontements entre Tchétchènes et Maghrébins (français) avaient explosé à Dijon. L’objectif était d’effacer ce que tout le monde avait vu : le fait que cette violence gratuite, provenant de jeunes issus de l’immigration, était construite sur une haine raciale revendiquée. Tout s’est passé comme si la violence ethnique devait être niée. Faute d’avoir des réponses à apporter, le gouvernement noie le poisson. Il reconnaît l’ensauvagement, mais fait comme s’il était général. Or, Crépol montre, si besoin est encore, que cet ensauvagement est alimenté par une idéologie ethnico-religieuse qui fait de plus en plus des Blancs la cible d’une « diversité » sous influence. Ce déni finira par conduire à ce qu’il croit éviter : le rejet mutuel et la montée aux extrêmes.
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Que des jeunes radicalisés et hyperviolents n’existent que dans l’exacerbation de la haine et l’affrontement est une chose, que cela leur donne un pouvoir sur le gouvernement de la France en est une autre. En donnant le sentiment qu’il tremble devant les quartiers, l’exécutif confirme que le rapport de force a remplacé la justice sociale. Le symbole de cet abandon : la minute de silence organisée à l’Assemblée nationale pour un jeune délinquant tué après un refus d’obtempérer quand, pour Thomas, l’idée n’a effleuré personne. Un peuple qui ne se sent ni protégé ni reconnu par ses représentants, et qui les voit donner des gages symboliques à des voyous, sera porté à écouter les entrepreneurs identitaires. « On n’est pas rien », disait Annick. Le pouvoir leur répond en substance : si, vous n’êtes rien puisque vous ne faites pas d’émeutes et que vous ne tuez pas.
Rendre des comptes
Ce sentiment alimente une révolte sourde, diffuse, comparable à celle qui a suscité les gilets jaunes. Elle est peut-être à terme plus dangereuse que l’expédition des militants néonazis contre les habitants du quartier de la Monnaie, d’où sont issus les assassins de Thomas. Pourquoi ? Parce que face à ces milices-là, la République ne tremble pas. Quand il s’agit de combattre des groupuscules marginalisés qui, faute d’être adossés à des groupes sociaux ou ethniques constitués, n’exercent pas d’emprise sur la société, c’est relativement simple. Ainsi la police n’a guère de mal à les maîtriser. Intervenir dans les quartiers comme la Monnaie pour aller chercher de jeunes délinquants qui y vivent est une autre affaire. Un habitant de Crépol, interviewé dans le reportage du Média pour tous, média lié aux gilets jaunes et à l’ultradroite, évoque directement la question de la vengeance : « Pour le pardon, il faut que justice soit faite. » Le problème est qu’une grande partie de cette France-là n’y croit plus, à la justice. Pour l’instant, elle ne se tourne pas vers les néonazis qui voudraient traduire le choc des civilisations en guerre civile, mais vote de plus en plus pour le Rassemblement national. Peut-être qu’après Crépol, il ne faut plus se demander si Marine Le Pen deviendra présidente de la République, mais quand.
[1]. « Drame de Crépol : “J’ai vu mon pote Thomas se faire poignarder” », Le Dauphiné libéré, 22 novembre 2023.