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La France à côté de la plaque


La France à côté de la plaque

Cette fois-ci, elles sont bien là. Sur nos bagnoles et même sur la mienne. Ces nouvelles plaques d’immatriculation me font sentir étranger dans mon propre pays. Terminées, les séances d’apprentissage des départements et leurs chefs-lieux[1. De toute manière, il paraît que les départements, symboles du jacobinisme français, doivent aussi disparaître sur l’autel de l’adaptation à la mondialisation.] à l’arrière de la voiture dans les bouchons de l’A7[2. Déjà que la mode anti-poil a fait disparaître le vieux jeu de comptage des barbus ! Pour ma part, j’avais un indice assez efficace : l’autocollant MAIF sur la vitre arrière. Aujourd’hui, même l’Education Nationale a cédé devant Gillette.].

Pour défendre l’idée de leurs nouvelles plaques, les technocrates du ministère de l’Intérieur, ainsi que les deux ministres successifs qui ont porté le funeste projet, Michèle Alliot-Marie et Nicolas Sarkozy[3. Il semble bien que ce soit lui qui ait accéléré le processus entre 2005 et 2007.], avancent plusieurs arguments tous fallacieux.

L’ancienne numérotation arriverait très rapidement au bout, notamment dans les départements qui fonctionnaient déjà avec trois lettres précédant le numéro de département. Escroquerie. Dans ces départements peuplés, on changeait de lettres au bout de 999 véhicules immatriculés alors que dans les moins peuplés, c’était tout les 9999. Il aurait suffit qu’on ajoute donc un chiffre des milliers au numéro le plus à gauche de la plaque pour que le système perdure quelques décennies. Pas la place, me direz-vous ? Bien sûr que si. Il suffisait de retirer la partie à l’extrême gauche de la plaque, bleue avec de ridicules étoiles jaunes, pour ajouter ce chiffre salvateur. Charge ensuite à l’automobiliste de coller un autocollant F s’il souhaite changer de pays en auto, ou même, je fais un effort, d’en ajouter un avec le drapeau européen s’il souhaite changer de continent.

L’Europe, justement ! C’est elle qui nous obligerait à passer à ces plaques uniformisées dans un but d’harmonisation. En fait, elle ne nous oblige à rien du tout. Aucun réglement ni directive ne l’impose. Ou alors, on se demande bien pourquoi certains pays s’y mettent (Italie, Pays-Bas) alors que d’autres, comme l’Allemagne, conservent leur système national.

Ensuite, le nouveau système permettrait une meilleure prévention contre le vol des véhicules, ces derniers conservant la même immatriculation, de la sortie des chaînes de montage à la casse. Possible. Mais, ce léger avantage est largement contrebalancé par un inconvénient majeur que des gendarmes, plus au fait du terrain que les énarques de la Place Beauveau, m’ont confirmé : dans une enquête, l’ancienne numérotation départementale permettait de recueillir des témoignages sûrs. Une voiture immatriculée 93 ou 92, par exemple, ne passe pas inaperçue dans la Creuse ou la Lozère. Trouver un véhicule Peugeot 306 de couleur grise avec un phare cassé et immatriculé dans l’Indre, c’est beaucoup plus facile que de trouver le même véhicule immatriculé dans un système étendu sur le territoire national.

Enfin, le nouveau système permettrait d’économiser des postes en supprimant les services « cartes grises » de toutes nos préfectures. A la louche, c’est combien de fonctionnaires en moins sur toute la France ? Quelques centaines… Tout ça pour ça ? Bigre !

En fait, cette décision ne répond qu’à un seul objectif. Il est idéologique. Il s’agit de bien montrer que là encore, il faut s’a-dap-ter. Il faut quitter nos lubies françaises et faire comme les autres. En finir avec le modèle français, qu’il soit social, républicain ou administratif. Et complaire à tous les rapports Attali de la Terre. Ce n’est donc pas un hasard si c’est sous l’impulsion de Nicolas Sarkozy qu’a été initiée cette réforme et sous son mandat qu’elle a été mise en place. Quand Nicolas Sarkozy se plaint du fait que les magasins ne soient pas ouverts le dimanche pour Madame Obama et ses fillettes, cela participe de la même réflexion.

Pour ma part, je vois tout de même un avantage à ces plaques de la mondialisation. Dans vingt ans, dans trente ans, dans cinquante même, elles rappelleront à notre peuple qu’il a un jour permis à Nicolas Sarkozy d’accéder à la présidence de la République. Un châtiment pour les yeux. Mais mérité.



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