Après des décennies d’un règne triomphant, le fast-food et sa mal bouffe n’ont plus le vent en poupe. Le burger se francise et les bouillons populos sont devenus branchés. Assiste-t-on au retour de la cuisine tradi ?
Vercingétorix en raffolait et les druides la considéraient comme sacrée.
Quoi donc ? La fourme d’Ambert, bien sûr ! Fourme, comme l’ancien nom du fromage, Ambert, comme le village d’Auvergne qui s’en est fait une spécialité dès le VIIIe siècle et qui est classé AOP depuis 1972. La fourme d’Ambert est à la mode. Une mode soudaine qui n’a échappée ni à Burger King (qui en fait fondre une version industrielle dans ses burgers), ni aux réseaux sociaux et à leurs influenceurs, ni à la télé.
Des chiffres ?
Avec ses 5800 tonnes produites par an, la fourme d’Ambert représente la deuxième vente la plus importante de fromage à pâte persillée. Si elle est encore battue par le roquefort, c’est uniquement parce que ce dernier s’exporte. De forme cylindrique, cette spécialité bien française est moins salée et moins violente en goût (elle est faite de lait de vache et non de brebis) que le roquefort. En outre, elle ne nécessite qu’un mois d’affinage contre trois pour ce dernier et ne coûte que la moitié de son prix. Pour toutes ces vertus, elle est idéale pour la cuisine.
La fin d’un monde ?
Après le burger et le kebab, ces incontournables de la mal bouffe, l’improbable taco français (un sandwich né à Lyon voilà quinze ans qui mélange panini, galette algérienne voire poutine canadienne, sans lien aucun avec le taco mexicain) comptabilise en France ces dernières années jusqu’à 25 millions d’unités consommées par an, dans plus de 500 enseignes. Mais son expansion semble enfin stoppée. Le taco a fini de truster les premières places, comme jadis son ancêtre, le panini, disparu quasiment et subitement au tournant des années 2000.
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Parallèlement, les bouillons, avec leur cuisine française tradi et leurs décors du XIXe siècle, se multiplient et ouvrent des succursales tel l’historique Chartier. Les friteries et autres baraques à frites « authentiques » ne sont pas en reste et la raclette savoyarde, revenue de nulle part, est depuis un an à peine un incontournable décliné à l’envi ; comme le sandwich jambon-beurre qui vit une spectaculaire remontée. Le hamburger ? Il ne se conçoit, lui, quasi plus que dans sa version française, comme l’a compris Burger King, ou revisité par des grands chefs. Une enseigne comme Big Fernand sort même la casquette gavroche et la moustache gauloise afin de le franciser au possible.
Que veut dire tout cela ?
Serait-ce la fin du fast-food et de son mondialisme affiché ? Est-ce à rapprocher de la vague soudaine du néo musette (accordéon tradi sur de la techno) ou du rugby ? De l’élection de Trump et du retour en force aux States de la musique country ? Et qu’en aurait dit Roland Barthes ? En un mot comme en mille, la Fourme d’Ambert est-elle de droite ?
Un nouveau métier a fait florès ces dernières années sur les réseaux sociaux : testeur de fast-food. Sans aucune qualification, des – hum… – influenceurs comme fastgoodcuisine, Valouzz, Ibram TV ou alanfood challenge, ont rassemblé des centaines de milliers (des millions parfois) de followers en comparant burgers ou kebabs, ou en proposant des recettes simplissimes comme le burger cuit au grille-pain nappé de ketchup et de nuggets MacDo écrasés… Et Konbini comme Le Parisien ont fait une star d’Apolline. Apolline ? L’héroïne de « Wesh wesh sur la vie de ma mère on va chez Quick, je jeux un burger », une vidéo devenue virale sur Tik Tok avant que l’enseigne de burgers halals, – Quick donc – ne lui fasse un pont d’or et l’expose dans tous ses restaurants.
Andy Warhol n’aurait pas osé le prédire
Culture du vide, cauchemar de Guy Debord et de sa société du spectacle… Mais Hallelujah ! Nous vivons un tournant. Encore timide mais réel. Même les influenceurs « cuisine » habitués au fast-food découvrent le pâtissier Cédric Grolet et se lancent, après le taco, dans la critique de la fricadelle. Enfin, ils essayent.
La prochaine fois que vous verrez dans votre supermarché de la fourme d’Ambert ou de la raclette prétendument d’alpage, oubliez qu’il s’agit là de variantes industrielles et dites-vous que c’est peut-être un peu de la France qui revient.
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