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La fin des temps continue


La fin des temps continue

Clébard

À Paris aussi, les signes de la fin des temps se multiplient.

Ce matin, encore : attablé à la terrasse d’un bistrot, j’assiste, impuissant, à une scène d’apocalypse. Deux hommes accomplissant de conserve l’étrange rituel biopolitique connu sous le nom de « footing » passent dans la rue. Il s’agit, à l’évidence, d’un « couple gay », et non de deux hommes qui s’aiment. L’un des deux est possédé par un corps gigantesque et bodybuildé. Son regard plein d’effroi atteste qu’il ne s’agit nullement du sien. Ses petits yeux semblent être la seule partie réelle de son corps, comme si tout le reste de son corps véritable était enseveli, dissimulé, broyé à l’intérieur de ce performant tas de viande. Au bout du bras du géant sans corps, je vois soudain une main. Cette main tient une laisse.

[access capability= »lire_inedits »]Au bout de cette laisse (allez-y voir vous-même, si vous ne me croyez pas), se trouve un minuscule chien haletant, courant à un rythme effréné. Le géant s’arrête. Le chien défèque sur la chaussée. Et, presque instantanément, notre citoyen en phase terminale tire de sa poche un sac en plastique, à l’intérieur duquel il enveloppe diligemment la merde du petit clébard. Puis, conservant le sac et la crotte à la main, il reprend sa course de néant avec ses deux compères.

Une semaine plus tôt, j’ai découvert dans les poubelles de mon immeuble le manuscrit de L’Esprit du nihilisme, une ontologique de l’Histoire, de Mehdi Belhaj Kacem, dans le grand réceptacle jaune fluo sale destiné aux papiers et cartons.

Julien Coupat écrit dans Le Monde.

Nul ne filme le corps de Julien Coupat. (« Il en manque un ! », hurlent les Spectateurs terrifiés.)

Le premier homme ayant subi une « greffe du visage » est mort, probablement sans avoir eu le temps de lire une seule ligne de Lévinas.

La DCRI (Direction centrale du renseignement intérieur) poursuit la guerre contre l’Ennemi intérieur, mais désormais « uniquement au sein de ses propres services ».

L’actuel Premier ministre de l’espace France, dont le nom m’échappe, se glorifie d’être un geek.

La fin des temps, chacun le sait, est advenue en 1914. Puis le monde a fini encore trois fois. Depuis, nous simulons la vie. La peinture rose de nos sourires s’écaille chaque jour davantage. Pour l’essentiel, nos corps sont inanimés.

Je terminerai par quelques prévisions encourageantes concernant les futurs gestionnaires de l’espace France :
2012 : Ségolène Royal
2017 : Nicolas Sarkozy
2022 : Ségolène Royal
2027 : Jean Sarkozy

Parfois, aussi, nous sommes soulevés par d’immenses joies.[/access]

Juillet 2009 · N°13

Article extrait du Magazine Causeur



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