Sous l’égide de l’Allemagne et d’une France soumise au mécène garant de ses déficits, l’idéologie écolo-wokiste des Grünen s’est imposée à l’Europe et aux Français dans les secteurs de l’énergie, de l’agriculture ou de l’immobilier. Le prochain parlement européen en finira-t-il avec ces politiques de décroissance ?
Le cercle de la raison, on le sait, se confond avec les cercles pro-européens. L’Union faisant la force, les eurosceptiques ne peuvent donc être que des faibles d’esprit. À quelques mois du renouvellement du parlement strasbourgeois, soucieux de compter au nombre des gens intelligents, j’ai fait mes meilleurs efforts pour embrasser la cause européenne. Coup de chance, l’actualité de ces derniers mois a permis aux citoyens français de goûter le talent des visionnaires qui président aux destinées de notre continent.
Nucléaire, agriculture, logement, souveraineté numérique : le sans-faute européen
Il y eut d’abord, à l’occasion de la crise ukrainienne, les effets spectaculaires d’une politique énergétique qui fera date. Initiés par Lionel Jospin puis concrétisés par Angela Merkel, la sortie du nucléaire et le recours massif au gaz russe furent couronnés du succès que l’on sait. La France, qui vit aux crochets de l’Allemagne grâce à l’euro, a applaudi aux exigences de son mécène : fermeture de 14 centrales, instauration d’un marché européen de l’électricité visant tout à la fois à ruiner EDF, le savoir-faire hexagonal, ainsi que ses entreprises et ses ménages, condamnés à acheter à prix d’or une électricité que nos centrales produisaient à vil prix. Après quarante ans de déficits abyssaux financés par nos voisins frugaux, notre souveraineté s’en trouve logiquement hypothéquée. Sans doute était-ce le meilleur moyen de nous vendre cette idée de souveraineté européenne, puisque entre ça ou rien…
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L’énergie n’est bien sûr pas le seul domaine dans lequel l’excellence des eurocrates, habités par le sauvetage de Gaïa, a pu s’illustrer. L’agriculture n’a pas échappé au savoir-faire du cercle de la raison. Une sagesse qui lui a permis de fixer le projet de « verdissement » le plus ambitieux de la planète, certes établi au petit bonheur la chance, mais qui avait de la gueule. 50 % de réduction des produits phytosanitaires à l’horizon 2025, ça imprime mieux que, au hasard, 32,8 %, objectif bâtard au sex-appeal d’une zadiste, qu’il faudrait en plus prendre la peine de justifier. Les fantômes du Gosplan et son totalitarisme chiffré hantent les couloirs de Strasbourg. Quoiqu’il en soit, l’Europe a donc entrepris un vaste plan social dans son agriculture. D’une part, cela permet de faire bosser plus les Brésiliens, qui polluent à des milliers de kilomètres (mais en dansant la samba) ; d’autre part, de diminuer chez nous le nombre de paysans français, allemands ou bataves, dont les goûts musicaux se révèlent aussi désastreux que leurs idées en matière de préservation de la biodiversité. Par ailleurs, le plouc pollueur a tendance à mal voter, ce qui justifie d’en limiter le nombre. Message reçu cinq sur cinq par les bouseux des pays fondateurs de l’Europe, qui ont récemment fait part de leur enthousiasme et défilé dans les rues de Berlin, Amsterdam et Paris pour communier avec les citadins dans l’amour de Bruxelles. Louons d’ailleurs la cohérence des élites européennes. À quoi rimerait une égoïste souveraineté alimentaire française dans le cadre d’une dépendance énergétique à l’égard de nos amis et partenaires russes, américains ou proche-orientaux ? « La souveraineté, c’est la dépendance », nous confirme le commissaire européen à la Vérité[1].
Les rigoureux principes écologiques qui animent ces élites transnationales les ont bien sûr conduites à s’intéresser aux scandaleuses passoires thermiques qui constellent le territoire français. Certes, si le logement représente 36 % des émissions de gaz à effet de serre en Europe, mais seulement 20 % en France, c’est encore trop. De brillants élèves de quatrième pourraient relever que c’est quand même 45 % de moins que nos voisins, mais il faut vraiment être partisan de l’écocide global pour se livrer à des calculs aussi ignobles. Nos visionnaires se sont donc montrés soucieux de protéger les locataires contre des propriétaires défaillants qui persistent à ne pas vouloir se ruiner en travaux d’isolation. Travaux au demeurant imposés par la hausse du prix de l’énergie, par ailleurs méticuleusement organisée par la vindicte antinucléaire. Travaux dont l’efficacité se révèle, cerise sur le gâteau, très inférieure aux rendements attendus. Certains voudront y voir un complot, alors qu’il ne s’agit sans doute que de bêtise crasse. Conséquence immédiate de ce concentré d’intelligence, la mise en place de normes drastiques (le fameux DPE interdisant dès 2025 la location de logements énergivores) a permis de réduire l’offre locative dans des proportions inusitées. 400 000 logements par an seraient ainsi retirés du parc locatif par leurs propriétaires découragés – à titre de comparaison, la Seconde Guerre mondiale n’avait détruit « que » 1,5 million de foyers. On aura dépassé ce chiffre à la fin des mandats de Macron (ce président plus intelligent que tous les commissaires européens réunis, un phare dans la nuit). Plus globalement, l’imposition de normes strictes dans le domaine de l’immobilier neuf ou ancien laisse entrevoir une crise du logement d’une ampleur inédite. Mais ne boudons pas notre plaisir, la diminution du nombre de chantiers va se traduire par une baisse très significative des GES – un éclatant succès acquit au prix de 150 000 futurs chômeurs, de millions de locataires frustrés, heureux malgré tout de participer à cette écologie concrète, très concrète.
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Aux dossiers énergétique, agricole ou immobilier, il convient d’ajouter les triomphes suivants : l’Europe numérique (acteurs majeurs européens : néant) ; la chimérique défense européenne, animée par le refus allemand d’échapper à la tutelle américaine et, jusqu’à très récemment, d’en payer le prix ; sans oublier la sauvegarde de nos frontières, objectif en soi suspect, habilement transposée en sauvetage des migrants. « Lutter contre l’immigration, c’est la favoriser », nous disent aussi les commissaires orwelliens bruxellois, slogan concrétisé depuis que Frontex s’est mué en ONG supplétive des passeurs. Récemment complétée d’une directive visant à réécrire l’histoire du continent sous l’angle des migrations et de l’inclusion, l’Afrique a désormais la place qui lui revient selon le wokisme européen : celle de la relève. Et Dieu sait si les Africains ont l’écologie et le wokisme chevillés au corps.
On peut craindre cependant que, par le truchement des (méchants) populistes, les élections de juin désignent un Parlement plus représentatif des aspirations des peuples. Aux quatre points cardinaux du continent se lèvent des forces hostiles à l’écolo-wokisme de von der Leyen et consorts. Que les Européens convaincus gardent espoir, en se remémorant l’espèce d’amnésie qui semble saisir certains eurodéputés. Il en va ainsi des futurs élus républicains conduits par un François-Xavier Bellamy aux engagements conservateurs inquiétants (voire fascistoïdes). Hostiles en théorie au centregauche européiste de Macron, les députés républicains ont pourtant su collaborer à Strasbourg. Que ce soit au titre du groupe PPE (auquel appartient LR) ou Renew (macronistes), ils ont voté ensemble deux fois sur trois. On observe en parallèle la même communion entre les républicains et les socialistes du PSE, groupe censément plus à gauche encore que Renew, avec lequel le PPE avait fait alliance, allez comprendre. Enfin, tant que c’est pour la cause du drapeau bleu étoilé.
Quels que soient les persiflages des eurosceptiques, le succès de l’euro clouera le bec au plus méprisable des populistes. Plusieurs chiffres permettent de mesurer la bénédiction qu’a constituée la monnaie unique. D’abord, c’est grâce à lui que la France a pu continuer à jeter l’argent par les fenêtres et à s’endetter à hauteur de 3 000 milliards d’euros, sans jamais réformer sérieusement son modèle social. On comprend mieux l’attachement des Français à la monnaie unique, de Mélenchon à Marine Le Pen. Autre acquis incontestable, une limitation de la nuisance industrielle de l’automobile en France. Nous en produisons 53 % de moins qu’avant l’euro.Champagne ! Plus globalement, aux irresponsables promesses de prospérité initiale s’est substituée une frugalité de bon aloi. 1.7 % seulement de croissance moyenne contre 2,2 % aux États-Unis en vingt-cinq ans. Ça n’a l’air de rien, mais cela fait 80 % d’écart de richesse en un quart de siècle. L’euro a donc lui aussi concouru au sauvetage de la planète ; ses détracteurs sont définitivement des sots.
Construction européenne, contestable succès
Certains lecteurs attentifs ont peut-être décelé une pointe d’ironie dans ce bilan de l’Union. On a coutume, en effet, de présenter la construction européenne comme un incontestable succès. Admettons. Je n’aurais toutefois pas aimé voir à quoi ressemblerait un échec cuisant, puisque économiquement, stratégiquement, philosophiquement, elle ne paraît pas avoir été en si mauvais état depuis 1945. Pendant ce temps-là, comme l’écrit Philippe Villin dans Le Figaro : « Les émissions sont à l’Est [en Asie]et les écolos sont à l’Ouest .»
Les dossiers européens peuvent être ainsi classés en deux catégories : ceux sur lesquels on fait semblant d’agir (numérique, défense, immigration) et ceux sur lesquels on fait n’importe quoi (énergie, agriculture, logement). L’Europe paraît guidée non par la raison, comme on nous somme de le gober, mais par une idéologie écolo-wokiste enragée – du voile à l’identité de genre, Bruxelles câline toutes les minorités, épouse tous leurs combats. Défendre les frontières de l’Europe, sa culture et son autonomie stratégique semble, par construction, incompatible avec les objectifs des eurocrates. La survie des peuples européens paraît même, au fond, contraire aux « valeurs européennes ». On pourrait donc aller plus loin et distribuer une pilule de cyanure à tous les citoyens français. Cela permettrait une diminution de 1 % des gaz à effet de serre à l’échelle de la planète – pour un coût dérisoire –, tout en faisant de la place au continent africain qui déborde. On s’étonne du côté timoré des meilleurs cerveaux écologistes européens.
[1] Job qui n’existe pas encore, ça ne saurait tarder !