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La fête à la France


C’est mon côté midinette: à chaque fois, c’est la première fois. Je sais, c’est un peu ridicule, mais c’est comme ça. Quand le scrutateur (oui, oui, ou la scrutateure) prononce le rituel « A voté ! », je ressens un mélange indescriptible de fierté – d’être française –, de bonheur – d’être née dans un pays démocratique – et d’affection pour mes concitoyens. Et à en juger par le sourire dont m’a gratifié l’inconnue qui sortait de la mairie du IVème arrondissement, où se trouve mon bureau de vote, au moment où j’y entrais, je ne dois pas être la seule à savourer ce moment précieux. Pour aggraver mon cas, j’avoue avoir une pensée pour tous mes frères humains à qui on ne demande jamais leur avis – « pense aux petits Chinois qui n’ont pas d’I-pad ». Vous trouvez ça risible ? Eh bien rions, c’est toujours ça que les Boches n’auront pas (ceci n’est nullement une allusion à nos amis-zé-voisins allemands mais une expression imagée de la langue française).

Ne vous y trompez pas : je suis du genre à qui on ne la fait pas, taratata. Il ne m’échappe pas que ces gens qui veulent mon suffrage me racontent des bobards, qu’ils me font des promesses qu’ils savent ne pas pouvoir tenir, qu’ils me disent tout et le contraire de tout, qu’ils jurent de me raser gratis pour mieux me tondre, qu’ils pensent parfois à leurs intérêts plus qu’à ceux de la nation. Je sais que leur pouvoir est limité et qu’à la fin des fins, cela ne changera pas grand-chose. Roublards, ramenards, nullards parfois, tout cela est sans doute vrai. Il n’empêche que je suis attendrie par l’exploit politico-sportif accompli par ces dix candidats en quête d’électeurs (en réalité, neuf auraient suffi à mon bonheur, je parle de Cheminade dont on comprend mal ce qu’il fait dans cette galère).

D’accord, Bennasar nous rappelle judicieusement qu’ils sont prêts à tout pour nous mettre dans leur lit – y compris à nous laisser tomber après le petit-déjeuner, parfois même avant. Et alors ? Et si j’ai envie de me faire embobiner, de quoi se mêle Bennasar ? Quelle tête ferait-il si je disais aux filles qu’il drague qu’on le connaît, qu’il raconte toujours les mêmes salades et qu’il ne faut pas se faire avoir ?

Alors oui, une fois tous les cinq ans (en fait, quatre fois, avec deux élections à deux tours), j’aime qu’on me baratine et j’aime faire semblant de croire au baratin. Au bureau de vote, dans la file d’attente, il y avait devant moi deux charmants petits vieux qui avaient ostensiblement pris un seul bulletin, celui de Marine Le Pen, et derrière moi, deux charmants petits jeunes qui avaient fait la même chose avec le bulletin François Hollande – moi, j’ai pris les 10 et je suis passée dans l’isoloir, ça me rappelle toujours les cabines d’essayage improvisées sur les marchés. Peut-être que la robe que j’ai choisie n’est pas très bien ajustée, mais tant pis, c’est ma robe !

Ce soir, à 20 heures, nous recommencerons à nous disputer. Et nous aurons raison. En attendant, je pense à tous ceux qui ont rendu possible cet instant miraculeux où je mets mon bulletin dans l’urne. Je pense à mes concitoyens qui se plaignent de n’être pas considérés comme Français à part entière et dont, heureusement, la voix vaut la mienne. Je pense à Marc Bloch, à Clovis et à la Fête de la Fédération (1) et j’ai envie de dire que ceux qui ne frissonnent pas en entendant la Marseillaise et en mettant leur bulletin dans l’urne ne comprennent pas encore vraiment l’histoire de la France. J’ai surtout envie de rappeler à tous, avant que les uns gagnent et que les autres perdent, que nos querelles sont notre bien commun.

 » Ceux qui ne frissonnent pas à l’évocation du baptême de Clovis et de la fête de la fédération de 1790 ne comprendront jamais l’histoire de la France ».



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Fondatrice et directrice de la rédaction de Causeur. Journaliste, elle est chroniqueuse sur CNews, Sud Radio... Auparavant, Elisabeth Lévy a notamment collaboré à Marianne, au Figaro Magazine, à France Culture et aux émissions de télévision de Franz-Olivier Giesbert (France 2). Elle est l’auteur de plusieurs essais, dont le dernier "Les rien-pensants" (Cerf), est sorti en 2017.

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