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La fausse bourde de Vincent Peillon


Et si certains socialistes avaient retenu les bonnes leçons du sarkozysme, en matière de communication et d’annonces gouvernementales ? Prenez Vincent Peillon, look de prof Troisième République dit la grande presse, air modeste, travailleur, prof de philo, promis à la rue de Grenelle depuis qu’il s’est engagé auprès de François Hollande : eh bien, à mon humble avis, on le crédite un peu vite de la première bourde gouvernementale.

Tout à sa hâte d’être ministre, il a annoncé que la semaine des enfants du primaire allait passer de 4 à 5 jours dès la rentrée 2013. Annoncé comme si c’était fait, hop, réglé évident ! Et aussi sec, l’élève Peillon s’est fait recadrer non par son Premier ministre mais par Ségolène Royal, expliquant que un ça ne se faisait pas comme ça, sans « concertation ». Et surtout que c’est le Premier ministre qui arbitre, tranche et annonce une mesure d’une telle importance, qui va foutre en l’air les grasses mat ‘de week-end de millions de Français qui si ça trouve, sont appelés à voter dans trois semaines. Ségolène qui se voit bien présidente de l’Assemblée a clairement fait comprendre à ses amis socialistes qu’elle a déjà été ministre, et qu’elle sait, elle, comment on se comporte dans un gouvernement. Mais passons sur ses méthodes de maitresse d’école.

Et surtout demandons nous si Peillon a simplement commis une bourde ou bien tenté un coup à la Sarkozy-Guéant-Dati. Du genre, j’annonce du lourd (une loi contre ceci, la sévérité contre cela, une réflexion et des actions contre ce truc) je regarde comment ça réagit et éventuellement, si ça ne produit rien dans les sondages ou chez les syndicats je retire, j’embourbe ou j’agis. Une méthode d’agit-prop qui a fait courir la presse pendant 5 ans derrière des annonces plus ou moins bidons, occupait le terrain du débat et coinçait l’opposition sur des thèmes qu’elle ne maitrisait pas. Sans oublier, pour parfaire le tableau, un François Fillon qui ne tranchait à la fin rien du tout, n’avait jamais son mot à dire et y trouvait parfaitement son compte.

Revenons à nos jours supplémentaires de classe. C’est un fait : la mesure fait partie des 60 propositions de François Hollande. La gauche, Martine Aubry en tête, considère que les gosses doivent travailler plus pour s’en sortir mieux, surtout les plus mal lotis. Et que du coup, les profs aussi doivent faire des efforts.

Or, même si tout le monde a l’air officiellement d’accord là-dessus, du côté des syndicats, on commence à traîner un peu la patte. Depuis quand on travaille plus sans gagner plus ? Alors on minaude, oui ça serait super, mais si ça se trouve les besoins ne sont pas les mêmes partout. Les collectivités locales, elles aussi, trainent un peu la patte: si les gosses sortent de l’école tous les jours à 15h30 au lieu de 16h30 il faudra bien les occuper. On ne va pas demander aux mères de sortir plus tôt pour récupérer les mioches alors qu’on nous vend la parité et l’émancipation de la femme à tour de bras. Alors les mairies vont devoir trouver des locaux, des animateurs, des gymnases des activités, tout ça pour pas trop cher, histoire d’occuper les enfants au moins jusqu’à 16 h30, voire 18h. Je ne parle pas de la corporation des hôteliers et des stations de ski qui hurle au sabotage dans la mesure où les week end des bobos seraient sacrifiés et leur chiffre d’affaires avec.
Autant dire que sur le papier, travailler plus pour être plus intelligent c’est chouette. Dans la vraie vie, c’est une autre affaire.

Alors Peillon tente. J’annonce que je fais. Je mets les gens sérieux et les parents qui flippent trouvant que les mioches ne bossent pas assez de mon côté, je mesure les résistances, la force des opposants. Et si ça ne va pas, j’annonce qu’on le fera en 2019. En expliquant que les profs et la FCPE sont des vilains. Les affaiblir c’est toujours ça de pris, mais il faut dire que Luc Chatel lui a bien mâché le travail de ce côté-là. Je prends même le pari que l’habile ministre de l’Education remettra le couvert à d’autres reprises. Sur d’autres sujets sur lesquels de toutes façons il n’y a jamais de consensus.

Tous les Français, qu’ils aient un enfant à l’école ou pas ont un avis sur la question, alors la concertation… L’opposition montera au créneau, les journalistes aussi, et on passera d’un sujet à l’autre en occupant le terrain médiatique. Vu les difficultés qui s’annoncent je la jouerai comme ça. Le sarkozysme n’a pas eu que du mauvais, somme toute.

*Photo : Parti socialiste



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est journaliste

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