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La fascination du FN


La fascination du FN

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La difficulté du traitement médiatique du Front national réside dans la nécessité qu’il y a de se distancier du storytelling imposé par l’appareil lepéniste et de resituer le FN dans un contexte global en cessant d’en faire le centre de la vie politique. En  ce sens, Causeur, quoi qu’il en dise, ne semble pas se déprendre d’une forme de fascination pour le parti lepéniste. Le dernier dossier consacré au FN mérite quelques critiques, non exhaustives.

Le basculement des ouvriers, par exemple, s’opère avec beaucoup plus de nuances que ce que sous-entend l’équipe de Causeur (à sa décharge, le mythe est répandu). La fin de l’alignement du vote de classe à gauche est un phénomène qui dépasse de très loin le cadre français. On a, en outre, parlé de vote de classe « enterré vivant » pour mettre en évidence des effets générationnels beaucoup plus complexes que le prétendu basculement déterminant d’électeurs communistes à l’extrême droite. Le basculement de Brignoles à droite, par exemple, n’est pas récent.

Quant à dire que le FN a une « sociologie de gauche » c’est  simplement inepte.[access capability= »lire_inedits »] Il est, au passage, amusant de constater que Causeur adhère à l’idée qu’il existe une catégorie sociale appelée « exclus ». En vérité, en France, la question du FN a fait écran aux dynamiques de domination culturelle qui se sont mises en place à partir des années 1980. Alors que la gauche britannique débattait de ce sujet (voir les controverses entre Stuart Hall et Bob Jessop) et que le New Labour élaborait sa réponse idéologique alternative (ou pas) au thatchérisme, la gauche française a tardé à analyser les mutations de ces dominations culturelles dans notre pays.

De ce point de vue, le FN empêche de penser la « droitisation » qui doit, c’est un fait, être mise en perspective avec l’évolution de notre géographie sociale. Que, dans sa stratégie, le FN entende utiliser un vocabulaire « républicain » pour avancer n’est pas une surprise. La tactique est ancienne et date de certains travaux du Club de l’Horloge dans les années 1980. L’utilité pour le FN de renégats de la « gauche républicaine » n’est donc pas une surprise (le passé « chevènementiste » de M. Philippot relevant quant à lui plus de la mythomanie que du storytelling, ledit Philippot  ayant simplement signé, comme des milliers de personnes, un formulaire de comité de soutien dont il prétend maintenant faire le Saint-Suaire).

Le FN évolue, comme il a toujours évolué. Rien de surprenant. C’est le propre de tout parti politique. Au coeur de tout imaginaire collectif se trouve l’activité économique. La désindustrialisation et le déclassement, éléments objectifs, quantifiables, sont évidemment de puissants moteurs de l’évolution des représentations collectives et les pourvoyeurs de puissantes paniques morales. Le FN est une caisse enregistreuse électorale des paniques morales du pays. Rien de plus, mais c’est déjà, hélas, beaucoup.[/access]

*Photo : LCHAM/SIPA. 00667238_000058.

Décembre 2013 #8

Article extrait du Magazine Causeur



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est docteur en science politique et essayiste

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