« Je suis resté tétanisé », nous a confié notre chroniqueur, alors que nous nous étonnions qu’il n’ait pas réagi à l’assassinat de son collègue d’Arras, Dominique Bernard — professeur de Lettres comme lui. « Puis les massacres perpétrés par le Hamas en ont rajouté une couche. Nous vivons pile au moment de la bascule, d’une société mollement démocratique dans une domination théologique sanglante ». N’exagère-t-il pas ?
« Puis, les deux collègues sont revenus au quotidien et ont abordé leur métier. « On a parlé de nos élèves, mais pas seulement », continue l’enseignant. Sur ce sujet, le ton de son ami, qui allait mourir assassiné quelques minutes plus tard par un ancien élève de l’établissement radicalisé, était « assez pessimiste ». Ils ont évoqué le fait qu’« il était de plus en plus difficile d’enseigner la littérature, lui au collège, moi au lycée». « Il m’a parlé plusieurs fois ces dernières années de la difficulté de transmettre. C’est ce qui le préoccupait », continue le professeur. « Du manque de goût pour la culture, de l’ignorance. Et du manque d’attention en classe. On est tombés d’accord pour dire que c’était de pire en pire ». Avant de le quitter, Dominique Bernard a glissé à son collègue, pour conclure : « On court à la catastrophe. »1
Cinq minutes plus tard, un islamiste tchétchène fiché S, ancien élève du lycée, tuait Dominique Bernard, selon la technique que ces illuminés utilisent avec les moutons de l’Aïd. Les médias n’ont pas insisté sur ce point, mais il est significatif. Ce n’est pas seulement un meurtre, c’est une immolation. « Allah akbar ! »
Je voudrais revenir en détail sur ces ultima verba de Dominique Bernard. Parce que c’est le constat de tous les enseignants lucides — exception faite des idéologues auxquels on a confié la formation des maîtres, et que je demande instamment au ministre de dégommer le plus rapidement possible.
Mais dans tout propos, il y a le dit et le non-dit. Le constat, c’est l’impossibilité, ressentie par nombre d’enseignants, de transmettre quoi que ce soit à des classes d’adolescents sans retenue, ensauvagés de surcroît par deux confinements aussi absurdes l’un que l’autre.
Le non-dit, c’est ce que l’assassin a explicité tout haut.
Dans une vidéo de 30 secondes enregistrée quelques minutes avant son passage à l’acte, Mohammed Mogouchkov explique ses motivations, qualifiant les Français de « peuple de mécréants ». « Vous m’avez appris ce que sont la démocratie et les droits de l’homme, et vous m’avez poussé vers l’enfer », poursuit-il, avant de prêter allégeance à l’État islamique et d’apporter son soutien aux musulmans en Asie.
Puis le terroriste entre au lycée Gambetta, poignarde Dominique Bernard, professeur de français, avant de blesser grièvement un autre professeur et deux agents d’entretien. « Qui te donne l’air que tu respires ? Qui est le seul Dieu ? Appelle Marianne, appelle ta République », s’exclame alors Mohammed Mogouchkov, au moment de l’attaque.
Rappelons que ledit Mohammed n’en avait pas particulièrement après Dominique Bernard. Il cherchait « un prof d’Histoire ». Pas quelqu’un de précis, juste cela : quelqu’un qui enseignait l’Histoire.
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Peut-être vous rappelez-vous l’attentat en Tunisie, il y a huit ans, contre le musée du Bardo. C’était le 18 mars 2015. 24 morts (y compris les deux terroristes) et 45 blessés. Mais dans l’analyse que j’avais faite à l’époque ici-même de l’événement, j’insistais sur la dimension symbolique d’un attentat dans un musée. L’Hégire, disais-je, ne marque pas un départ de l’Histoire, mais son abolition. Allah a le temps, et ses sectateurs aussi. L’Islam nie le temps. « Il a brûlé la bibliothèque d’Alexandrie (70 millions de volumes, quand même) parce qu’il ne saurait y avoir qu’un seul Livre. Une seule voix. Un seul nom. Les nazis avaient décidé de construire à Linz le musée du Reich en y accumulant tout ce qu’ils pillaient ailleurs. Mais nos gens sont plus forts : du passé faisons table rase… »
D’où l’idée qui a germé dans le crâne obtus de ce terroriste (ça va, Jean-Luc, il fait beau chez toi, tu as pantouflé toute la journée pendant que les vrais Républicains arpentaient le pavé de la capitale…) d’assassiner un prof d’Histoire. Ça n’avait pas dû lui plaire, qu’on lui explique la Shoah…
Rappelons que le Coran est ce gentil recueil d’anecdotes absurdes dans lequel (exactement dans le Sahih Muslim, l’un des six recueils de hadiths, paroles confirmées du prophète) il est écrit : « L’Heure ne viendra pas jusqu’à ce que les musulmans combattent les juifs et que les musulmans les tuent ; jusqu’à ce que le juif se cache derrière un mur ou un arbre, et le mur ou l’arbre diront : Ô musulman ! Ô serviteur d’Allah ! Voilà un juif derrière moi. Viens et tue-le ! »
Alors ils les tuent — au berceau si possible. Dans un four, au besoin. Ils les violent et ils les tuent. Ils effacent l’Histoire — parce que c’est un Juif converti au service du sultan Omar qui l’a rédigé, avant que le calife Othmân n’en impose une version ultime. C’est une religion qui nie tout ce qui l’a précédée. Le musulman réside dans un monde intemporel — c’est l’une des raisons pour lesquelles il n’est pas naturellement porté ni vers les sciences, ni vers le savoir. Comptez- les prix Nobel musulmans…
… Comptez les prix Nobel juifs. La judaïté est une culture, pas une impasse. En témoigne le nombre infini de juifs athées, et qui s’en portent fort bien, même s’ils respectent, surtout devant leur mère, certaines obligations rituelles. L’athéisme est le premier pas dans le Temps. Rappelez-vous Max Weber et le « désenchantement du monde ». Animistes, polythéistes, monothéistes, athées. C’est cela, le progrès. Descartes dès 1641 suggère dans les Méditations que par le mot « nature », il entend « Dieu ». Et trente ans plus tard, Spinoza affirme : « Deus sive natura », Dieu, c’est-à-dire la nature. Il a renversé les termes. En 1788, Schiller constate que la nature a définitivement perdu son caractère sacré. Il était temps, on allait couper la tête du dieu-roi. Et faire de la République la transcendance de substitution.
C’est cela, l’Occident.
L’islam, c’est pile le contraire. Pas de Temps, pas d’Histoire. Juste la répétition des certitudes creuses d’un chamelier fou de soleil et ivre de carnage.
Il en résulte que les enseignants qui « respectent » les croyances et le fanatisme de leurs élèves sont responsables de ces têtes creuses dans lesquelles les imams, qui n’en demandaient pas tant, glissent des certitudes absurdes. Parce que refuser d’enseigner la République — à commencer par cet apprentissage dérisoire de la langue qu’est actuellement l’étude du français en Primaire et dans le Secondaire —, c’est offrir aux porteurs de contes absurdes une voie royale. La nature a horreur du vide que certains laissent dans les caboches des enfants et des adolescents. Quand l’enseignant ne fait plus son boulot, l’imam le remplace.
À suivre…
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- https://www.lefigaro.fr/actualite-france/l-ignorance-le-preoccupait-la-derniere-conversation-de-dominique-bernard-quelques-minutes-avant-de-mourir-dans-l-attaque-d-arras-20231017 ↩︎
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