Le psy médiatique est accusé de violences sexuelles sous hypnose par des femmes. Dans une réponse à ses accusatrices, l’ancien chroniqueur de Laurent Ruquier semble penser que tout rapport hétérosexuel se caractériserait par l’emprise et que l’intime serait politique.
Après l’affaire Gérard Depardieu, c’est au tour de Gérard Miller, le célèbre psychanalyste de plateaux, d’être accusé par plusieurs femmes de viol ou d’agressions sexuelles1. Celles-ci faisant part de comportements pour le moins inappropriés lors de séances d’hypnose. L’affaire est sortie dans la presse et les réseaux sociaux, toujours friands de ce type de carburant, s’en sont emparés, sur l’air de l’arroseur arrosé.
Arroseur arrosé
En effet, un extrait d’une intervention d’un Gérard Miller survolté s’en prenant à Gérald Darmanin parce que le ministre de l’Intérieur était resté en poste malgré des accusations de viol, a ressurgi. Le passage n’est pas flatteur pour l’intéressé (notre vidéo ci-dessous) tant le psychanalyste surjoue l’indignation et vitupère bruyamment. Cette mise en scène de l’émotion au service de l’accusation d’autrui tempère sans doute le minimum de compassion que l’on devrait éprouver face à la tempête médiatique qu’il subit. Il y a une certaine ironie dans son sort : cet homme, rarement avare de leçons à donner et de jugements péremptoires en tant que chroniqueur télé, se retrouve dans la position de nombre de ceux qu’il a critiqués et subit aujourd’hui la violence et l’opprobre qu’il a adoré déchainer à l’heure de sa puissance médiatique.
A lire aussi, Elisabeth Lévy: Gérard Miller, les Juifs et ma boussole morale
Une défausse pour défense
Mais le plus intéressant dans cette affaire tristement banale est la défense de Gérard Miller. Celle-ci est très inhabituelle dans ses termes et peut laisser le public interloqué2. Si le psychanalyste LFI évoque des relations consenties, il reconnaît toutefois un rapport inégalitaire qu’il justifie ainsi : « Psychanalyste, universitaire, auteur, chroniqueur télé et radio, j’étais de fait un homme de pouvoir, il y avait dès lors une dissymétrie objective dont on peut se dire qu’elle était purement et simplement rédhibitoire. » Disons qu’en tant que professionnel, l’homme maitrise bien la distanciation mais que cet alignement de mots ressemble fort à la version jargonneuse de l’explication entortillée. Sous couvert d’avoir pris conscience d’une situation dissymétrique, l’homme s’absout en fait de sa responsabilité propre. C’est là que l’on en revient au verbiage politique qui est la trame des justifications avancées par Gérard Miller. Dans un autre passage de son texte, il écrit : « Je sais que depuis le début du mouvement #Metoo, des paroles essentielles ont émergé, qui remettent en cause la façon dont les rapports hommes-femmes sont constitués dans notre société, sur la base d’une incontestable domination masculine. » Autrement dit, toute responsabilité individuelle est occultée, c’est l’organisation sociale qui réduit l’homme à un fonctionnement de prédateur.
Une vision du rapport hommes/femmes entachée de suspicion
Ainsi, « sans être hypnotisée, tout en restant parfaitement consciente, il y a en effet des situations où celle qui ne manifeste d’aucune manière son refus, qui répond même oui aux questions qu’on lui pose pour s’assurer de son acquiescement, se sent dans l’impossibilité d’exprimer librement un désir qui contreviendrait à celui de l’autre ». Autrement dit, la femme est dans l’impossibilité de dire, l’homme, lui, est placé par le système en situation de domination – le lien est donc faussé et impossible et tous deux sont victimes de la société.
A lire aussi, Isabelle Larmat: Comment parler de la fille Garrido/Corbière?
Faut-il donc comprendre que toute relation hétérosexuelle est entachée ontologiquement de domination et qu’aimer c’est perpétuer un système patriarcal qui fait de tous les hommes des prédateurs et de toutes les femmes des victimes ? Comment, avec un tel climat de suspicion, ne pas impacter les relations entre les sexes et ne pas faire de l’amour une escroquerie, et du sexe une forme emprise.
La terreur jusque sous nos draps ou la tentation d’investir politiquement l’intime
Un livre qui vient de sortir nous donne les clés de cette curieuse défense du psychanalyste, également pilier de la France Insoumise de Jean-Luc Mélenchon. Avec humour et intelligence, La terreur jusque sous nos draps de Noémie Halioua défend la cause de l’amour hétérosexuel face à toutes les Staliniennes en jupons qui veulent en faire un outil de rééducation politique et ont tendance à réduire tous les hommes à des porcs que l’on balance. Tandis que les nouveaux dragons de la guerre des sexes appliquent strictement le slogan « l’intime est politique », Noémie Halioua défend le contraire : l’intime est privé et doit le rester car c’est un espace de liberté. Les rapports hommes/femmes, contrairement à ce qu’en disent les néo-féministes, ne se résument pas à des rapports de domination, même s’il y en a aussi. Comme il existe des liens de désir, d’abnégation, de solidarité, de sympathie, de filiation, de détestation, d’amour et de haine, d’intérêt, d’indifférence, d’appétence, de rejet… L’intime est le lieu où nous vivons nos libertés, nos limites et nos grandeurs, nos envols et nos chutes.
Hannah Arendt ne disait pas moins, qui faisait de la capacité des démocraties à tracer une frontière entre le public et le privé, la source des libertés individuelles et collectives. Le public est l’espace ou en rabat sur ses particularismes pour vivre avec les autres ; le privé est l’espace que l’on possède en propre pour nous exprimer. Du respect de cette frontière, de la possibilité d’échapper au jugement d’autrui, de ne pas toujours rendre compte, naissent nos libertés. Voilà pourquoi il faut se méfier de ceux qui veulent étendre à l’infini le domaine du politique. Voilà pourquoi il ne faut pas laisser les inquisiteurs, et leur fidèle servante, la terreur, vous poursuivre jusque sous vos draps.