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La droite la plus lâche du monde ?


La droite la plus lâche du monde ?
Bruno Retailleau, Michel Barnier, Michelle Tabarot, Annie Genevard, Valerie Pecresse et Laurent Wauquiez à Versailles, le 12 juin 2024. © Jacques Witt/SIPA

Si pour Elisabeth Lévy la France a la droite la plus bête du monde, pour Philippe Bilger c’est encore plus grave… 


Éric Ciotti est-il toujours président de LR ? La décision judiciaire du débat sur son sort sera connue ce soir, après que le bureau politique l’a à nouveau exclu. Il faut en tout cas le remercier de permettre à beaucoup de médias et de citoyens de faire des gorges chaudes sur la tonalité vaudevillesque de ces derniers jours et de le tourner en dérision, lui qui le 11 juin a annoncé un rapprochement électoral avec le RN. Chacun y va de sa moquerie, de son mot d’esprit, de ses attaques sur sa personne.

De telle sorte que s’abandonner à cette drôlerie collective – est-elle si réjouissante ? – a fait totalement oublier le fond du débat et l’intérêt ou non de la solution qu’il a proposée, sans en parler à quiconque auparavant. En réalité, son énorme faute réside dans cette solitude. Sa trahison, à mon sens, est moins dans la substance de son initiative que dans ses modalités médiatiques. On peut tout à fait lui imputer des ambitions électorales ou ministérielles sans que son pavé dans la mare du politiquement et médiatiquement correct soit moins passionnant à analyser.

La droite la plus lâche du monde ?

En tout cas j’éprouve la plus profonde admiration pour la gauche socialiste, pour les écologistes de Marine Tondelier toujours au premier plan, pour les communistes, et, d’une certaine manière aussi pour LFI et le NPA ! Quel courage ont eu ces partis, quelle superbe indifférence au jugement d’autrui, ils n’ont pas eu besoin de la permission de la droite pour, en quatre jours, oublier ce qui les avait séparés et se préparer à livrer de concert la bataille des élections législatives !

L’histoire de la gauche et de l’extrême gauche est au fond le récit d’un réalisme tellement dominant qu’on pourrait le qualifier de cynisme. Elles se fabriquent, à intervalles réguliers, un ennemi dont elles surestiment délibérément le danger et qui les rassemble. Comme le « fascisme » est à nos portes, il est urgent d’occulter tout ce qui est moral et de mener la lutte qui ne sera jamais finale puisque la démocratie a beau exister, elle compte peu face aux prurits révolutionnaires qui n’attendaient par exemple que la déroute du macronisme et le triomphe du RN pour reprendre toute leur vigueur.

Le pragmatisme sans s’encombrer de morale pour les alliances est donc à gauche ; et la moraline exigée de la droite. Une inégalité qui loin de s’atténuer s’amplifie.

François Mitterrand n’était pas communiste et il a fait l’union avec le parti communiste sans barguigner, en dépit du passé et du présent d’alors de ce dernier.

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François Hollande qui avait dénoncé vigoureusement LFI et Jean-Luc Mélenchon, n’a rien trouvé à redire à la miraculeuse coalition de la gauche socialiste avec l’extrême gauche. L’indécence serait pour lui la nomination de Jean-Luc Mélanchon comme Premier ministre mais non cette union tirée par les cheveux et dénuée de toute éthique.

NPA est dans le Front populaire, pourtant Philippe Poutou a proféré des horreurs après le pogrom du 7 octobre.

Il n’y a que des détails vite réglés qui auraient pu interdire la réconciliation enthousiaste avec LFI et un JLM qui avec habileté a su faire le modeste. Ce parti, globalement ou par l’entremise de certains de ses députés ou de la bouche même de JLM, entre autres est antisémite, hait Israël, défend le Hamas qui n’est pas « terroriste » mais « résiste », pourfend la police qui « tue », brandit des drapeaux palestiniens et suscite un désordre et une vulgarité parlementaires guère éloignés d’un antiparlementarisme.

Broutilles donc qui n’ont pas fait hésiter une seconde les forces de gauche pour se dresser, avec ce parti hier honni, contre le RN qui a eu l’énorme tort républicain d’avoir été placé en tête par une multitude de citoyens, ceci quasiment dans toute la France. Comment ne pas être estomaqué par une telle audace, un tel mépris des convenances, un tel sens de l’efficacité, une volonté si affichée de victoire, une telle certitude d’avoir raison et de devoir tout faire pour éviter à la France le sort funeste d’une droite républicaine et d’une droite extrême réunies ? Même Raphaël Glucksmann, avec mille scrupules, s’est plié à cette chape de plomb !

Je me moque mais il n’y a pas de quoi.

Triste droite…

En face on a une droite qui depuis l’intervention d’Éric Ciotti se couvre la tête de cendres, invoque de Gaulle (celui-ci tout au long de sa vie, notamment sur le plan international et dans certains de ses choix à la Libération, a pourtant été un pragmatique indifférent au qu’en dira-t-on), Jacques Chirac et Nicolas Sarkozy comme si ceux-ci avaient été des exemples et demeuraient, morts ou vivants, des guides moraux, délire dans des dénonciations ridicules par leur outrance, se pose en juge alors que les principales personnalités qui se sont exprimées ont largement mis la main dans le déclin de leur camp – Valérie Pécresse notamment – et dans la totale éradication de la fierté intelligente et argumentée d’être de droite.

La droite de LR est aux antipodes d’une domestication par le RN mais au moins la ferait échapper à la peur de son ombre et à celle de s’allier pour des motifs électoraux. Sur le plan régalien, LR et RN sont proches. Le comble est que ceux qui ont tout fait pour tirer de la réalité des leçons lucides en matière de sécurité, d’autorité et de justice feignent aujourd’hui de jouer les vierges effarouchées.

Je ne demande pas à la droite d’avoir une témérité sans morale comme la gauche de ces derniers jours mais au moins de ne pas se camper dans une faiblesse qui la soumet au diktat que ses adversaires lui imposent, lui interdit de prendre acte des évolutions du RN sous l’égide de Marine Le Pen et surtout, en contestant la réalité d’une dédiabolisation comme la gauche, la prive de toute analyse politique au profit d’un confortable opprobre moralisateur.

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Si on examine le cours de l’Histoire, on est obligé de constater que l’extrême gauche, désaccordée d’une conception équilibrée, pacifique et civilisée de la République, suscite de plus en plus de suffrages, médiatiquement et politiquement, tandis que le RN qui n’a cessé d’opérer une authentique normalisation continue à être traité comme s’il était demeuré fidèle à ses origines sulfureuses et à l’ère de Jean-Marie Le Pen.

Que je sache, nous sommes en démocratie et, si la droite est vraiment indépendante, elle a précisément la faculté, sans peur ni lâcheté, de s’allier avec qui elle veut. De grâce, que le discours sur les valeurs soit autre chose qu’un cache-misère politique et électoral !

La droite la plus lâche du monde ?

Un signe de plus. Qu’il faille estimer François-Xavier Bellamy parce qu’il énonce cette évidence que faute de candidat LR il voterait pour le RN plus que pour l’extrême gauche, montre à quel degré de pusillanimité le parti est tombé. Le président du Sénat ose affirmer « qu’il irait à la pêche » s’il avait ce choix à effectuer ! Une honte!

Triste droite.

Une exigence et un regret pour finir.

Le débat sur les alliances de LR est trop important pour être laissé au seul bureau politique. Les militants doivent se prononcer.

Le seul grave reproche à imputer au président Ciotti est de n’avoir pas eu l’honnêteté de livrer, de manière transparente, cette réflexion capitale à tous ceux qui croient plus que jamais, contre le macronisme mou et l’extrême gauche dangereuse – on le voit chaque soir et le 7 juillet au soir puis les jours suivants probablement davantage encore -, à une droite assurée d’elle-même.

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Magistrat honoraire, président de l'Institut de la parole, chroniqueur à CNews et à Sud Radio.

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