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La droite des actes ou celle des magouilles?

Le billet politique de Philippe Bilger


La droite des actes ou celle des magouilles?
Laurent Wauquiez salue Bruno Retailleau à l'Assemblée nationale, 26 novembre 2024 © Jacques Witt/SIPA

Le chef des députés LR à l’Assemblée souffrirait-il de la soudaine notoriété du ministre de l’Intérieur ? Entre M. Retailleau qui monte dans les sondages et M. Wauquiez qui rame à l’Assemblée, la droite semble hésiter : qui sera le héros de 2027, et qui devra se contenter d’applaudir depuis les coulisses ? Analyse.


Le conflit entre Laurent Wauquiez et Bruno Retailleau, au sein des Républicains, est révélateur et a une longue tradition politique qui pourrait concerner beaucoup d’histoires partisanes. Si on accepte de ne pas tomber dans le byzantinisme pour faire croire à une noblesse des affrontements, ce qui oppose ces deux personnalités est, pour l’une, son appétence pour les coups fourrés, les magouilles et les exclusions et, pour l’autre, sa passion des actes et sa volonté de transformer une réalité insupportable pour les Français.

Rivalité entre le ministre de l’Intérieur et le président du groupe Droite républicaine

En effet, Bruno Retailleau désirerait rester au sein du prochain gouvernement – si celui-ci a de la cohérence et que gauche et extrême gauche demeurent à l’extérieur et sur ce point seulement, accord total entre Wauquiez et Retailleau (Le Figaro). Non par narcissisme personnel, de la part de celui-ci, ou ambition déplacée mais, tout simplement, comme pour tout bon artisan qui a commencé son travail, par l’envie de le terminer pour que la France aille mieux.

Qu’on ne me dise pas que je m’illusionne sur Bruno Retailleau, avec cet air de pessimisme trop heureux de me donner tort… Mais je peux facilement objecter que le ministre de l’Intérieur qui, je l’espère, le sera à nouveau, a démontré, avant la motion de censure, à quel point son verbe et ses actions étaient indissociables. La droite a mis en valeur, enfin, dans l’exercice du pouvoir, un homme d’une droite authentique qui n’avait pas peur de s’affirmer ainsi et de le démontrer. Jusqu’à lui, nous n’avions connu, peu ou prou, que l’inverse.

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Quant à Laurent Wauquiez, je n’aurai pas l’indécence de tenir pour rien son prestigieux parcours universitaire mais en politique, nous constatons que l’intelligence, aussi bien armée et dense qu’elle soit, ne garantit rien. Il y a, dans le pouvoir et sa périphérie, des obsessions, des tentations, des hostilités, des connivences, d’étranges et surprenantes solidarités, des antipathies subtiles qui n’ont rien à voir avec les capacités intellectuelles au sens classique mais tout avec la répudiation de valeurs humaines essentielles : courage, volonté, fidélité, obstination, lucidité et reconnaissance.

Laurent Wauquiez inquiet quant à la légitimité de sa candidature en 2027 ?

Après la catastrophique dissolution et le résultat dénaturé démocratiquement des élections législatives, nous avons été conduits à douter de la transparence politique et parlementaire de Laurent Wauquiez, aussi bien lors du choix du Premier ministre que de la composition du gouvernement. Il s’agissait déjà de tailler des croupières à Bruno Retailleau qui pâtissait sans doute à ses yeux d’avoir été préféré à lui par le Premier ministre, pour Beauvau.

On sait aussi que M. Wauquiez a tout fait pour écarter David Lisnard des postes ou fonctions qu’il aurait mérité d’occuper dans cette période troublée où on n’aurait pas dû se permettre des ostracismes scandaleux.

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Comme président du groupe parlementaire de la Droite Républicaine, Laurent Wauquiez ne s’est pas distingué par la clarté, la clairvoyance de ses choix et l’efficacité de ses tactiques. Sa complicité avec Gabriel Attal (qui a fortement écorné son image durant le mandat de Michel Barnier) a fait plus de mal que de bien à son camp. On a découvert un Laurent Wauquiez directif, autoritaire, avec une unique finalité : ne rien faire qui puisse léser ses ambitions présidentielles.

Comme s’il était assuré en 2027, ou avant si le président de la République préférait la dignité à l’impuissance, d’être le seul candidat de la droite. On en est loin. Il a eu beau tenter une table rase, ils sont plus que jamais là ceux qu’il trouvera sur sa route : David Lisnard, Bruno Retailleau (je l’espère, sa tâche accomplie), Xavier Bertrand, et d’autres qui sortiront du bois républicain…

En attendant, alors que le nom du successeur de Michel Barnier n’est pas encore connu, que Laurent Wauquiez, de grâce, cesse cette petite guerre médiocre seulement destinée à faire gagner la droite des magouilles contre celle des actes. À faire perdre cette dernière au bénéfice de l’autre.



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Magistrat honoraire, président de l'Institut de la parole, chroniqueur à CNews et à Sud Radio.

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