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La déroute de la pensée unique est programmée

Remis en liberté, les carnets d'Ivan Rioufol


La déroute de la pensée unique est programmée
© liot Blondel/ABACAPRESS/Sipa

L’assaut mené contre CNews par Reporters sans frontières illustre la défaite de la presse moralisatrice : elle demande au gouvernement et aux juges de faire taire un média coupable de décrire le réel. Cette machination a aussi révélé le militantisme du Conseil d’État et sa proximité avec la gauche intolérante.


Un monde finissant s’accroche à ses fauteuils. La déroute des puissants est programmée, tant leurs lubies sur la « société ouverte » se révèlent désastreuses. Leur idéal déraciné, qui sévit depuis un demi-siècle, est à bout de souffle. La colère paysanne, ce « soulèvement du peuple de la terre » (Robert Redeker), en est le symbole. Le système ne tient plus que parla rage des faillis. Pour ces vendeurs de nuages, seule compte leur survie. Or un peuple mal guidé n’a d’autre issue que de chasser ses maltraitants. Les Français ont atteint, pour une partie d’entre eux, ce stade ultime de l’exaspération. Les derniers feux, lancés par la caste assiégée, expriment la panique du gouvernement. Il ne sait plus convaincre autrement que par la propagande et le bâillon. Ce n’est pas faute d’avoir prévenu ici [1] : la pente liberticide de l’État le rapproche des régimes illibéraux, voire totalitaires. C’est au nom d’une défense orwellienne de la démocratie et de la liberté qu’une coalition de politiques, de juges et de journalistes, issus de la gauche et de l’extrême gauche, cherche à imposer un discours diversitaire obligé. Même la mémoire de Missak Manouchian, l’étranger devenu résistant communiste, est réquisitionnée à cette fin. Seule, croient-ils, une obéissance décrétée pourrait conforter leur pensée unique, qui ne produit que slogans, interdits, excommunications. Cependant, ces adeptes du confinement des esprits ont des pétoires à bouchon à la place du cerveau. Oui, leur sort est de disparaître. Le plus tôt serait le mieux.

Défaite de la presse moralisatrice

L’histoire s’accélère. L’ancien régime agonisant promet des soubresauts féroces. Incapables de se réconcilier avec les citoyens ordinaires, les sursitaires ont choisi de les faire taire. Les lanceurs d’alerte et les médias indépendants sont dans le collimateur de l’État censeur et de ses rabatteurs à cartes de presse. L’assaut contre CNews, mené par Christophe Deloire, secrétaire général de Reporters sans frontières (RSF) et responsable des états généraux de l’information, voulus par Emmanuel Macron, illustre la défaite de la presse moralisatrice : elle exige du gouvernement et des juges qu’ils imposent le silence à un média coupable de décrire le réel et ses insécurités, ce qui explique son succès. En l’occurrence, la machination contre la chaîne de Vincent Bolloré a révélé le militantisme du Conseil d’État et sa proximité avec la gauche intolérante. C’est en France, et non en Russie, qu’une télévision privée voit sa ligne éditoriale, mais aussi ses chroniqueurs, ses animateurs et ses invités, menacés d’être mis sous surveillance, avec les applaudissements de la presse « progressiste » et le silence approbateur des Sociétés de rédacteurs, y compris du Figaro. En 1882, Nietzsche écrivait : « Encore un siècle de journalisme et les mots pueront. »La puanteur est partout. Depuis le 15 février, une disposition anti-Raoult introduite par le gouvernement dans la loi antisecte permet même de sanctionner toute contestation du discours sanitaire de l’État-Mamma, en dépit de ses mensonges sur l’efficacité des vaccins anti-Covid. Urgent d’ouvrir les fenêtres.

Les jours des squatteurs de la démocratie sont comptés. Aucune réconciliation n’est plus possible entre « les responsables du sommet et ce que vit la base », en dépit de ce que veut croire François Bayrou qui alerte sur le divorce. Il est trop tard. Le coup d’État judiciaire contre une télévision trop libre, putsch impensé et voué à l’échec, a été rendu possible par l’emprise de la bêtise au front de taureau : elle règne sur un monde infatué, réfugié dans l’autocongratulation. La Macronie est coresponsable de ce naufrage. Elle a encouragé les épurations des dissidents, jetés dans le petit goulag de l’« extrême droite ». Le service public de l’audiovisuel, fermé au pluralisme, a laissé voir l’imposture des places fortes agitant leur humanisme. Vues de près, ces citadelles de la gauche-bernique puent le renfermé. Le mince rapport (14 pages) du sémiologue François Jost, qui a servi d’argumentaire au Conseil d’État contre CNews, est stupéfiant de médiocrité bâclée. Le camp du Bien ne pense plus. Il ânonne. Ses beaux merles affichent une prétention comique, dont le journaliste-prêcheur Thomas Legrand pourrait être le symbole. Quand Romain Desarbres (Europe 1) demande au macroniste Éric Woerth, le 13 février, son avis sur la suppression du droit du sol à toute la France plutôt qu’à Mayotte, il se voit répondre : « On n’y a pas assez réfléchi. »L’aveu dit l’hébétude d’une classe politique décérébrée face à l’enjeu migratoire.

La France veut un président enraciné

Tout est faux dans le discours officiel. La confusion des esprits est la norme. L’ex-Premier ministre Édouard Philippe fait un bon diagnostic quand il décrit le profil idéal du futur occupant de l’Élysée : « Enraciné, grave, qui parle peu mais fait. » (La Tribune Dimanche, 11 février). Or la Macronie, déracinée, bavarde et aboulique, est le modèle opposé. À peine avait-elle succédé à Gabriel Attal à l’Éducation que Nicole Belloubet écartait son projet de classes de niveau. Les agriculteurs demandent moins d’Europe technocratique et moins de jacobinisme : Macron, feignant lâcher du lest, leur en remet davantage en les classant, au passage, « métiers en tension »ouverts aux clandestins. Le 7 février aux Invalides, dans son hommage aux 42 victimes françaises du Hamas, le chef de l’État n’a pas même osé prononcer,ne serait-ce qu’une fois, les mots « islamisme » ni « Israël » dans sa dénonciation du terrorisme et de l’antisémitisme.L’État sait être brutal quand il s’agit de se faire obéir des silencieux.Mais seule la lâcheté pousse Macron à taire la responsabilité de l’islam djihadiste, qui prospère en France, dans le pogrom antijuif du 7 octobre lancé de Gaza. La mollesse de ses dirigeants met le pays en danger.

L’avenir est aux élites à la pensée claire et aux yeux ouverts. Lorsque la maire (divers droite) de Romans-sur-Isère (Drôme), Marie-Hélène Thoraval, met des mots simples sur des évidences, elle aide à l’effondrement des faux-semblants. Elle participe à la révolution du Réel. À ceux qui veulent censurer CNews, l’élue répond (Europe 1, 16 février) : « Laissez-nous choisir ! » On ne saurait mieux dire.


[1] Voir, notamment, les chroniques de mars et octobre 2023.

Mars 2024 – Causeur #121

Article extrait du Magazine Causeur




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Journaliste, éditorialiste, essayiste. (ex-Le Figaro, CNews, Causeur)

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