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La dernière cartouche du Colonel Jambon


Un titre aussi fleuri pourrait annoncer une brève burlesque, voire comique. Le Colonel Jambon ! Une titraille qui claque pour un joyeux article de Noël, en nous résonnent les noms du Sapeur Camembert ou du Concombre masqué. Mais cette histoire n’est pas drôle et n’a rien d’un conte de Noël.

Le cadavre de Robert Jambon, 86 ans, a été retrouvé il y a quelques semaines par la gendarmerie nationale au pied du Monument aux morts de Dinan, dans les Côtes d’Armor. Militaire de carrière, Jambon avait été mobilisé dans nombre de conflits, dont celui d’Indochine qui l’avait conduit à combattre au côté des Hmong.

Ancien officier de Marine, le Colonel Jambon avait tenté, toute sa vie durant, de sensibiliser le grand public au sort dramatique de ce peuple minoritaire d’Asie, majoritairement chrétien et pro-occidental, victime d’un véritable génocide depuis l’avènement des régimes communistes au Vietnam et au Laos en 1975. Quand je dis que l’on a retrouvé le cadavre de Robert Jambon, je ne donne pas toute la mesure du drame. On est d’abord tombé sur son touchant mot d’adieu, tâché de sang, intitulé : « Ma dernière cartouche – Ultime combat pour une cause orpheline ». Texte dans lequel le vieux soldat revient longuement sur le sort de ses amis, persécutés dans l’indifférence.

Robert Jambon a précisé que son geste n’était pas un suicide, mais un acte de guerre « visant à secourir nos frères en danger de mort ». Le suicide – nous apprenait récemment je ne sais plus quelle étude – c’est pour les adolescents neurasthéniques, les poètes maudits et les vieillards atrabilaires chroniques; Jambon, lui, voulait faire éclater cette réalité scandaleuse : l’Occident ne sait pas porter une égale attention aux tragédies de tous les peuples. Rares ont été les occidentaux à s’inquiéter, en 2009, du sort de plus de 4000 Hmong rapatriés contre leur gré de la Thaïlande vers le Laos, et dont le sort est toujours incertain.

Les Hmong ont une croyance locale pittoresque selon laquelle l’homme reçoit trois âmes à la naissance : la première leur reste après la mort, la deuxième part vers le royaume de l’au-delà et la troisième est réincarnée. Pourquoi pas… Tout est possible… Bon voyage aux trois âmes de Robert Jambon ! Et joyeux Noël, Colonel !



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Il est l’auteur de L’eugénisme de Platon (L’Harmattan, 2002) et a participé à l’écriture du "Dictionnaire Molière" (à paraître - collection Bouquin) ainsi qu’à un ouvrage collectif consacré à Philippe Muray.

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