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La dérive des continents

La géographie à la sauce woke...


La dérive des continents
Carte du monde de Gall-Peters, qui prend en compte les superficies réelles des continents. D.R.

Discussion de salon dans la cuisine. Des vieux, des jeunes, des entre les deux.

–  J’ai lu que, dans un cours de géographie de 4ème, un élève d’origine marocaine avait affirmé que le Maroc n’était pas en Afrique et qu’il n’avait jamais voulu en démordre.

–  Parce que dans sa tête, l’Afrique, c’est uniquement l’Afrique sub-saharienne. Il considère, et ça se défend, que « son monde », à savoir le Maghreb, n’en fait pas partie.

– Si un continent, c’est une grande étendue de terre entourée de mers et d’océans, il a tort. Mais, dans cette hypothèse, il faut que nous acceptions de jouer dans la même division que les Tchétchènes et les Chinois.

Et c’était parti !

Cinq, six, sept continents ?

Pour se mettre en jambe, petit débat sur le nombre de continents. Pour ma part, et je n’étais pas la seule, j’en étais (scolairement et comme dans la chanson de Joseph Lafitte) restée à cinq : l’Europe (en tête bien sûr), l’Afrique (avec le Maroc), l’Amérique, l’Asie et l’Océanie.

– Cinq oui, mais pas ceux-là : l’Afrique, l’Amérique, l’Antarctique, l’Océanie et l’Eurasie.

– N’importe quoi. Il y a à sept continents et en ordre de taille : l’Asie dans les quarante-quatre millions de km2, l’Afrique dans les trente, l’Amérique du Nord dans les vingt-cinq, l’Amérique du Sud dans les dix-huit, l’Antarctique dans les douze, l’Europe dans les dix et l’Océanie dans les neuf.

On a fini par se mettre à peu près d’accord… sur la nécessité de s’entendre préalablement sur « comment on compte ».

Des cartes qui mentent et rapetissent l’Afrique

Mais, l’affaire s’est ensuite sérieusement emballée quand on a comparé les tailles réelles des continents avec celles données par les cartes.

– Encore un coup du mâle blanc ! En vrai, l’Afrique est trois plus grande que l’Europe. Sur les cartes, on en est loin ! Et, sur les mêmes cartes, le Groenland a la même taille que l’Afrique alors qu’il est quatorze fois plus petit !

– En dehors de la responsabilité de qui vous savez, il y a quand même des explications historiques. La terre n’étant pas plate (enfin pas encore), la carte du monde que nous avons tous dans la tête est la projection du globe terrestre sur une surface plane via un cylindre. Cette représentation établie en 1569 par le Flamand Gérardus Mercador a été conçue pour la navigation. Elle a pour avantage de préserver les angles (c’est mieux pour les bateaux) et pour défaut d’augmenter les tailles en fonction des distances de l’équateur. Les pays et continents des zones tempérées et surtout polaires apparaissent donc plus grands et les pays les plus proches de l’équateur plus petits. Cette convention a toujours été plus ou moins unanimement admise.

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– Sans doute, mais rendre plus petit, c’est rendre moins important, que ce soit volontaire ou non. Et, comme par hasard, dans ce système, c’est l’Afrique qui est réduite à la portion congrue. Maintenant que la navigation n’est plus l’alpha et l’oméga et qu’on s’en fiche un peu de la conservation des angles, on pourrait peut-être se rapprocher de la réalité et adopter la projection de Gall-Peters qui permet de prendre en compte la superficie réelle des continents. Ce serait plus juste.

– Et donc changer toutes les cartes de représentation du monde ?

– Pourquoi pas ? Et, on pourrait en profiter pour définir des continents qui correspondent mieux à la réalité. Comme le Maghreb qui pourrait alors être un continent à part entière.

Et, finalement, le Maroc est en Afrique

Toutes ces considérations sont bien jolies. Mais, notre prof, il dit quoi à son élève ? Qu’il a bien raison de s’interroger. Qu’il n’est pas vraiment Africain. Que ça dépend.  Qu’il aura peut-être raison demain. Il le félicite ?

– Mais, ça ne va pas. Il lui dit que le Maroc est en Afrique ; que ça va comme ça et qu’il n’a qu’à regarder la carte… de Mercator.  

– Allons bon ! Pas de discussion, pas de remise en question de la doxa, pas de déconstruction.

– Certainement pas. Avant de désapprendre, il faut apprendre.

Longs soupirs.

– Eh oui, c’est comme le reste, c’est pas faux !   




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Experte en petits riens

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