Soupçonné d’avoir drogué une députée, le sénateur Joël Guerriau (Horizons), 66 ans, est suspendu de son parti, mais plaide une « erreur de manipulation ». Les faits se déroulés dans un immeuble du Sénat et éclaboussent la prestigieuse institution républicaine…
On connaît le mot de Chamfort: « Sans le gouvernement, on ne rirait plus en France. » Une facile ironie nous inciterait à paraphraser la formule, juste pour la mettre au goût du jour. Cela pourrait donner : « De quoi pourrait-on bien rire en France sans nos politiciens ? » Ils sont en effet impayables.
Nous avons Madame la Ministre des Sports qui nous explique, sans aucune gêne, que se faire payer cinq-cent mille euros par an à la direction de la Fédération Française de Tennis représentait en vérité un très grand sacrifice pour elle, puisqu’elle émargeait à quelque chose comme un million quatre cent mille euros dans la grande distribution. Elle nous sert cela au moment même où une étude circonstanciée nous apprend qu’environ 40% des foyers français en seraient arrivés à réduire les portions alimentaires de leurs repas quotidiens parce qu’ils ne parviennent plus à joindre les deux bouts. Tant d’inconscience mêlée à tant d’indécence vous a un léger parfum de 1789 dont ces gens-là, ceux d’en haut, devraient commencer à se soucier pour de bon.
On a évité la catastrophe
Toutefois, il y a mieux en matière de rigolade amère. Car dans ces sphères du pouvoir on ne se lasse jamais de nous surprendre, de nous émerveiller. L’inventivité y est sans pareille. Nous avons ces jours-ci la pantalonnade pitoyable d’un trio du sérail, un sénateur, une députée et un petit chat. J’inclus le félin dans le sérail car on ne confondra pas le minet d’un membre de la chambre haute avec le greffier de madame et monsieur tout le monde. La sacro-sainte égalité républicaine-z-et démocratique a ses limites, tout de même.
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Les faits : une invitation entre collègues parlementaires. Elle, la députée, et lui, le sénateur, en l’occurrence. Au domicile du petit chat. Il s’agirait de célébrer un heureux événement. La France croulant ces temps-ci sous les motifs d’intense satisfaction, sous un flot continu de réussites époustouflantes, on ne perdra pas son temps à chercher de quelle prouesse il est question. Toujours est-il que, après un godet ou deux, l’invitée, se sentant prise de malaise, quitte le tête-à-tête festif, se retrouve bientôt à l’hôpital où on constate que son sang est plombé d’une pollution à l’ecstasy. S’ensuit une plainte en bonne et due forme, suivie d’une perquisition chez le petit chat et son maître, non moins en bonne et due forme, et là, la substance incriminée aurait été découverte. On épargne au chat les examens sanguins, mais pas à son patron. Il semble qu’on aurait alors mis au jour, certes un chouia d’hémoglobine résiduelle, assez fortement coupée cependant de trucs dont la loi et la morale publique, pour une fois en phase, réprouvent l’usage.
Erreur de manipulation, plaide la puissance invitante par la bouche de son avocat pour expliquer la pollution sanguine de son hôte. Cela soit dit en passant, on se félicitera que l’erreur n’ait pas porté sur le liquide vaisselle ou le débouche cabinet. Notre députée l’a échappé belle. On s’en réjouit.
Stress post-sénatoriales
Le moment où l’on en viendrait presque à se tordre de rire – même sans rien avoir fumé – c’est lorsque l’interpellé livre les explications de sa propre consommation de ces trucs et machins prohibés sus-évoqués. En 1 : le stress des sénatoriales. Ces élections ayant eu lieu en septembre (notre homme a été réélu très confortablement), il s’agirait donc en cette fin novembre d’une pathologie s’apparentant plutôt à un post-stress d’origine post-sénatoriales. Mine de rien, la recherche avancée en psychologie vient donc de s’enrichir d’une nouvelle voie. Comme quoi, de loin en loin, un politicien, ça peut servir à quelque chose.
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Vient en deuxième justification, celle qui, à nos yeux, surpasse toutes les autres par sa pertinence et devant laquelle on ne peut que s’incliner : l’état de santé du chat. Si, si, je vous assure. Au point qu’on se demande s’il était bien opportun et surtout bienséant de prétendre célébrer une bonne nouvelle, un heureux événement à trois-mètres cinquante de la litière d’un matou peut-être bien à ses derniers moments ? Quel manque de tact !
On aura beau dire, la classe politique doit être saluée encore et toujours au moins pour une chose : l’ardeur qu’elle met à nous dégoûter d’elle, à faire grossir toujours davantage les bataillons des déserteurs du chemin des urnes. J’ignore s’il existe un gouvernement des chats. S’il en est un, je parie que le débat du jour porte sur l’opportunité ou non de créer une fourrière pour politiciens véreux, pourris, dépravés.
Dans cette sordide affaire, un fait cependant nous ravit, qui ravirait aussi Molière, sans doute : le petit chat n’est pas mort.
L’avocat du sénateur assure qu’il n’est « pas un prédateur », qu’il n’est « pas un adepte de la soumission chimique », et qu’il rétablira son honneur « quel que soit le temps que cela prendra »… NDLR
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