Depuis cinquante ans, les programmes scolaires, Libération, les historiens atterrants, tous les orphelins des lendemains qui chantent, nostalgiques du plan B, remettent des pièces dans les machines à insurrection, repentance, l’auto-flagellation permanente de l’Occident maléfique. Ils abattent les derniers murs porteurs de la République. Le Graal, c’est la destruction de l’État et de la nation : on y arrive.
« Saül répondit : Je suis dans une grande détresse : les Philistins me font la guerre, et Dieu s’est retiré de moi ; il ne m’a répondu ni par les prophètes ni par des songes. Et je t’ai appelé pour que tu me fasses connaître ce que je dois faire » (I Samuel 28 :15).
Après les barricades de poubelles pour les retraites, les feux de l’amour des cailleras, la guerre de Gaza fracture le pays. Le vent mauvais se lève dans les banlieues. Manifester contre l’antisémitisme donne des sueurs froides aux révolutionnaires. Les masques tombent, les secousses se multiplient, ça sent le soufre… Bientôt Pompéi ? La Montagne Pelée ? Notre histoire nationale ne manque, ni de séquences noires (Guerre de Cent ans, guerres de religions, l’Occupation), ni de politiques médiocres et impuissants. La nouveauté, c’est l’impasse, impair et manque, le sentiment (n’est ce qu’un sentiment ?) d’être dans une nasse, pris en étau entre des fanatiques, partisans du chaos et les imbéciles, hors sol, au pouvoir.
Les insoumis sont à l’Hamas
Rien de nouveau à l’extrême-gauche, éclairée, progressiste, humaniste, pacifiste… Après Lénine, Staline, Trotski, Castro, Mao, Pol Pot, Khomeini, elle comprend et défend le Hamas et ses éventreurs de femmes enceintes. L’Hamascarade et l’aveuglement permanent. Le gauchisme (maladie sénile du communisme) se Dieudonise sur France Inter, ses comiques du service public et leurs blagues hilarantes : Hitler et le prépuce de Netanyahou. Dans Rouge, en 1972, Edwy Plenel (alias de Joseph Krasny) défendait inconditionnellement, Septembre Noir, légitimant l’assassinat de onze athlètes israéliens.
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Les « événements », les « années de braise » : le retour. La « violence légitime » accouche de l’histoire avec une grande H. La raison dialectique, les puissances d’abstraction et de mort fascinaient Sartre. « Abattre un Européen, c’est faire d’une pierre deux coups, supprimer en même temps un oppresseur et un opprimé : restent un homme mort et un homme libre ». Camus condamne le fanatisme, les terroristes sophistes : « Nous ne sommes pas de ce monde, nous sommes des justes ». En juin 1950, Breton essayait de sauver l’écrivain Záviš Kalandra (résistant, déporté à Ravensbrück, torturé puis pendu par la Sécurité intérieure tchèque). Ignoble, Eluard ironise : « J’ai trop à faire des innocents qui clament leur innocence, pour me préoccuper des coupables qui clament leur culpabilité ». Le poète peaufine son Ode à Staline qui dissipe le malheur : « La confiance est le fruit de son cerveau d’amour ». Finie la liberté sur les cahiers d’écolier. Le Parti et Les Dieux ont soif.
La variante moderne des agités du bocal, c’est le wokisme qui éteint les Lumières et l’universel. Au programme : 1984, la vérité alternative, l’hallu finale, « La guerre c’est la paix, la liberté c’est l’esclavage, l’ignorance c’est la force » (Orwell). Les talibans du monde d’après, damnés de l’atterre, écrasent les armées blanches, réécrivent le passé selon leur idée de la vertu avec leurs mensonges. La littérature, les statues sont déboulonnées, recalibrées, retouchées comme les photos officielles au fil des liquidations. Rachel Garrido a pris un carton jaune en voulant purger pépé. La génération Z exige des aveux… Damnatio memoriæ, abolitio nominis. Au feu les livres pernicieux : les blasphémateurs sont lynchés sur les réseaux sociaux.
Intellectuel: un métier en tension
Depuis cinquante ans, les programmes scolaires, Libération, les historiens atterrants, tous les orphelins des lendemains qui chantent, nostalgiques du plan B, remettent des pièces dans les machines à insurrection, repentance, l’auto-flagellation permanente de l’Occident maléfique. Ils abattent les derniers murs porteurs de la République. Après la colonisation, la rente mémorielle des « dé-coloniaux », nouveau fardeau de l’Homme blanc. Le Graal, c’est la destruction de l’Etat et de la nation : on y arrive.
Gardien de la conscience, debout face à l’Histoire, devant les hommes, Dominique de Villepin, porte des « exigences de responsabilité » pour le Moyen-Orient. « La diplomatie, c’est d’être capable, au fond du tunnel, d’imaginer qu’une lumière est possible »… Surtout dans la bande de Gaza. Jacques Attali est raccord pour une solution à deux Etats : « Elle n’a jamais été réaliste, mais c’est la seule possible ». Jacquou le Croquant est cash : « Oui je suis un écoterroriste ; si j’avais 20 ans, je serais encore plus radical ». Toutologue, Philippulus des dystopies, il prévoit le retour vers le futur, la météo de la veille. Ah, si tous les CEO du monde voulaient bien se donner la main !
Pierre Ouzoulias (sénateur communiste des Hauts-de-Seine) fait dans le romain, le grandiose, l’Empyrée pour tous : « La République française doit redevenir savante, en édifiant dans tous ses recoins des lieux de connaissance, propices au rayonnement de nos villages, de nos quartiers populaires et de nos villes… L’université doit être un nouvel horizon d’attente de l’utopie républicaine ». (Le Monde, 7 novembre). Le hic, c’est l’analphabétisation, le fanatisme, les slogans antisémites qui se multiplient avec les campus. Pour tout bagage ils ont 20 ans, deux slogans, trois mots valises : Et moi et moi et moi, pluriel, diversité, rébellion-illusion… L’union étudiante de Cambridge déprogramme l’Oratorio de Haendel, Saül (premier roi d’Israël), en raison de la « situation politique sensible au Proche-Orient ». Quand les arguments s’effritent, les positions se durcissent.
La Farce d’Action Républicaine
Contre la chienlit, les incendiaires de bibliothèques et mairies, Elisabeth Borne veut « réaffirmer l’autorité ». Captain Marvel dégaine « l’ordre républicain ». Plus fort que les karchers : les FAR (Force d’action républicaine), CIV (Comité interministériel des villes), EPIDE (Établissements pour l’insertion dans l’emploi), les stages de responsabilité parentale, l’amende pour non-respect du couvre-feu qui passe à 750 euros. La peur (républicaine) va changer de camp. SPQR : « Savoir Prêcher les Quintaux de Renoncements ».
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La dé-civilisation touche la fine fleur de l’élite française, les épées formées à l’Ecole Alsacienne et Sciences-Po. Gabriel Attal accuse Juan Branco de l’avoir harcelé au collège : une querelle de fille emmenée au cinéma, d’homophobie. Juan Vergès accuse le vengeur masqué d’être ambitieux, d’instrumentaliser ses relations amoureuses pour se propulser au sommet. Tic et Tac, Spirou contre Zantafio…
L’apaisement n’est pas pour demain. Sur TikTok, Instagram, X, des légions de Lotophages, Fifi brin d’osier oligophrènes, règlent leurs comptes dans des pugilats hystériques et dérisoires. Rien ne vaut rien ! C’est mon droit ! Balance ton quoi ! L’âne d’Apulée se frotte à celui de Buridan. L’abêtissement général finira par accoucher de la tyrannie.
« Il faut du théâtre, des rites, des cérémonies d’écriture pour faire exister un État, lui donner forme, en faire une fiction animée […]. On n’a jamais vu, on ne verra jamais, une société vivre et se gouverner sans scénario fondateur, sans narrations totémiques, sans musiques, sans chorégraphies… sans préceptes et sans interdits » (Pierre Legendre, Le Visage de la main, 2018).