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La Bruyère ne connaissait pas Mélenchon: quelle chance!

« Il crache fort loin et éternue fort haut »


La Bruyère ne connaissait pas Mélenchon: quelle chance!
Marseille, 24 avril 2022 © PHILIPPE MAGONI/SIPA

Pendant que l’extrême gauche absorbe la gauche de gouvernement, la droite nationale demeure divisée et le président Macron dort sur ses deux oreilles.


Dans Les Caractères (1688), à la fin du Grand Siècle, La Bruyère développe une réflexion sur l’homme qui s’avère toujours d’actualité. Il y brosse le portrait de ses contemporains dans une forme brève qui lui permet, en maniant l’ironie et le sarcasme, de dessiner une galaxie de types humains résolument intemporelle.

Je vous lis un extrait du Livre 6 « Des biens de fortune » des Caractères : « Giton a le teint frais, le visage plein et les joues pendantes, l’œil fixe et assuré, les épaules larges, l’estomac haut, la démarche ferme et délibérée. Il parle avec confiance ; il fait répéter celui qui l’entretient, et il ne goûte que médiocrement tout ce qu’il lui dit. Il déploie un ample mouchoir, et se mouche avec grand bruit ; il crache fort loin et éternue fort haut ». Vous êtes alors à la cour de Louis XIV, mais également en France, en 2022, lors d’un meeting du leader de la France insoumise. Le portrait de Giton est aussi celui de Jean- Luc Mélenchon briguant, avec la modestie qu’on lui connaît, le poste de Premier ministre, à l’issue des prochaines législatives.

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Défait lors du premier tour des élections présidentielles, notre Che Guevara vieillissant avait tout d’abord affirmé, lors de son discours de candidat battu, que le combat révolutionnaire se poursuivrait, mais, sans lui. Au-delà de cette limite, 70 ans, son ticket n’était, en effet, plus valable. Ce renoncement fut bref : au lendemain du second tour de l’élection présidentielle qui se solda par la reconduction du mandat d’Emmanuel Macron, notre Castro français, ragaillardi, en oublia son âge pour rester… fidèle (Fidel ?) aux engagements de toute une vie. Il fit alors placarder sur tous les murs du pays des affiches à son effigie. Sur celles-ci, on pouvait lire, en toute simplicité : « Mélenchon Premier ministre ». 

Histoires de fesses

Fort du vote communautariste qu’il avait largement obtenu, n’étant pas à une compromission près, il se mit à œuvrer sans plus de scrupules pour former une nouvelle Union populaire, dont il se proposait d’être le leader. Elle agrégerait à LFI, EELV, PS et PC. 

Depuis, les tractations vont bon train et connaissent un franc succès. Mieux vaut, il est vrai, pour les perdants des différentes formations de gauche s’assoir sur des convictions, au demeurant vacillantes, que de ne pas siéger à l’Assemblée nationale. Du reste, comme le disait Montaigne : « Sur le plus beau trône du monde, on n’est jamais assis que sur son cul. » Tant qu’à faire, choisissons donc une assise confortable !

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Après des tractations dont heureusement on ne saura pas tout, la nouvelle association des gauches parviendra certainement bien à s’entendre sur une répartition des circonscriptions de nature à satisfaire l’ensemble des partisans du rassemblement. LFI et EELV ont déjà formé une « Nouvelle union populaire écologique et sociale », LFI et le PC ont trouvé également un terrain d’entente. Quant au Parti socialiste, son ralliement au parti de Jean-Luc Mélenchon ne saurait tarder. 

Et voici la gauche burkini

Bientôt, Éric Piolle ouvrant audacieusement la voie, on pourra certainement s’ébattre allègrement en burkini dans toutes les piscines municipales de l’hexagone et saccager dans une liesse bon enfant tous les centres- villes, lors de manifestations organisées contre les privilégiés qui auraient encore l’impudence de gagner quatre mille euros par mois. Promis, les artistes et les sportifs ne pétitionneront pas pour nous en empêcher.

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Le 30 juin 2019 à Grenoble, des militants de « Alliance citoyenne » interpellent les passants devant la piscine. Photo : JEAN-PIERRE CLATOT / AFP

En effet, nos formations de gauche moribondes, largement dévorées par les Insoumis se comportent avec notre GitonMélenchon comme le fait Phédon (dernier personnage-type de la sixième partie des Caractères, portrait en creux de celui de Giton) : serviles et dans l’attente des faveurs promises par le maître de la France insoumise. Ils sont Phédon, dévorés par un échec qui les recroqueville sur eux-mêmes et les prive d’audace : « (…) les yeux creux, le teint échauffé, le corps et le visage maigre ; il dort peu, et d’un sommeil fort léger ; il est abstrait, rêveur, et il a avec de l’esprit l’air d’un stupide (…) », « il semble craindre de fouler la terre ; il marche les yeux baissés, et n’ose pas les lever sur ceux qui passent (…) ». « (…) il se met derrière celui qui parle (Mélenchon-Giton) recueille furtivement ce qui se dit et se retire si on le regarde. Il n’occupe point de lieu, il ne tient point de place (…) ».

Dans la psyché de Marine Le Pen

À droite, l’union s’annonce plus compliquée, Marine Le Pen, se sentant méprisée par Éric Zemmour qui pointe l’échec récurrent du père puis de la fille à l’élection présidentielle, refuse toute alliance avec Reconquête, forte de son indéniable succès électoral. Avec La Bruyère toujours, (Les Caractères, Livre XII), on peut penser qu’il serait peut-être bon pour elle et pour la droite qu’elle mette son orgueil de côté : « Ne songer qu’à soi et au présent, source d’erreur dans la politique. »

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En effet, les électeurs penchant à droite, terrorisés par la montée de l’extrême gauche, pourraient une fois de plus voter utile : à savoir pour les candidats représentant le parti de notre roitelet réélu. Et là : danger. Citons à ce propos une dernière fois le clairvoyant La Bruyère (Les Caractères, chapitre VIII, « De la Cour »). Il nous met là en garde contre le mépris, qu’on connaît bien, pour l’avoir pratiqué un quinquennat, d’un Emmanuel Macron que des législatives en sa faveur conforteraient dans son hubris : « Un homme qui vient d’être placé ne se sert plus de sa raison et de son esprit pour régler sa conduite et ses dehors à l’égard des autres ; il emprunte sa règle de son poste et de son état : de là l’oubli, la fierté, l’arrogance, la dureté, l’ingratitude. »

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est professeur de Lettres modernes

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