Accueil Édition Abonné Avril 2024 La beauté vaincra

La beauté vaincra

Le défi des musées : réussir là où l’école (en France du moins) a échoué...


La beauté vaincra
La Baigneuse blonde, Pierre-Auguste Renoir, 1882 © Wikipédia

Le grand public ne plébiscite pas la bêtise culpabilisatrice de la culture woke. Il se presse en revanche au musée pour admirer les chefs-d’œuvre de notre histoire de l’art. Il ne peut qu’en sortir grandi.


Nous sommes de plus en plus nombreux à aller au musée voir des expositions. Les nostalgiques de ces lieux autrefois désertés par les foules ont des souvenirs de chefs-d’œuvre rencontrés dans des salles quasi conventuelles, mal éclairées ou, au contraire, baignées de la lumière d’un ciel pur, coupées de l’agitation du monde et de l’empressement du quotidien. Les musées sont passés en peu de temps des couvents aux cathédrales, du recueillement solitaire au pèlerinage de masse, et la demande du public ne cesse de s’accroître. En 2023, 650 000 personnes sont venues visiter la rétrospective « Vermeer » au Rijskmuseum d’Amsterdam ; au premier jour de l’exposition milanaise « Cézanne/Renoir » au PalazzoReale, le 19 mars 2024, 40 000 billets avaient déjà été vendus.

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Que viennent chercher ces visiteurs, qu’on désigne du doux nom de touristes, sauf le jour où nous venons nous-mêmes grossir la file d’attente de l’une de ces expositions ? Des propos édifiants sur leur passé (colonisateur), leur présent (discriminatoire) et leur avenir (pollueur) ? Si tel était le cas, ils ne se bousculeraient pas tant pour voir la Peseuse de perles et la Liseuse à la fenêtre du grand maître néerlandais, ou pour admirer les Baigneuses des deux pères de l’impressionnisme dont nous fêtons les cent cinquante ans ce mois-ci. Pierre-Auguste Renoir (1841-1919), qui ne trouvait « rien de joli comme ce mélange de femmes et d’hommes serrés sur les rochers » de Guernesey, et son ami Paul Cézanne (1839-1906), qui nous a laissé quelques vers commençant par « Voici la jeune femme aux fesses rebondies », n’ont rien de woke. Et à l’heure des reproductions de qualité inédite, on se presse du monde entier pour venir voir leurs toiles en vrai.

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Le wokisme est une mode pauvre, une croyance sans pèlerins. Ce sous-catéchisme de la non-discrimination inculqué à la schlague fait le buzz, distrait, et finit par ennuyer. Ce n’est pas devant un tableau de Kehinde Wiley que les gens se prennent en photo, mais devant un Vermeer, un Cézanne ou un Renoir. Le public des musées n’a que faire, à la longue, de toute cette agitation artistique autour des violences faites à la Terre et aux damnés de la terre. Il veut voir La Jeune Fille à la perle ; il veut voir La Baigneuse blonde. Les perles et les images de nus n’ont pourtant jamais été aussi accessibles. On accuse ce public d’aller au musée comme il va au McDo, sans discernement, sans goût et sans culture. L’essentiel n’est pas d’y aller, mais d’en revenir avec des formes et des couleurs qui résonnent au-delà des cimaises.

Le défi des musées : réussir là où l’école (en France du moins) a échoué. Continuer à accueillir les foules pour qu’elles voient, regardent et admirent les œuvres qui font l’histoire de l’art. Ces foules qui ont cessé de lire, depuis longtemps déjà, les chefs-d’œuvre des écrivains qui furent, bien souvent, les amis de ces peintres.

Avril2024 – Causeur #122

Article extrait du Magazine Causeur




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Georgia Ray est normalienne et professeur (sans -e).

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