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L’héritage Mengele

GPA post-mortem ou deuil prénatal?


L’héritage Mengele
Image: Unsplash

Un texte d’une philosophe norvégienne, publié dans la revue Theoretical Medicine and Bioethics, inquiète la toile. Un peu comme cela existe déjà pour le don d’organes, il y est dit qu’on pourrait proposer aux femmes d’accepter que leur corps soit utilisé pour une GPA après leur mort.


On pourrait croire qu’il s’agit du remake d’une des expérimentations de Josef Mengele, le sinistre « Ange de la Mort » qui sévissait dans les camps d’extermination nazis sous Hitler. Il n’en est rien, nous ne sommes pas derrière les barbelés d’Auschwitz ou de Buchenwald mais au sein de la prestigieuse université d’Oslo, en Norvège, pays jusque-là considéré comme convenablement civilisé. De plus, ce n’est pas à un faux savant, à un sadique institutionnel, à un chercheur azimuté chez qui l’ivresse de la découverte aurait aboli toute raison que nous avons affaire, mais à une professeure de philosophie de haut niveau, nous dit-on. Circonstance aggravante selon nous, la philosophie ayant tout de même à voir avec les préoccupations éthiques, les clauses de conscience, la liberté et ses limites, etc, etc. Du moins persistons-nous à le croire. De quoi est-il question ? Tout simplement de convertir en mère porteuse des femmes déclarées en mort cérébrale[1]. (On excusera le côté outrageusement genré de la sélection, mais en l’état actuel de nos connaissances on ne peut guère faire autrement). 

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Oui, on a bien lu ! Une personne en mort cérébrale assurerait la grossesse pour autrui. Il nous est précisé qu’il serait impératif que cette personne ait manifesté au préalable son accord. On respire. L’honneur de l’humanité est sauf. Bien entendu, nous nous garderons d’assombrir cette enthousiasmante perspective par des questions idiotes, par exemple sur le possible retentissement psychologique chez un individu qui aura commencé son parcours de vie dans de si prometteuses conditions. (Cela dit, le deuil prénatal, que voilà un joli sujet de méditation philosophique pour les générations futures…) Oui, abstenons-nous de toute critique ronchonne et obéissons donc aux impératifs du temps ! Saluons l’avancée anthropologique et ne nous encombrons pas de détails. Nous ne nous mêlerons pas davantage de savoir ce qu’il advient de la morte cérébrale après qu’elle aura rempli sa mission. On remet ça ? On débranche ? Pardon pour le cynisme de la formulation. Il me semble seulement que l’horreur que peut inspirer ce type de folie prétendument progressiste devrait suffire à l’excuser, sinon à la justifier. À propos de progressisme justement, dommage que Mengele ait été un mâle blanc, sinon on aurait pu ériger une statue à sa gloire dans le parc de ladite université. Avec, allez savoir, le Nobel à titre posthume. Décidément, par les temps qui courent, chaque jour ou presque nous apporte une nouvelle démonstration que le pire n’est jamais à exclure. L’infini du pire, autre beau thème philosophique, à n’en pas douter…

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[1] https://link.springer.com/article/10.1007/s11017-022-09599-8



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Ex-prof de philo, auteur, conférencier, chroniqueur. Dernière parution : « Moi, papesse Jeanne », éditions Scriptus Malvas

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