L’Enfant veuf, unique roman d’Alain Kan, un récit resté caché du fantôme de la pop française, est finalement publié.
Whatever happened to Alain Z Kan ? Voici le titre prémonitoire d’un des albums d’un chanteur qui n’a jamais connu le succès, succès pourtant ardemment et furieusement désiré. Sorti en 1979, c’est certainement un de ses meilleurs.
Disparu le 14 avril 1990, il est déclaré mort en 2000
Mais en effet, le fait d’arme d’Alain Z Kan, l’acte qui a définitivement fait de lui un chanteur underground et culte, c’est sa disparition ! Le 14 avril 1990, il prend le métro à Châtelet et se volatilise. La bouche de métro du ventre de Paris, c’est son triangle des Bermudes…
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Les éditons Séguier ont dégotté et édité son unique roman, une curiosité composée de fragments : L’enfant veuf, disponible dans la collection L’IndéFINIE. Mais remontons le temps, comme si nous avions entre les mains une caméra super 8… L’histoire commence au mitan des années 60. Dans une émission de télé figure un chanteur à minettes lambda : il s’agit d’Alain Kan, à l’époque fan de Bécaud au point d’en imiter certaines intonations.
Peu de temps après, suite à sa rencontre avec la chanteuse Dani, le voilà pilier du cabaret l’Alcazar. Il se construit un personnage à la Maurice Chevalier sous acides, canotier à l’appui. Il commence à assumer pleinement son homosexualité, la portant même en étendard. Et puis, il devient une sorte de « Bowie » français, mais personne n’y croit vraiment. Attifé comme Ziggy, il reprend les tubes de la star britannique en français. Le tout tient hélas de la parodie de MJC. Vient ensuite la période punk, où il fonde un groupe éphémère, Gazoline, duquel se dégageait une énergie certaine. Il y embarque Marie-France, notre transsexuelle nationale, sulfureuse jadis, populaire aujourd’hui. Et puis surgit enfin Alain Kan. Débarrassé de ses oripeaux, il sort en 1979 Whatever happened to Alain Z Kan, son album emblématique, vite censuré car comportant trop d’allusions au sexe, à la drogue et même au nazisme – il avait cette obsession commune à beaucoup de gays, de l’esthétique SS, ou plutôt SA. Inéluctablement, le succès n’étant jamais au rendez-vous, l’héroïne prenant toute la place dans sa vie, la descente aux enfers survient. Jusqu’à la disparition.
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Un récit caché chez la veuve de Christophe
Et quid de L’enfant veuf dans tout ça ? C’est sa sœur Véronique Bevilacqua, gardienne du temple et veuve de Christophe, qui possédait ce roman inachevé. Le chanteur protéiforme fourmillait d’ailleurs de projets inachevés. « Les archives d’Alain Kan contiennent de nombreuses ébauches de projets de textes de chansons, mais il ambitionne aussi d’écrire pour le cinéma » explique Philippe Roizes qui préface le livre. Ce récit est à l’image de son auteur : c’est un fouillis où fourmillent les références un peu attendues, Proust, Huysmans, Baudelaire, les classiques du romantisme rock’n’roll. On perçoit l’influence du Rose Poussière de Jean-Jacques Schuhl, ce cut up à la française où se télescopaient aussi les références chics. Mais n’est pas Schuhl qui veut… et les tentatives de Kan paraissent bien scolaires en comparaison ! Il s’agit bien sûr d’une histoire d’amour, les protagonistes se nomment Jules et Jim (cette obsession de la référence, encore…) et finissent par se confondre et se dissoudre dans une vie trop dissolue. Ce procédé est sûrement l’une des rares trouvailles intéressantes du livre. Cependant, ne soyons pas trop dure : un certain charme se dégage de ces fragments, notamment les extraits où Kan évoque son enfance, lui l’enfant veuf, c’est-à-dire celui qui grandit sans père. Dès l’adolescence, Kan avait la manie des interviews fictives, voici un extrait de l’une d’entre elles alors qu’il a 14 ans :
– Ce que j’aime dans la vie ?
– La cuisine chinoise, la vitesse, les voitures de sport, le vent, le soleil, la mer, les filles blondes, les animaux et faire de la peinture.
C’est cet Alain-là que nous avons envie d’aimer.
L'Enfant veuf - le manuscrit que l'on croyait perdu publié pour la première fois
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