Le management dans les entreprises publiques, c’est tout de même quelque chose. On pousse désormais très loin le refus de traumatiser par des histoires idiotes d’accident du travail les familles concernées. Ainsi, en 1997, à Bouchemaine, dans le Maine et Loire, lors du passage d’un TGV, un agent de la SNCF est mort écrasé.
Ce sont des choses qui arrivent. Le corps est rendu à la famille qui remarque, malgré son état, qu’il manque des bijoux et des effets personnels. Une équipe est envoyée sur les lieux pour les récupérer. Le problème est qu’il restait également plusieurs kilos de débris humains éparpillés un peu partout autour de la voie. Le chef d’équipe, un humaniste qui n’a pas voulu aggraver le deuil de la famille et alourdir les formalités administratives dans un louable souci d’efficacité, ordonne à un de ses hommes de mettre tout ça dans un sac poubelle et de l’enterrer dans un terrain vague.
Mais l’employé désigné, une petite nature, n’a pas supporté. Il a certes exécuté les ordres de son supérieur mais a sombré par la suite dans une dépression lourde et tenté de se suicider plusieurs fois. Beaucoup de monde, y compris un médecin du travail, lui a recommandé de se taire. En 2008, cependant, il craque et raconte tout. Il porte plainte pour inhumation sauvage, le chef d’équipe avoue mais le Parquet ne poursuit pas, la prescription ayant joué. Aujourd’hui, l’employé qui ne s’en est toujours pas remis, attaque aux Prud’hommes. « Je n’attends pas de dommages et intérêts de la direction de la SNCF. Mais qu’elle reconnaisse au grand jour sa responsabilité. »
Un comble, tout de même : oser parler de responsabilité quand on est incapable de se taire pour cause de nerfs fragiles alors qu’on a la chance de travailler dans une entreprise prestigieuse et qui est, de surcroît, une vitrine sociale.
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