La semaine dernière, Martine Aubry jetait un pavé dans la mare qui a laissé sur le séant la plupart des observateurs, votre serviteur n’en étant pas exempt. Alors que sa stratégie des douze derniers mois était de coller aux médias et leur donner ce qu’ils voulaient -du moderne, que du moderne, et rien que du moderne, voilà que le maire de Lille confiait son interrogation sur les bienfaits du quinquennat.
Evidemment, pour quelqu’un qui, d’une façon minoritaire, a voté « non » au référendum actant le passage du mandat présidentiel de sept à cinq ans, la surprise ne peut être que bonne. Pour les autres, la pilule aura du mal à passer. Mais on ne peut être qu’admiratif devant une personnalité politique qui fait le bilan d’une réforme et, alors qu’elle y avait été favorable à l’époque, interroge ses contemporains sur sa pertinence, expérience faite. Le quinquennat a bouleversé, en mal, les institutions de la Ve République. Il les a dévoyées, faisant du Président un super premier-ministre, et de l’élection législative un troisième tour obligatoire de la présidentielle. Certes, les derniers septennats avaient déjà plus ou moins commencé le sale boulot, les Présidents acceptant des cohabitations alors que les pertes de légitimité issues de défaites aux élections législatives auraient dû être autant de raisons pour eux de provoquer des élections présidentielles anticipées, y participant ou pas.
Mais ce qui devrait finir pas convaincre de l’utilité du débat, c’est l’attitude du député Lang. Voilà que l’ancien ministre de la Culture a sorti le Famas ce matin contre la Première secrétaire de son parti en disant de pas imaginer qu’elle ait prononcé telle infamie, rappelant sans rire que le quinquennat était une conquête de la gauche, alors que RPR, UDF et PS avaient ensemble réclamé cette évolution et l’avaient défendue dans le débat référendaire. Et enfin, il a ajouté la tarte à la crème habituelle des faux-modernes : revenir sur cela c’est revenir en arrière, ce n’est pas avancer mais reculer. La Politique ne serait pour Lang qu’une histoire soit d’avancée soit de recul. On comprend donc pourquoi le gouvernement de Monsieur Jospin, auquel appartenaient tous les deux l’intelligente Martine et ce clown triste de Lang, n’est jamais revenu sur les réformes libérales précédemment décidées par les gouvernements précédents. Revenir sur l’autorisation administrative de licenciement ? Revenir en arrière ! Re-nationaliser l’eau, comme le proposait en son temps le regretté Philippe Séguin ? Réactionnaire ! Et si Monsieur Lang conseillait le prochain président socialiste, l’encouragerait-il à ne point reculer en abrogeant une bonne part des réformes de Nicolas Sarkozy ?
Bien sûr, Jack Lang n’arrête pas là son argumentation. Il moque la situation française à rebours de toutes les démocraties environnantes. Tous les autres sont à quatre ans. On ne va pas revenir à six ou sept. Le sens de l’histoire, c’est de diminuer la durée des mandats. Mais alors, pourquoi s’arrêter à cinq ou quatre, je vous le demande ? Pourquoi ne pas voter tous les ans pour le Président, voire même tous les mois ou toutes les semaines ? C’est avancer, Coco !
Quand bien même nous serions les seuls à augmenter la durée du mandat présidentiel que nous n’aurions pas tort pour autant. Les autres démocraties ne montrent pas, à l’heure actuelle, de signes de meilleure santé que la nôtre. Et quand on s’extasie de la formidable participation qui aurait prévalu pour l’élection de Barack Obama, on ne précise jamais qu’elle fut de l’ordre de 60 %, soit un taux qui aurait des allures de catastrophe en France. De même, la seule réforme positive que Monsieur Lang a donné à la France en quarante ans de vie politique, le prix unique du Livre, est extrêmement minoritaire parmi les législations des pays comparables. Avancer, donc, ce serait la bazarder comme le réclament depuis longtemps les institutions européennes ?
L’intelligence de Martine Aubry a donc été de s’affranchir de ces couillonnades chères à Lang. Que ce dernier fut adjoint à Balladur par le Président de la République éclaire encore davantage sur ce que signifie l’ouverture sarkozienne : légitimer le pire de la droite en associant quelques éléments du pire de la gauche.
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