Une vieille blague de geek pose la question suivante :
« – À quoi sert Internet Explorer ?
– À télécharger Firefox »
Il faut dire les choses telles qu’elles sont : Internet Explorer de Microsoft est de loin le plus mauvais des navigateurs internet que vous puissiez utiliser pour vous promener sur l’horrible toile sauvage et dérégulée. C’est lent, d’une ergonomie plus que moyenne et, y compris sur des ordinateurs de type PC, il n’y a aucun intérêt à l’utiliser au détriment d’un logiciel concurrent.
Du coup, la plupart des nouveaux acquéreurs d’une machine équipée du système d’exploitation de Microsoft[1. Qui n’est autre que Windows.] se précipitent pour lancer Internet Explorer afin de télécharger un navigateur plus à leur goût. C’est simple, rapide et – cerise sur le gâteau – parfaitement gratuit.
Or, cela fait plus d’une décennie que nos bons politiciens, qui n’ont, pour la plupart, jamais mis les pieds dans une entreprise et ne gardent dans le meilleur des cas qu’une vision très scolaire de la concurrence, se sont mis en tête de « briser le monopole de Microsoft ». Invariablement, les éco-analphabètes qui nous gouvernent nous ressortent le bon vieux coup de la « concurrence pure et parfaite »[2. Pour mémoire, la « concurrence pure et parfaire » est une des hypothèses volontairement simplificatrices posées par les théoriciens néoclassiques dans leurs tentatives de modélisation de l’économie de marché.] comme si la domination toute provisoire d’une entreprise sur un marché était comparable au monopole de la Sécurité Sociale sur la santé. Du Département de la justice des États-Unis jusqu’à notre très technocratique Commission européenne, on ne définit le monopole que par l’exclusivité de la vente d’un produit; LU étant ainsi en situation de monopole sur le Petit Beurre[3. Mais aucune procédure pour abus de position dominante n’a encore été déclenchée.].
Après des années de procédures qui ont sans doute permis de nourrir quelques milliers de fonctionnaires et d’hommes de loi à nos dépens, les propriétaires d’un ordinateur géré par Windows ont remarqué qu’Internet Explorer était toujours là, prêt à remplir sa mission paradoxale : télécharger gratuitement un autre navigateur. Vous avez peut être aussi noté qu’on entend moins parler de l’insupportable mainmise de Microsoft sur Internet. C’est qu’assez étrangement, il faut bien le dire, les consommateurs n’ont pas attendu le législateur pour faire leur choix : la part de marché d’Internet Explorer s’est effondrée, passant de 86% en avril 2002 à un peu plus de 18% aujourd’hui. Aujourd’hui, les nouveaux numéros 1 mondiaux du domaine sont Chrome de Google (38,3%) et Firefox de Mozilla (35,8%)[3. Les chiffres ici].
Dans les années qui viennent, les politiciens qui cherchaient des poux dans la tête de Bill Gates au nom d’une conception très approximative de la libre concurrence seront sans doute les premiers à réclamer des politiques protectionnistes et une priorité sur les contrats publics au nom de la « préservation des emplois ». Nous voilà bien barrés…
*Photo : mr.throk
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