Dominique de Villepin critique Nicolas Sarkozy. C’est son droit. Après tout, la critique fait partie de la vie démocratique. Mais Villepin ne se contente pas de critiquer Sarkozy. Il le critique souvent, ce qui est déjà plus discutable pour quelqu’un qui appartient au même bord politique. Et il ne se contente pas de le critiquer souvent. Il le critique violemment, ce qui est encore plus discutable quand on est du même bord politique.
Depuis son discours du 25 mars 2010, c’est toujours la même rengaine. Villepin critique l’interdiction de la Burqa et la suppression des allocations familiales pour absentéisme scolaire. Il appelle à ne pas « surréagir » et à se « méfier de tous les excès ». Pourquoi pas. Ça n’engage à rien et ça fait toujours bien de poser au sage et au modéré.
Mais Villepin va plus loin. Il récite les leitmotivs de la gauche. Il lui emprunte son jargon et ses tics de langage. Comme quoi les questions sociales sont plus importantes que les questions sécuritaires. Comme quoi il ne faut surtout pas « pointer du doigt », ni « stigmatiser » des « boucs émissaires ».
Villepin ne se contente pas de vouloir plaire à la gauche classique. Il cherche même à séduire la gauche sectaire. Il adresse des signaux aux intellectuels de gauche. Il utilise le langage codé de l’extrême gauche. Comment comprendre ce qu’il veut dire par « surenchère sécuritaire » qui « risque d’entraîner des provocations » ? Pourquoi se dit-il « mal à l’aise » ? Pourquoi juge-t-il le « pacte social et républicain » menacé ?
Ces formules énigmatiques, les gens n’y font pas attention, ou ils ne comprennent pas toujours très bien ce qu’elles signifient. Elles veulent pourtant dire que Sarkozy est à deux doigts de basculer dans la droite factieuse voire le fascisme. Dans les années 70 et 80, l’extrême gauche se déchaînait déjà en voulant faire croire que la droite était sous la coupe de l’extrême droite.
Sur certains plateaux télé, les intellos s’étripent sur le point de savoir si Sarkozy est fasciste, pétainiste ou bien lepéniste, mais la preuve paradoxale que non, c’est que ces Don Quichotte de dîners en ville ont tout loisir de bavasser. Ces talibans de la pensée unique terrifient même les citoyens avec des accusations de « populisme » ou de « dérapage » qui paralysent la critique et la réflexion politique en France comme nulle par ailleurs.
L’extrême gauche fait si peur que certains frisent le tête-à-queue idéologique pour ne pas être suspectés de la moindre proximité avec l’extrême droite. Ainsi Christine Boutin, soucieuse de se désenclaver, cherche parfois la bénédiction de la gauche en faisant chorus avec elle contre la droite. Le 23 février 2011, elle se déclarait « inquiète » et en appelait à « tous les démocrates, tous les républicains » contre la « stigmatisation » qui ferait le jeu de « dérives ».
De la même manière, Villepin (ab)use de cocoricos antifascistes pour envoyer un message subliminal aux élites. Il critique Sarkozy avec les mêmes arguments que l’extrême gauche. Sa critique est dévastatrice, car elle flatte le camp d’en face. C’est la vieille machine à perdre. Les hommes politiques de droite ont décidément du mal à critiquer leurs rivaux avec des arguments distincts de ceux de la gauche.
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