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L’Eglise de France en faillite : comme l’Etat


L’Eglise de France en faillite : comme l’Etat

On savait déjà que l’Etat, à bout de souffle budgétaire, blessé comme une vieille bête par une mondialisation extravagante, en était réduit à vendre ses bijoux de famille, c’est-à-dire ce qu’il reste de son patrimoine immobilier. Il y a un bout de temps que ce qui fit naguère sa force, à savoir ses services publics des transports, des communications et de l’énergie sont en voie de démantèlement ou de privatisation afin qu’une concurrence libre et non faussée fassent augmenter de façon tout aussi libre et non faussée les prix du gaz, de l’électricité, du téléphone, du train et de la poste pour les usagers, euh pardon les clients. La récente affaire de l’Hôtel de la Marine
n’est que la partie émergée et symbolique de l’iceberg de la grande dèche nationale.

L’Eglise catholique semble dans la même misère. Elle n’avait pas connu cela depuis la Révolution française, quand les fortunes hâtives du Directoire, comme aujourd’hui celles des oligarques de la post-URSS, se construisaient sur la bête en acquérant des biens nationaux, (des abbayes et autre prieurés ayant été remplacés par des gisements de gaz naturel). Ou peut-être depuis 1905, quand le petit père Combes décréta qu’il n’y aurait plus un sou d’argent public pour les religions et que le catholicisme cessait d’être la religion nationale.

Le budget de l’Eglise est en effet aujourd’hui celui d’un Etat virtuellement en faillite, comme dirait François Fillon.
L’Eglise de France doit débourser 286 millions d’euros pour la rémunération de ses fonctionnaires, euh pardon, de ses prêtres. (900 euros plus les charges). Si on y ajoute les 150 millions d’euros dépensés pour des travaux et les 120 millions affectés à des laïcs (secrétaires, aumôniers, personnel administratif) payés au smic, ce frein à la croissance, et que l’on met ce total en regard les recettes, on comprend vite l’exercice d’équilibrisme, digne d’une Christine Lagarde et d’un François Baroin en grande forme.

Le denier du culte, manière d’impôt librement consenti par les croyants, (l’équivalent de la vente du muguet pour le PCF) rapporte 228 millions d’euros tandis que les quêtes et autres offrandes de messes se montent à 272 millions d’euros. On peut encore ajouter aux recettes quelques produits financiers de bon père de famille ou d’électeur d’Europe Ecologie conscientisé : 31 millions d’euros, répartis entre des Sicav monétaires et des fonds Ethica (portefeuilles d’actions qui consistent de manière assez casuiste à concilier deux choses pourtant bien difficiles à concilier, surtout pour un catholique : le profit et la morale) sans compter 89 millions d’euros de legs.

Tout cela n’est plus tenable et l’Eglise a été obligée tout récemment de vendre en 2008 comme nous l’apprend Marc Paillet dans son livre La grande braderie, comment l’Eglise se bat pour éviter la faillite (Fayard), L’Hôtel de la rue Bourbon-Condé, une magnifique bâtisse du dix-huitième siècle de 3000 m2 située rue Monsieur, en plein septième arrondissement. L’écrin appartenait aux Sœurs du Cœur de Marie qui l’utilisaient pour donner des cours de BTS d’action sociale. Ce devait être du dernier chic, tout de même, de faire son BTS d’action sociale à deux pas des Invalides.

Mis en vente 66 millions d’euros, il n’a pu trouver, évidemment pour seul acquéreur solvable en pleine crise des subprimes, qu’un roi du pétrole, en l’occurrence l’émir du Barhein.
Pascale Pupinck, à la tête pour la France de la congrégation des Sœurs du Cœur de Marie, chargée de la vente, a eu pour principale interlocutrice la reine de Bahreïn, Chehika Sabika que la religieuse nous décrit, comme pour nous rassurer, de la manière suivante : « Il s’agit d’une femme très européeanisée, moderne, qui passe la moitié de son temps à Paris. »
Ouf, n’est-ce pas ?

On a évité de peu une star de rap hardcore avec escortes callipyges ou carrément un cartel de la drogue venu du neuf-trois. La reine a même eu la bonté d’accepter un accommodement raisonnable : ne pas détruire la chapelle. Son altesse est trop bonne : en plus, nous précise-t-elle, son personnel qui est en majorité catholique, l’apprécie beaucoup, la chapelle. On est en plein dialogue interreligieux, là, que c’en est un vrai bonheur. On a beau dire, le choc des civilisations, il est tout de même beaucoup moins violent quand il est amorti par l’airbag du pognon. Ainsi est-il devenu du dernier chic de s’acheter un logement de standing dans une chapelle baroque : à Rouen, on peut faire une bonne affaire avec un appartement, garanti désacralisé par l’évêque, de 145m2 pour 520.000 euros.

L’Eglise de France, pour se redresser doit absolument se livrer à une politique de rigueur sans précédent et nous ne saurions trop lui recommander de se tourner vers le FMI qui viendra tous les trimestres, comme en Grèce, vérifier que les prêts sont bien utilisés et non pas l’occasion d’une gabegie sans nom dans les actions caritatives, les interventions humanitaires ou l’éducation qui ne sont pas rentables. Il s’emploiera à orienter l’investissement spéculatif vers le marché des nouveaux miracles: ventes de souvenirs, pèlerinages, trafic de reliques, allant jusqu’à une forme de simonie modernisée
Et si ça ne suffisait pas ?
Eh bien, il ne resterait plus qu’à prier.
Au fond, il n’y a que la Foi qui sauve.



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