Je sais, je sais, je sais, comme chantait Jean Gabin dans les années 1970. Je sais qu’il y a les massacres en Syrie, la guerre en Lybie, un scandale sexuel planétaire qui implique un Français. Je sais la sècheresse, l’arrestation de Mladic, les impudeurs tranquilles de Luc Ferry qui marquent à leur manière une « nouvelle inconscience de classe. »
Mais tout de même, l’Ecole ? Vous vous souvenez ? Eh bien, vous avez du mérite ! C’est pourtant un sujet important, l’Ecole. Surtout en France, patrie historique des grandes querelles entre le hussard noir et le curé. L’air de rien, dans un silence médiatique et syndical presque total, l’école prend gifle sur gifle. Même si ce front-là n’intéresse plus personne, y compris la gauche qui, de Hollande à Mélenchon, a changé de cheval de bataille en quelques années, préférant se préoccuper d’écologie que d’éducation.
Et pourtant, il faudrait s’en soucier. Je sais, ce langage guerrier peut surprendre mais l’éducation est un front qui, comme tous les autres secteurs de la fonction publique, a été soumis à l’impératif comptable du non-remplacement d’un fonctionnaire sur deux.
La chose est néanmoins de plus en plus difficile à assumer politiquement. De droite comme de gauche, les parents sentent bien qu’avec 1500 classes de primaire en moins à la rentrée 2011 et des cours de langue vivante dans des classes de 35 élèves ou plus, on peut de moins en moins parler de service public.
Alors, pour noyer le poisson, Luc Chatel tente une manœuvre désespérée digne du communicant qu’il fut dans une autre vie.
Une campagne de pub à 1,3 millions d’euros
Frisant l’indécence, il lance une grande campagne de pub qui coûte 1, 3 millions d’euros à l’Etat en s’offrant, excusez du peu, des pleines pages dans Le Monde, Le Figaro, Libération, Le Parisien, Télérama, Le Nouvel Observateur et Paris Match. Le but de ce ramdam médiatique ? Nous apprendre que l’Education Nationale recrute 17 000 personnes. Oui, vous avez bien lu : on se croirait en plein New Deal ! Chatel-Roosevelt même combat !
Faut-il que le monde enseignant soit assommé par les 61 000 suppressions de postes en quatre ans pour ne pas répondre à une telle provocation. Certes, les atteintes statutaires, la disparition de la formation initiale des profs, l’autonomie accrue des chefs d’établissement qui peuvent parfois recruter directement leurs personnels comme des patrons de PME[1. A Paris, cette logique a récemment poussé des milliers de précaires à se précipiter au Pôle emploi dans l’espoir d’être engagés comme bouche-trous au sein d’équipes pédagogiques chaque année plus décimées], ont sérieusement éprouvé la communauté de l’éducation.
Pour autant, le personnel –administratif, médical et enseignant- de l’Education Nationale ne s’y trompe pas. À la rentrée 2011, il ne comptera pas 17000 agents de plus mais bien 16000 de moins, et si rien n’a changé d’ici là, on observera la même réduction d’effectifs en 2012.
Cela dit, que l’éventuel futur ministre de l’Education de gauche se rassure : il lui suffira d’arrêter la purge et de revenir au statu quo ante pour apparaître comme un révolutionnaire et un sauveur !
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