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Kylian: que la lumière (même très noire) soit faite

Les gendarmes de Bayeux (14) viennent de lancer un appel à témoins


Kylian: que la lumière (même très noire) soit faite
DR.

Les circonstances précises de la mort du jeune Kylian, poignardé dans le Calvados, restent mystérieuses.


Le 29 septembre, à Subles, petite commune du Calvados, un môme de dix-sept ans trouve la mort sur le parking d’une discothèque, l’Octavia. Il meurt saigné à blanc, lardé de coups de couteau. Dans le dos et à hauteur de la nuque. On se souvient du drame de Crépol, dans la Drôme, et de Thomas, seize ans, lui aussi poignardé à mort. À croire que, aujourd’hui, l’accessoire indispensable pour une virée réussie en boîte serait le couteau, le surin comme on disait dans les romans d’Albert Simonin à une époque où l’artifice de conquête au Bal à Jo et au pince-fesses du chef-lieu étaient la Gomina et le simili Perfecto. Avec franges aux manches et clous un peu partout, bien entendu.

Dix-sept ans, la vie devant soi, la mort dans le dos. Qui frappe en traître. Au petit matin, à la sortie de ce qui aurait dû être une fête et qui se termine en bagarre générale – violente – sur le parking. Une soirée spécial célibataires, semble-t-il. Alléchant à l’âge où Cupidon se plaît à titiller les sens en éveil.

L’enfant qui a perdu la vie – car Kylian était un enfant – à dix-sept ans on l’est encore –  a été tué par un gars un peu plus âgé, vingt-quatre ans. Intérimaire dans le bâtiment, précise le procureur de la République. Les gendarmes de Bayeux l’ont trouvé sur place, les mains et les vêtements couverts de sang. D’après des témoins, il aurait ramassé l’arme par terre. C’est dans sa poche que les gendarmes la retrouvent. Tout d’abord, l’interpellé nie toute implication. Puis il reconnaît s’être saisi du couteau, avoir déplié la lame et, voulant s’interposer dans la mêlée, ayant lui-même reçu coups de poing et jet de lacrymogène, il se serait mis à frapper le premier gars qui se trouvait devant lui, à l’aveugle en fait. « Sans intention de tuer » précise aussi le procureur. Poignarder, à plusieurs reprises, sans intention de tuer, on entend déjà l’argumentation passablement frelatée de l’avocat. Cela viendra en son temps.

Pour l’heure, l’auteur présumé des faits est mis en examen et placé en détention provisoire.

Kylian était un jeune sans histoires, amateur de boxe, sport dans lequel il était bon, selon son coach. Un garçon plutôt introverti, qu’on trouvait sympa, discret, qui donnait envie « d’aller vers lui » disent ceux qui le fréquentaient. « Un garçon qui aimait la vie et qui voulait en profiter », confie sa maman. Cela dit, même turbulent, antipathique au dernier degré ou semeur de pagaille, rien ne justifie qu’on meure à dix-sept ans vidé de son sang une fin de nuit sur un parking de discothèque. Rien.

En cela, nous ne sommes pas ici devant un simple, un regrettable mais banal fait divers, mais face à un drame épouvantable, inacceptable qui devrait tous nous concerner : quelle société avons-nous fini par fabriquer pour qu’on en arrive à ce point de violence, où le coup de couteau devient la réponse ordinaire à tout différend, même le plus bénin, le plus idiot ? Quelle société avons-nous engendrée dans laquelle un gars de vingt-quatre ans, avec boulot et sans passé délinquant, semble-t-il, se laisse aller à commettre le pire du pire, gâchant lui aussi sa vie, cela dit en passant ?

Oui, comment en est-on arrivé-là ? D’ailleurs, l’histoire ne se limite peut-être pas à ce qu’on croit en savoir. Elle pourrait être en effet plus complexe. Pour ne pas dire, plus tordue, plus terrifiante encore. Sinon pourquoi les gendarmes de Bayeux, dix jours après les faits, lanceraient-ils un appel à témoins ? Ils souhaitent entendre toutes les personnes présentes à cette soirée. Afin, naturellement, que toute la lumière soit faite. Lumière noire, très noire, peut-être bien. Mais nécessaire. Le temps est venu enfin que nous regardions en face notre monde tel que nous l’avons fait. Ne serait-ce pour que de tels actes soient jugés en parfaite connaissance de cause, et que nous puissions exiger de notre société deux choses primordiales. Premièrement que la justice, en ces matières, passe avec toute la rigueur indispensable. Deuxièmement : que soit enseigné partout, en tout lieu d’éducation, le prix de la vie. La vie qui, dans tant de films, de jeux vidéos, de vomissures haineuses sur les réseaux anti-sociaux, ne semble plus avoir la moindre valeur. Oui, faire la lumière, toute la lumière, pour qu’au moins, Thomas, Kylian, des enfants – nos enfants – ne soient pas morts pour rien.

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Ex-prof de philo, auteur, conférencier, chroniqueur. Dernière parution : « Moi, papesse Jeanne », éditions Scriptus Malvas

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