C’est pas tous les jours que Télérama (d’ailleurs hebdomadaire) célèbre les vertus de KTO (mais si, vous savez, la chaîne des ktoliques). Et bien, c’était lundi passé. Une demi-page, et élogieuse en plus. Si ça c’est pas une preuve que Dieu existe ! Quand même, pour encenser ainsi la chaîne officielle de l’archevêché (« donc de l’Opus Dei », comme dirait le petit Onfray), il fallait un motif sérieux.
Eh bien, rien qu’en regardant les cinq premières minutes (contairement au regretté commissaire Bourrel), on l’entrevoit, ce motif ! Il tient en deux mots : « programme inoffensif », c’est-à-dire visible par les jeunes athées de moins de deux ans. De fait le documentaire, intitulé « D’une seule voix » (Una Voce !), ne laisse aucune place à la transcendance. Il raconte la geste de Jean-Yves Labat de Rossi,ancien rockeur reconverti dans la chorale humanitaire – avec une spécialité : les pays en guerre. A défaut de chanter précisément sous les bombes, son orphéon chante sur les bombes – avec un parti-pris audacieux : contre la guerre !
1994: notre intrépide kapellmeister débarque en ex-Yougoslavie au beau milieu du conflit. Pas à Belgrade, chez les méchants Serbes chrétiens ; non, à Sarajevo, chez les Bosniaques, gentils et d’ailleurs mitigés question religion et tout ça… Qui dira le drame de cette innocente Bosnie agressée sans raison par l’agresseur serbe – dont les nazis avaient déjà souffert ? Eh bien, renseignements pris, tout le monde !
Rappelons néanmoins, pour les moins de dix ans, que l’infortunée Bosnie n’échappa au pire que grâce à une coalition de casques multicolores – au milieu desquels scintillait déjà, gris-brun, celui de Bernard-Henri Lévy. Mais surtout, le documentaire nous permet de retrouver dix ans plus tard l’artiste-citoyen-du-monde à Jérusalem (il s’est renseigné : là-bas aussi, il y a un conflit).
Grâce à son talent et à son entregent Labat du Rossi, tout imprégné encore de sa « rock’n roll attitude », réussit l’impossible : réunir le quorum d’Israéliens et de Palestiniens suffisant pour monter correctement son affaire : du son contre de l’avoine. Bref, un album de paix, d’amour et de royalties, suivi d’une triomphale tournée de trois mois en France (dont le doc nous donne de substantiels extraits.) Même qu’à la fin, figurez-vous, on voit des Palestiniens et des Israéliens chanter et danser ensemble ! (Bien sûr, c’est des comédiens et alors, ça change quoi ?)
Mon premier réflexe, même par écrit, serait plutôt violent : il y a des chaînes pour les programmes musicaux, non ? Alors pourquoi, en prime time sur la seule chaîne catho, cette « fantaisie chorale » humaniste, c’est-à-dire post-divine ?[1. Comme on dit post-moderne, ou post-it.] Puis, sachant qu’il faut toujours se méfier de sa première impression parce que c’est la bonne, j’ai réfléchi. Ne jamais en rester à une simple opinion (fût-elle juste à l’instant où on l’a)…
Eh bien pour être honnête, le même jour sur la même chaîne, il m’a aussi été donné de voir deux passionnantes émissions sur saint Paul, que je tiens pour le gars le plus sérieux de la bande à Jésus[2. Parmi ceux que j’ai connus]. Même que Celui-ci a dû aller le chercher loin[3. Episode connu sous le nom de « Chemin de Damas », plus connu des exégètes protestants sous le nom d’ « insolation ».], entre deux ratonnades antichrétiennes, pour remettre de l’ordre, si j’ose dire, dans l’Eglise à venir.
Décidément, Simon pouvait être la « pierre » sur lequel Jésus fonderait son Eglise ; mais pas le maçon ! Il lui aura fallu tous les rappels au règlement de Paul – notamment à Antioche – pour ne pas provoquer de schisme, et surtout le plus con : la scission, au sein d’une secte encore fragile, entre chrétiens d’origines juive et païenne, et même pas sur des bases théologiques : juste pour des questions de bouffe et de prépuce.
Mais trêve de disputatio ! N’est-il pas vital pour KTO aussi, pour KTO surtout, d’avoir de temps à autre un papier élogieux dans la presse athée – légèrement majoritaire dans ce pays depuis Mac-Mahon, voire Fénelon[4. L’idée date, plus précisément, du jour où l’homme s’est cru habilité à « penser par lui-même », ce qui ne veut exactement rien dire.] ?
Si ce documentaire a pu sauver une seule brebis égarée, n’est-ce pas… Quant aux autres, c’est-à-dire le troupeau, que voulez-vous que je vous dise ? Il continuera à regarder passer le train de la vie sans se poser de question, mais non sans ruminer sa vieille idée fixe : « Non seulement toutes les religions se valent mais aucune ne vaut rien, comparée à mon nombril. »
Sainte année paulinienne à tous !
Causeur ne vit que par ses lecteurs, c’est la seule garantie de son indépendance.
Pour nous soutenir, achetez Causeur en kiosque ou abonnez-vous !