Le 7-Octobre a tourné la page du pacifisme israélien. Ceux qui défendaient par conviction la cause palestinienne défendent aujourd’hui par devoir les frontières d’Israël. La peur, la défiance et l’accoutumance à la guerre dictent le quotidien des kibboutz situés en première ligne, au nord comme au sud. Reportage.
Pour cause de frappe iranienne, l’arrivée en Israël fut plus tourmentée que six mois auparavant. Escale à Chypre, pluie de feu au-dessus de Jérusalem, atterrissage en Jordanie au cœur de la nuit, fin du périple par la route. Et l’application signalant les intrusions de missiles, de roquettes ou de drones qui égrène, tout au long du trajet, son maudit chapelet…
À Tel-Aviv, la colère gronde dans la rue. Sur une place de la ville, la foule s’est massée pour réclamer la paix et la libération des otages. « La haine engendre la haine », crie une manifestante. On se rapproche.
« Poursuivre la guerre n’est pas une solution, lance-t-elle.
— Oui mais quelle solution alors ? lui objecte-t-on.
— En tout cas pas la solution de Nétanyahou. Il a laissé prospérer le Hamas pendant des années en pensant que c’était le meilleur moyen d’empêcher la création d’un pays palestinien. Mais qui a dit qu’un pays palestinien était une mauvaise idée ? »
En Israël, tout le monde ne partage pas cette ligne iréniste. Depuis le massacre du 7 octobre, qui a eu lieu au sud de l’État hébreu, et les 25 roquettes lancées quotidiennement depuis le Liban, dès le lendemain, sur le nord d’Israël, beaucoup ne croient plus dans la main tendue.
Rendez-vous avec Yoël, 38 ans. Un « modéré » né dans le kibboutz Yehiam, à 9 kilomètres de la frontière entre Israël et le Liban, où il vit avec sa femme et leur fils.
Acteur de profession, il a mis en pause ses projets parisiens à cause du Covid, puis de la guerre. Son père fut un temps le secrétaire général international du Mapam, un parti à l’origine marxiste qui a fusionné en 1992 avec d’autres formations israéliennes progressistes pour constituer le Meretz, le « camp de la paix », favorable à une solution à deux États et donc au retrait des territoires occupés.
« Quand j’étais enfant, avant les accords d’Oslo, mon père disait qu’il fallait parler avec le Fatah, se souvient Yoël. Beaucoup de gens lui rétorquaient : “Mais tu es fou. Parler avec qui ? Avec des terroristes ?”
— Vous partagez le sentiment de votre père ?
— On a défendu longtemps cette idée… Les extrémistes disaient tout le temps : ils veulent
