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Kémi Seba, un tartuffe en Afrique

Les discours du militant racialiste inquiètent


Kémi Seba, un tartuffe en Afrique
Kemi Seba en 2006 © SIMON ISABELLE / SIPA Numéro de reportage : 00531190_000010

Avec son influence grandissante sur les réseaux sociaux, en Guyane, en Afrique ou à la Réunion, l’activiste franco-béninois Kémi Séba inquiète. S’il semble avoir abandonné l’action violente, son discours reste celui d’un militant « antiblanc », racialiste et antisémite. Tout un programme!


Les damnés d’Afrique ont un nouveau héraut. Il rêve d’un continent unifié contre l’immonde bête occidentale, prône un retour aux sources de l’ « homme noir » et rêve de séparer les âmes selon leurs couleurs de peau.

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Il propage ses logorrhées grâce à son compte Facebook et… son passeport français.

La race, rien que la race

Né il y a 37 ans dans la paisible Alsace, Gilles Robert Capo Chichi de son vrai nom, souhaite en découdre avec l’Occident. C’est dans les cours de récré qu’il aurait été traumatisé par le racisme à son égard, a-t-il confessé sur Facebook. Tandis qu’Aimé Césaire œuvrait en son temps à la négritude, étape préalable a une grande communion fraternelle, lui, il arbore le blason, tenez-vous bien, d’une « supra-négritude ». Que Christiane Taubira ou autres « macaques qui trahissent leurs origines », selon ses mots, restent à leurs places de caméristes de l’Occident. Lui, il songe éveillé à une grande Afrique unifiée, alliée avec le miracle vénézuélien, la Russie et, encore mieux, la Corée du Nord. Plutôt que de s’esclaffer, arrêtons-nous un instant sur ce concept d’une « Afrique unie », pauvre vierge cambrée victime du prédateur blanc. Kémi Seba croit-il sincèrement qu’un paysan éthiopien a beaucoup à voir avec un Pygmée du Gabon ou un golden boy de Nairobi – sans même parler d’un éleveur de chèvres marocain ? De même, un Picard périphérique a-t-il beaucoup à voir avec un dragueur napolitain ou avec un trader blanc de New-York ? Non, évidemment, car l’Afrique comme l’Occident, n’est pas un tout, et la couleur de la peau n’est pas le seul moteur de l’identité.

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Qu’un Noir des États-Unis ou des Antilles accomplisse comme Kémi Seba – en gardant son passeport français bien au chaud – son grand voyage dans la terre de ses ancêtres, libre à lui. Mais un Cubain de peau noire a peu à voir avec un Londonien de peau noire supporteur d’Arsenal, n’en déplaise à cet ovni qui essentialise la couleur de la peau jusqu’à la moelle.

Du cœur à l’outrage

En matière de dérapages, il s’est déjà bien illustré, renvoyant les petites phrases du père Le Pen dans la cour des louveteaux. Sans même remonter à ses postures antisémites plus lointaines, lisons juste une phrase rédigée en 2009 : «[Les institutions internationales comme le FMI, la Banque Mondiale ou l’Organisation Mondiale de la Santé sont] tenues par les sionistes qui imposent à l’Afrique et à sa diaspora des conditions de vie tellement excrémentielles que le camp de concentration d’Auschwitz peut paraître comme un paradis sur terre ».

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Nous voilà bien loin du retour au pays natal d’Aimé Césaire, des « Ethiopiques » de Senghor, ou même des « Damnés de la Terre » de Frantz Fanon. Quoiqu’on pense de la verve de ce dernier à l’égard de la France, elle est à resituer dans un contexte où le colonialisme était bien réel ; et dans ses piques les plus acérées, les plus dures, les plus discutables, Fanon n’a jamais atteint le degré d’outrance de Kémi Seba.

C’est la faute à l’homme blanc

Alors pourquoi lui consacrer un article, vous demandez vous peut-être ?

Parce qu’il illustre parfaitement une équation simple : plus c’est gros plus ça marche. Je m’explique : Les guerres ethniques en Afrique ? La faute à l’Occident. Les famines récurrentes ? La faute à l’Occident. La politicards corrompus ? La faute à l’Occident. Et les bourgeoisies qui s’enrichissent sur le dos des petites gens, les bidonvilles, le racisme au Maghreb, les exactions sur les migrants en Lybie, l’esclavage en Mauritanie, les élections truquées, Boko Haram, les Pygmées humiliés, le statut des femmes, les droits bafoués des homosexuels, la situation des Noirs au Soudan, la précarité de l’agriculture, le sida, Ebola pendant qu’on y est, la faute à l’Occident également ?

Il est plus commode de se complaire dans une paresse intellectuelle en désignant comme responsable des maux de tout un continent un fauve occidental… que de chercher des solutions localement.

Et en levant l’étendard de l’Afrique sur fond de discours vindicatif réduisant à leur texture la plus grasse tous les poncifs des luttes anticoloniales, Kémi Seba a un certain écho auprès de la diaspora africanisée et francophone : un demi-million de fans sur Facebook et des entrées dans des universités et médias africains.

Dieudonné, Soral, Anelka

Il y a deux ans, après avoir brûlé un billet de 5000 Francs CFA dans la rue devant caméras et smartphones, le résistant autoproclamé s’est fait déloger du Sénégal vers la France. Succès assuré. Au temps du buzz tout puissant, il est presque apparu en martyre.

Sur sa page Facebook, certaines groupies y voient même un Patrice Lumumba qui aurait connu les joies des réseaux sociaux. Il y a une soixantaine d’années, Patrice Lumumba œuvrait à  l’émancipation de son pays, l’ancien Congo belge. Si l’issue fut dramatique, Aimé Césaire y consacra une pièce de théâtre saupoudrée d’humour, « Une saison au Congo ». Aujourd’hui, un Gilles Robert Capo Chichi naît à Strasbourg, émigre au Bénin, prend un pseudonyme et fait des allers-retours vers Paris pour s’acoquiner avec  Dieudonné et Alain Soral. Son dernier bouquin, nommé tout en mesure « L’Afrique libre ou la mort », a notamment été préfacé par un incontournable écrivain : le footballeur Nicolas Anelka. Toute une époque. Le mois dernier, il a été reçu à la Réunion, par le maire de Saint-Denis en personne, après avoir rempli des salles en Guyane. Inquiétant ? Pas vraiment, ne lui en déplaise. Mais symptomatique d’un vide politique voire intellectuel, sûrement.

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Enseignant, auteur du roman "Grossophobie" (Éditions Ovadia, 2022).

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