Kamel Laouadi avait relayé sur son compte Facebook une vidéo délirante à propos de la mort de Samuel Paty, peu avant de s’en prendre à la prof de SVT de sa fille. Terrible constat, c’est elle qui a dû quitter la région.
Six mois de prison ferme et 13 600€ de dommages et intérêts pour avoir critiqué un cours sur les réseaux sociaux : à première vue, la justice a été particulièrement sévère dans la dernière affaire qui agite Trappes. Un parent d’élève reprochait à la professeur de SVT de sa fille, scolarisée au collège le Village, d’avoir utilisé l’image du chanteur Soprano dans un polycopié sur l’évolution. Il voyait du racisme dans le rapprochement entre nos ancêtres hominidés et un noir. Il s’en était ému sur sa page Facebook. Il a été lourdement condamné pour harcèlement en ligne par le tribunal de Versailles.
Trop lourdement ? Rien n’est moins sûr. Il y a tout d’abord le profil de l’accusé. Kamel Laouadi, né en 1976, a été sept fois condamné entre 1992 et 2012 pour trafic de stupéfiants, vol à main armée et violence. C’est ce passé de délinquant qui a conduit la police à organiser l’exfiltration de la professeur de SVT hors du département des Yvelines, pour sa propre sécurité. L’attitude de Kamel Laouadi lors de son procès explique aussi la sévérité de la peine. D’après un témoin ayant assisté à l’audience, à aucun moment l’accusé n’a admis avoir peut-être mis en danger la vie de l’enseignante.
Il poste une vidéo négationniste sur Samuel Paty
Ce n’est pourtant pas comme s’il n’avait jamais entendu parler de Samuel Paty. Kamel Laouadi est au contraire informé et ambigu, comme le montre un point jusqu’ici passé sous silence. Le 19 octobre 2020, trois jours après la décapitation de l’enseignant par un islamiste tchétchène, il relaye sur sa page Facebook une vidéo complotiste d’un grand habitué du genre, le youtubeur Eric Perroud. Sans aucun souci de cohérence, Perroud explique que la photo de la décapitation qui a circulé est une mise en scène – « La seule solution c’est que ce soit une tête en cire » – et que par ailleurs, Samuel Paty l’a bien cherché ! « Quel est le plaisir de montrer la photo d’un homme nu en disant que c’est le prophète des musulmans ? (…) Ho, mec pourquoi as-tu fait ça ? Quel est l’intérêt ? Tu veux attaquer les musulmans, c’est ça ? (…) Paix à son âme, mais pour moi il a été très con ». La fin se perd dans des élucubrations sur les juifs.
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Quelques semaines plus tard, Kamel Laouadi s’en prenait à la prof de SVT de sa fille. Le cours litigieux date du 8 décembre 2020. L’audience de correctionnelle à Versailles a établi que l’élève n’avait pas été spécialement choquée. Son père a créé l’incident.
L’institution en dessous de tout
Conformément à une ligne constante, l’Education nationale s’est couchée, à la grande colère de Jean-Michel Blanquer, qui l’a appris trop tard. Elle a refusée de se porter partie civile, alors qu’elle avait été insultée en ligne par Laouadi (« éducation nationale de merde ! »). Pire, la professeure a été priée de faire contrition, ce qui a permis à Kamel Laouadi de plastronner sur son compte Facebook. « Salem, bonjour ! Après avoir discuté avec l’enseignante, il s’agit d’un malentendu, une grande maladresse de sa part. Charmante elle s’est platement excusée », écrit-il le 1er février.
Constat glaçant, il trouve des soutiens chez les trappistes. Suite à cette affaire, l’audience de sa page Facebook s’élargit. Il est félicité, encouragé. Conseillère municipale élue sur la liste « Trappes à Gauche » de 2014 à 2020, Véronique Brunati lui envoie son amical soutien le même jour : « C’est toujours mieux de parler et d’échanger ! A bientôt Kamel ! ».
Certains vont plus loin que lui. Florence L., Trappiste et musulmane revendiquée, explique ainsi que sa fille a eu « une institutrice qui était géniale. Elle a expliqué à ma fille qu’il y avait deux hypothèses, la théorie de l’évolution qu’on apprend à l’école et la théorie des croyants qu’on apprend à la maison, et qu’elle choisira celle qui lui correspond le mieux plus tard ». Ce n’est plus la photo de Soprano qui pose problème, mais la prétention à enseigner la vérité du cours de SVT lui-même.
Au même moment, le maire Generation.s de Trappes, Ali Rabeh, s’élevait contre les prétendus mensonges de Didier Lemaire, le professeur de philosophie qui dénonçait « la progression d’une emprise communautaire » dans la commune.
Laouadi a milité pour le LR Othman Nasrou
Curieusement, Kamel Laouadi va s’engager en 2021 dans la campagne des municipales à Trappes (le scrutin de 2020 avait été annulé), mais du côté de l’opposant à Ali Rabeh, Othman Nasrou. Il a mis sur sa page Facebook des photos de lui, tractant avec l’actuel porte-parole de campagne de Valérie Pécresse !
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Othman Nasrou a pourtant toujours été très clair sur les principes républicains, au point de se faire taxer d’islamophobie par Ali Rabeh. Contacté, l’entourage de Nasrou avoue son incompréhension. « On est incapable de vous dire pourquoi ce monsieur a rejoint nos rangs. Honnêtement, on ne savait pas grand chose de lui. Le choix d’un colistier engage un candidat, donc on regarde son parcours, mais on ne va pas faire une enquête pour un sympathisant. S’il nous rejoint, c’est qu’il adhère à notre projet, c’est ainsi que les choses se passent dans toutes les campagnes ».
Durant son procès, Kamel Laouadi a plusieurs fois insisté sur son engagement aux côtés d’Othman Nasrou, tentant de faire croire qu’il était la victime d’une cabale politique orchestrée par Ali Rabeh, jusqu’à ce que le procureur le rappelle sèchement à l’ordre : « Vous me voyez bien ? Vous savez qui je suis ? Je suis le procureur. Les poursuites, la perquisition, l’audition de votre fille par les enquêteurs, c’est moi qui les ai demandées, pas Ali Rabeh ».
L’homme reste manifestement convaincu qu’il n’a rien fait de mal. Il a fait appel de sa condamnation. Il a mis en ligne sur sa page Facebook son passage à Touche pas à mon poste, le 26 janvier 2022 (face à Elisabeth Levy), recueillant les « like » d’une trentaine de personnes, presque tous trappistes. « C’est peu, mais si on fait un sondage, on trouvera une majorité d’habitants pour dire que Kamel Laouadi a eu raison », commente un ancien élu, sans cacher son pessimisme : « je crains qu’il ne soit déjà trop tard pour Trappes. Un Kamel Laouadi y a sa place, pas l’enseignante. L’exfiltrer était la bonne solution, malheureusement».
Merci patronne ! Après avoir essayé pendant 10 longues minutes de se présenter en victime d’une terrible cabale judiciaire et politique face à l’équipe de Cyril Hanouna sur C8, Kamel Laouadi a été confronté à notre directrice de la rédaction Elisabeth Lévy… et à son passé judiciaire. En deux minutes, le parent d’élève s’est retrouvé tout penaud face à un cruel rappel de vérités, et l’avocat qui l’accompagnait fort dépité, et mutique. Nous vous proposons de revoir la séquence ci-dessous. Merci patronne ! • La rédaction. |
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