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États-Unis: pourquoi le vote Harris s’est effondré durant les derniers jours de la campagne

Kamala, Kama plus là… MAGA, c’est plus fort que toi !


États-Unis: pourquoi le vote Harris s’est effondré durant les derniers jours de la campagne
La candidate démocrate Kamala Harris reconnaissant sa défaite à l'élection présidentielle américaine, Washington, 6 novembre 2024 © Jacquelyn Martin/AP/SIPA

Faire de la candidate progressiste la candidate des femmes et des minorités raciales s’est avéré un choix désastreux pour les Démocrates. Cette stratégie a excédé les jeunes hommes, qui se sont mobilisés en masse pour son adversaire. Pendant ce temps, Donald Trump réinventait le trumpisme et voyait le vote des femmes progresser en sa faveur. Bilan des courses.


Kamala Harris avait le show-business avec elle. Donald Trump a fait le show. Si la formule est simplificatrice, elle n’en est pas moins vraie. La victoire historique du candidat républicain s’est ainsi dessinée dans les derniers jours de la campagne, dénouement de son spectacle politique.

Ce sont en effet les électeurs indécis qui ont fait pencher la balance en sa faveur en bout de course.


Enchainant les séquences remarquées qui l’ont vu servir des frites dans un McDonald’s de Pennsylvanie ou encore conduire un camion à ordures pour dénoncer les injures lancées par Joe Biden envers ses supporters, Donald Trump s’est démarqué par son charisme et sa proximité naturelle avec un peuple qu’il impressionne et amuse. Il a aussi su s’en tenir, au-delà des effets de scène, à un discours simple concentré sur des fondamentaux du quotidien : l’inflation, la fiscalité ou encore l’immigration.

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Kamala Harris a, de son côté, paru tétanisée en fin de campagne. Elle avait pourtant réussi une bonne convention démocrate et un débat correct. Son principal défaut fut de ne rien dire de pertinent. Qui se souvient de son slogan ? Qui a été interpellé par son iconographie ? Par l’un de ses discours ? Par une seule de ses propositions ? L’a-t-on vue en bleu de travail dans une usine comme avait su si bien le faire Joe Biden, en 2020, ce qui lui permit de gagner les trois « swing states » de la ceinture de rouille industrielle du Midwest ? Se contentant de répéter qu’elle était une femme métisse, elle s’est adressée à des segments de la population américaine plutôt qu’aux Américains dans leur ensemble. Sa campagne ne fut pas catastrophique, elle fut inodore et incolore.

Donald Trump et Kamala Harris se serrent la main avant le début du débat présidentiel organisé par ABC News au National Constitution Center, Philadelphie, le 10 septembre 2024. Alex Brandon/AP/SIPA

Harris : le gender gap et la diversité n’ont pas été suffisants

De nombreux commentateurs internationaux jugeaient que Kamala Harris allait mobiliser les femmes plus qu’aucune autre candidate avant elle. Las, les choses ne se sont pas du tout passées comme prévu. Non seulement, n’a-t-elle pas progressé chez les femmes, mais elle a reculé ! Donald Trump a intelligemment joué d’un progressisme soft pour les États-Unis en déclarant très tôt qu’il ne comptait pas proposer de législation fédérale sur la question de l’avortement pour laisser cette liberté aux Etats. Mieux, il a même affirmé qu’il poserait son veto si le Congrès adoptait « une interdiction fédérale de l’avortement », tout en entretenant le flou sur la nature de ce veto afin de ménager les milieux évangélistes qui le soutenaient. Malin. À l’occasion de la publication de sa biographie, son épouse Melania s’est aussi fendue d’un communiqué au ton très « pro choice » qui a sûrement rassuré certaines électrices.

Cette volonté d’accorder plus d’autonomie législative aux Etats avait beaucoup séduit lors de son premier mandat. Trump avait d’ailleurs… permis l’annulation de la garantie fédérale du droit à l’avortement grâce aux nominations de trois juges à la Cour suprême. Depuis, les Etats sont libres de décider leurs législations respectives en la matière. Le risque que courait Donald Trump lors de cette élection tenait au fait que dix Etats avaient couplé des référendums sur l’avortement au vote à l’élection présidentielle. Les démocrates espéraient que les femmes se mobilisent plus en conséquence et qu’elles votent massivement pour Harris. Pourtant, Donald Trump a enregistré une augmentation de 3% de ses voix féminines par rapport à l’élection 2020. On a aussi constaté dans des Etats comme le Missouri que des référendums pour le droit à l’avortement sont passés sans que le vote Trump ne soit entamé. Une très mauvaise surprise pour la candidate Harris.

Mais les surprises ne se sont pas arrêtées là. Les minorités ont voté beaucoup plus qu’elles ne le faisaient habituellement pour Donald Trump, battant même plusieurs records pour un candidat républicain. Chez les hommes afro-américains, Donald Trump a réalisé un score d’environ 20%, inédit depuis Nixon. C’est surtout chez les « hispaniques » ou « latinos » que le candidat républicain s’est distingué, puisqu’il y est majoritaire chez les hommes et a progressé de près de 15% par rapport au précédent scrutin. Cela lui a permis d’obtenir une large victoire en Floride. En somme il semblerait que les « desperate housewives » étaient bien moins enthousiasmées par Kamala Harris que ne l’ont été les amateurs de l’UFC et de la NFL pour Trump. Les divers soutiens de personnalités « viriles » ou incarnant une masculinité assumée, à l’image de l’animateur Joe Rogan ou du patron de l’UFC Dana White, mais aussi dans une certaine mesure du « dark lord geek » Elon Musk, ont séduit de nombreux jeunes hommes sans repousser l’électorat féminin. Un « male awakening » a succédé au retour de l’Amérique historique de 2016.

Harris ne résiste pas au chef-d’œuvre stratégique de Trump

Les soutiens de grandes personnalités de la Silicon Valley (MM. Musk, Zuckerberg, Bezos ou Thiel) couplés à ceux de sportifs et de combattants (MM. Jake Paul et Mike Tyson) ont touché un public large de primo-votants et d’électeurs nouveaux, tout en permettant à Trump de limiter la casse dans les grandes villes du Midwest et de la Sunbelt. Il a ainsi pu remporter tous les swing states sans mettre en danger ses territoires de prédilection. Plus encore, il a progressé partout. Chose remarquable, Donald Trump perd l’Etat de New York par un écart relativement faible, plus petit que celui qu’il a infligé à Harris en Floride. Il remporte même le vote populaire à l’échelle nationale, une première pour un Républicain depuis Bush en 2004 ; quand Kamala Harris fait moins bien que Joe Biden dans tous les comtés…

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Il faut enfin ajouter à ce tableau peu reluisant pour Mme Harris les prises du Sénat et de la Chambre des représentants. L’administration républicaine disposera ainsi de tous les pouvoirs pendant deux ans. C’est très rare. M. Trump a imposé sa poigne sur un parti entier, actuellement dirigé par sa propre belle-fille, Lara. Pourtant, il aurait pu payer les actes du 6 janvier 2021, quand il avait refusé d’admettre sa défaite. Son vice-président Mike Pence avait fini par le lâcher. Sa fille Ivanka et son genre Jared Kuchner avaient également pris leurs distances. Mais rien n’y a fait. Donald Trump ne perd jamais et a voulu le prouver. Son esprit de revanche a renversé des montagnes et il a pu habilement capitaliser sur les erreurs de ses adversaires. 

Donald Trump n’a laissé aucun répit au Parti à l’âne. Le bilan démocrate était pourtant loin d’être déshonorant sur le plan économique, l’Inflation reduction act constituant même un ambitieux plan protectionniste et ouvriériste. Donald Trump a répondu « bitcoin » et quotidien… Sur l’immigration illégale, il a dénoncé les errements des démocrates. Il a opposé son sens de la « gagne » aux défaites démocrates en politique internationale. Très timorés, les démocrates ont paru faibles face à la guerre d’Ukraine et aux conflits au Moyen-Orient. Ils ont, il faut le dire, été entravés dans leur action par une chambre où les Républicains ont été très influents pendant quatre ans. Cette excuse n’est que partiellement valable. Joe Biden n’en a pas fait assez, il a fait passer l’Amérique pour une puissance incapable de mettre un terme aux guerres. Donald Trump y a répondu avec une certaine simplicité et même un fond de démagogie ; ce fut suffisant pour convaincre des Américains peu intéressés par les questions étrangères qu’il était « l’homme fort » dont ils avaient besoin.

Donald Trump est donc désormais l’Empereur américain pour quatre ans, à la tête d’une gens antique semblable aux Iulii romains. Il voudra diriger et mettre en œuvre ses promesses. L’idée d’installer sa dynastie entière pour un siècle doit aussi lui traverser l’esprit… Quant à nous autres Européens, ne soyons pas les Grecs de la tragédie mondiale qui se joue sous nos yeux ébahis et impuissants. Donald Trump a réinventé le trumpisme en ajoutant aux ingrédients qui avaient fait son succès de 2016 une dimension nouvelle, à mi-chemin entre la Silicon Valley et Las Vegas. Qu’avons-nous à répondre ? Il faudra rapidement le savoir. Notre économie sera vite sous pression, de même que notre flanc est en Ukraine… Et si l’élection de Donald Trump représentait enfin le coup de fouet dont l’Europe avait besoin pour prendre conscience de la nécessité de forger son autonomie stratégique ?



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Gabriel Robin est journaliste rédacteur en chef des pages société de L'Incorrect et essayiste ("Le Non Du Peuple", éditions du Cerf 2019). Il a été collaborateur politique

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