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Beau livre: l’inspiration africaine de Diane de Selliers

"Kaïdara" d'Amadou Hampâté Bâ illustré par Omar Ba (Diane de Selliers, 2024)


Beau livre: l’inspiration africaine de Diane de Selliers
Omar Ba, Récompense, extrait de Kaïdara, publié par les éditions Diane de Selliers, 2024 Acrylique, encre, huile, stylo, Typex et crayon sur kraft avec polyester, 100 × 120 cm © Omar Ba / Adagp, Paris, 2024 Photo © Annik Wetter © Éditions Diane de Selliers

Chaque année, au moment des fêtes, Diane de Selliers publie, aux prestigieuses éditions qui portent son nom, un nouveau volume mêlant texte classique éprouvé et illustrations choisies avec soin. Elle avait ainsi pu revisiter, par le passé, Stendhal ou bien L’Apocalypse de saint Jean, etc. Ses livres remettent en circulation les grands auteurs, afin qu’ils soient goûtés et appréciés par des lecteurs curieux et esthètes. Les images picturales, souvent sublimes, qui les accompagnent et les explicitent, permettent de redonner une vigueur nouvelle à ces pages retrouvées. Diane de Selliers sait rendre hommage aux œuvres du patrimoine mondial qu’elle admire et qu’elle veut faire admirer. Que demander de plus à un éditeur ?

Une tradition orale porteuse de sagesse

Diane de Selliers nous propose cette fois un conte d’inspiration africaine, dû à l’écrivain peul Amadou Hampâté Bâ, né en 1901 ou 1902 dans l’ancien Soudan français, l’actuel Mali. Il est illustré pour l’occasion par l’artiste contemporain Omar Ba, né au Sénégal en 1977. Comme l’annonce Diane de Selliers : « Cette édition rassemble le récit initiatique peul Kaïdara, écrit en vers par Amadou Hampâté Bâ en 1969, et les 40 œuvres originales créées spécialement par Omar Ba. » Nous sommes donc précisément dans un contexte peul, c’est-à-dire dans une tradition orale porteuse d’une sagesse millénaire, dont Amadou Hampâté Bâ se fait le chantre. Dans sa préface, Souleymane Bachir Diagne écrit : « Ce conte initiatique est la traduction, dans l’imaginaire peul, d’un récit primordial, qui se retrouve sous diverses formes dans toutes les cultures humaines : celui du voyage de l’homme, à travers mille et une épreuves, à la recherche de la plénitude. »

Omar Ba, Au commencement : le pacte, extrait de Kaïdara © Omar Ba / Adagp, Paris, 2024 Photo © Annik Wetter © Éditions Diane de Selliers

Une expérience intérieure

Il y a en effet dans Kaïdara une portée disons universelle, qui intéressera certains lecteurs en quête d’expériences intérieures pérennes. Le parcours biographique d’Amadou Hampâté Bâ explique cette vision généreuse de la littérature. Éduqué d’abord dans les écoles françaises, il reçoit par la suite l’enseignement d’un maître soufi, Tierno Bokar. Théodore Monod, dont il est l’ami, le fait recruter comme chercheur en ethnologie à l’Institut français d’Afrique noire. Après l’indépendance du Mali, en 1960, il entre à l’UNESCO, dont il deviendra membre du Conseil exécutif. Il fonde ensuite, à Bamako, l’Institut des sciences humaines. C’est en 1944 qu’il a livré une première ébauche de Kaïdara, qu’il reprendra par la suite et fera évoluer. Le conte manifeste déjà, à cet état embryonnaire, des caractéristiques culturelles précises, que l’auteur ne cessera de développer, fidèle à un « humanisme œcuménique associé à un islam tolérant ». En ce sens, Souleymane Bachir Diagne peut noter dans sa préface, de manière éclairante, que « Kaïdara est l’œuvre d’un patient et opiniâtre tissu de liens entre langues, entre cultures, entre religions, entre passé et présent… »

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Simplicité essentielle

Kaïdara s’adresse donc à tous. Aux enfants, aux croyants de toutes religions, aux agnostiques aussi, et pourquoi pas aux athées. Et de manière générale à tous ceux qui sont en recherche de quelque chose. Pour vous inciter à entrer dans ce livre et, peut-être, à en partager la beauté sapientiale avec vos proches, je vous citerai un passage vers la fin, où la morale du conte apparaît dans sa simplicité essentielle : « Retiens bien [c’est Kaïdara qui parle au jeune survivant de l’équipée initiatique] ce que tu viens d’apprendre et transmets-le / de bouche à oreille jusqu’à tes petits-enfants. / Fais-en un conte pour les héritiers de ton pouvoir. / Enseigne-le à ceux dont les oreilles bienheureuses / se fixent sur une tête agréable et chanceuse. »

Des illustrations significatives

J’ai beaucoup aimé le travail du peintre Omar Ba. Né en Afrique, il divise son temps entre Dakar et Genève. Cette double appartenance géographique fait de lui un artiste cosmopolite accompli. Comme Amadou Hampâté Bâ, il se présente comme « un passeur de traditions et de cultures ». Sa peinture, redevenue figurative après une période d’abstraction, tente une synthèse ambitieuse entre origines enfouies et cosmologie moderne. Il apporte beaucoup à la lecture du conte d’Amadou Hampâté Bâ, en ouvrant l’imaginaire du lecteur, qu’il amène vers des représentations fantastiques, mais accessibles à chacun. Comme l’écrit dans sa contribution Bérénice Geoffroy-Schneiter, spécialiste des arts africains, l’univers pictural d’Omar Ba « s’accorde ainsi à merveille avec la temporalité du conte de Kaïdara et la langue ciselée dans le métal divin d’Amadou Hampâté Bâ ».

Omar Ba, Arbre, extrait de Kaïdara © Omar Ba / Adagp, Paris, 2024 Photo © Annik Wetter © Éditions Diane de Selliers

La connivence créée par Diane de Selliers entre le poète et le peintre, telle celle d’un grand vin avec un mets raffiné, fonctionne de manière étonnante, comme si tous deux avaient travaillé de concert vers un même horizon. C’est le prodige de l’art, quelquefois, que ces réunions d’artistes, à l’occasion desquelles s’ouvre un riche dialogue qui n’était pas prévu. 

Kaïdara, Amadou Hampâté Bâ. Illustré par Omar Ba. Préface de Souleymane Bachir Diagne. Éd. Diane de Selliers.

À noter, chez le même éditeur, la réédition abrégée du Rāmāyaṇa de Vālmīki, illustré par les miniatures indiennes du XVIe au XIXe siècle. 

Kaïdara d'Amadou Hampâté Bâ illustré par Omar Ba

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Jacques-Emile Miriel, critique littéraire, a collaboré au Magazine littéraire et au Dictionnaire des Auteurs et des Oeuvres des éditions Robert Laffont dans la collection "Bouquins".

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