La parution du premier tome de la biographie de Franz Kafka par Reiner Stach révèle l’envergure de son projet: un mausolée littéraire. Il n’en fallait pas moins pour sonder la vie et l’œuvre du génie de Prague pour qui la solitude était la condition de la création.
« Pour écrire, j’ai besoin de vivre à l’écart, non pas “comme un ermite”, ce ne serait pas assez, mais comme un mort. »
Le problème avec Kafka (1883-1924) ? Plus on le lit, plus on se demande ce que l’on pourrait ajouter à tout ce qui a déjà été dit et écrit. Après (mûre) réflexion, notre réponse : rien. On ne peut rien ajouter à tout ce qui a déjà été dit et écrit. On peut seulement rassembler un faisceau de phrases et fusées qui reconstitueront le Kafka que l’on aime – comme un puzzle dont les pièces seraient toujours les mêmes, et la figure recomposée, pourtant toujours singulière : définition possible du lecteur ou de la lectrice.
Mais l’on aurait aussi bien pu s’abstenir–on se souvient du mot d’Einstein :« Je n’ai pas pu le lire, l’esprit humain n’est pas assez compliqué pour le comprendre. » Se méfier. On est passé outre, pour une raison simple, que définit Franz Werfel (1934) : « Quand je vis pour la première fois F. Kafka face à face, je sus tout de suite qu’il était “un messager du Roi”. Je n’ai jamais perdu ce sentiment en sa présence. L’admiration, l’amour que je lui portais furent toujours mêlés d’un étrange frisson. À cette époque, les autres goûtaient avec un ravissement d’esthètes sa prétendue originalité, mais moi, j’avais le pressentiment qu’il s’agissait non pas tout
