Quand on parle d’une possible intervention militaire en Libye et d’une éventuelle désintégration de cet État, l’hymne des Marines américains sonne plus juste que jamais. Le deuxième vers du premier couplet, qui commence ainsi :
From the hall of Montezuma
To the shores of Tripoli[1. Le premier vers évoque, lui, le conflit américano-mexicain de 1846-1848 qui entérinera l’annexion du Texas et provoquera celle de la Californie. Sans les Marines Hollywood serait peut-être mondialement connu pour ses plantations de cactus…]
évoque en effet un vieux fait d’armes – peu connu par chez nous – dans ces contrées lointaines. Les États-Unis ont mené au début du XIXe siècle deux guerres dans le Maghreb, connues sous l’appellation opérettienne de « guerres barbaresques » qui furent la première intervention de troupes américaines en sol étranger. Pour une analyse géopolitique poussée de la situation, référez vous – n’est pas Bernard Guetta qui veut – à Wolfgang Amadeus Mozart et son Enlèvement au sérail. À l’époque les États barbaresques (le sultanat du Maroc et les régences d’Alger, Tunis et Tripoli) rackettaient le transport maritime au large de leurs côtes, une pratique qui n’est pas sans rappeler l’actuelle Somalie.
L’indépendance américaine ayant ôté aux treize colonies la protection de la Royal Navy – on ne peut pas avoir le thé et l’argent du thé – la jeune république en avait marre de payer des rançons (1 million dollars or par an, quand même) et décida de régler l’affaire à coups de canon. Quand Napoléon, déjà Empereur, concentrait ses forces au camp de Boulogne, quelques mois avant Trafalgar et Austerlitz, les Américains ont mené leur petite guerre maritime et inauguré une présence navale, ininterrompue depuis, en Méditerranée.
Et la France dans tout ça, me demanderez vous avec raison ? Eh bien, l’air emprunté par les braves Marines pour leur hymne –composé vers 1870 – a été fortement inspiré par L’air des gendarmes de l’opéra bouffe Geneviève de Brabant d’Offenbach.
Avant de crier au vol, rappelons que le grand Jacques s’était lui-même très probablement inspiré d’un air espagnol « populaire » (c’est à dire sans auteur reconnu). Il faut espérer que si jamais Français et Américains se voient obligés de revisiter en uniformes les côtes barbaresques, que cela ne ressemble pas à The Pirates of Penzance ou à La Grande-Duchesse de Gérolstein. Pas gagné, vu la garde-robe de Kadhafi…
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