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La justice a-t-elle pris le parti d’Emmanuel Macron?

L'affrontement classique juges et médias contre politiques n'exprime que partiellement la réalité judiciaire


La justice a-t-elle pris le parti d’Emmanuel Macron?
Régis de Castelnau, avocat français, interrogé sur REACnRoll (rnr.tv)

Affaires Balkany, Mélenchon, Le Pen, Fillon… On en passe et des meilleures ! Sur REACnROLL (rnr.tv), l’avocat et contributeur régulier de Causeur Régis de Castelnau a livré son analyse des déconvenues judiciaires rencontrées par bon nombre d’opposants à Emmanuel Macron…


Causeur vous permet de lire un extrait de cette intervention.

REACnROLL. Les juges sont-ils partis en guerre contre les politiques ?

Régis de CASTELNAU : La réponse est clairement non ! Ce n’est pas le problème aujourd’hui. Cette envie de régler des comptes avec le pouvoir a existé: il fut un temps où l’on pouvait dire qu’il existait une alliance entre les médias et les magistrats pour combattre le politique. (…) Il y a eu des affrontements avec déjà, des volontés politiques d’instrumentalisation de la justice, des règlements de comptes, etc. (…) Il y avait une sorte d’axe presse + magistrats contre politiques.

À la fin du mandat de François Mitterrand, on est bien là au cœur des affaires. C’est encore très sportif ! (…) La promulgation du nouveau Code pénal de 1994 est bien au cœur des affaires. Le précédent datait de 1810. Un chapitre entier, « Des atteintes à la probité », a été consacré aux décideurs publics : des infractions que seuls peuvent commettre des agents publics. (…) Toutes les infractions qui existaient auparavant y ont été aggravées. Par exemple, la prise illégale d’intérêt, qui s’appelait auparavant l’ingérence, a été nettement aggravée par ce nouveau Code, ainsi que dans les années qui ont suivies. Et encore récemment, avec le PNF avec l’affaire Cahuzac [les infractions ont été aggravées ndlr]. (…)

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On est sorti de cette phase. Prétendre que ce à quoi on assiste, c’est la poursuite de l’affrontement médias et justice contre les politiques est fausse.

Les juges n’ont-ils pas eu la main lourde avec Balkany ?

Régis de CASTELNAU : Je constate simplement une levée de boucliers, un sentiment de solidarité pour Patrick Balkany, dès lors que lui a été infligée une peine assez élevée pour une infraction de fraude fiscale. (…) Ce sont d’habitude des infractions pénales peu réprimées car l’administration fiscale transige en amont. (…) Là on s’est dit: « que se passe–til ? Pourquoi y a-t-il eu cette lourdeur ? » (…) Le fond du dossier est une dizaine d’infractions fiscales. Il y a un jugement que l’on peut considérer comme sévère. Il faut néanmoins se rappeler que ce jugement constitue une étape de la procédure ; il s’agit d’un jugement de première instance. Il ne faut pas attacher à cette décision autre chose que sa véritable nature.

Je considère la mesure de mise en détention inutile au regard des critères exigés par la loi. Attention, il ne s’agit pas d’une peine mais d’une sûreté. C’est une décision qui doit être spéciale et motivée en vertu de l’article 465 du Code de procédure pénale, et nécessite un certain nombre de critères comme la représentation de l’accusé, le risque de fuite, etc. J’estime que les critères n’étaient pas réunis compte tenu de la présence de Balkany à toutes les convocations. Il lui appartient alors de saisir la Cour d’appel et de demander sa remise en liberté en démontrant que les critères utilisés par le Tribunal n’étaient pas réunis. (…)

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C’est un abus de confiance vis-à-vis de l’Etat, mais surtout vis-à-vis des Français. Monsieur Cahuzac a eu trois ans de prison en première instance. Thévenoud, Cahuzac et Balkany possèdent tous les trois un point commun, au-delà du fait que ce sont des fraudeurs fiscaux : ils sont députés. Le consentement à l’impôt est, depuis trois siècles, le fondement de la démocratie parlementaire! La garantie du citoyen par rapport au fait que ses impôts sont légitimes réside dans le fait qu’il va élire des gens qui établissent le budget et fixent le montant de l’impôt qu’il va payer. Voilà trois personnes qui votent le budget, décident comment vous et moi allons payer et qui considèrent qu’ils en ont dispensés. Il s’agit d’une transgression très grave du pacte républicain.

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Les juges ont-ils vocation à sanctionner la « rupture du pacte républicain » ?

Régis de CASTELNAU : Ils l’ont fait dans les motivations : c’est l’individualisation de la peine. C’est l’article 8 de la Déclaration des Droits de l’Homme. Le juge va apprécier des faits, il va les qualifier juridiquement et va condamner en application de la théorie pénale de la rétribution. Pour fixer cette rétribution, votre punition, il faut rechercher la gravité de la faute et la nature de la personne que le juge a en face de lui… (…)

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Dès lors que le juge constate que la faute est aggravée moralement par l’existence de cette transgression/trahison, ce n’est pas anormal qu’il statue comme il l’a fait pour la fixation de la peine individuelle qu’il va prononcer. Par exemple, il existe une peine accessoire d’inéligibilité. Pour pouvoir la prononcer, le juge doit savoir à qui il a affaire: il s’agit d’une peine adaptée à ceux qui aspirent à des carrières publiques et dont on pense que pour un temps il n’est pas souhaitable qu’il puisse de nouveau solliciter les suffrages. (…)

Nicole Belloubet est « choquée » qu’Isabelle Balkany succède à son mari à Levallois…

Régis de CASTELNAU : Elle a outrepassé ses prérogatives de Garde des Sceaux qui n’a pas à se prononcer sur ce genre de choses. Elle peut poser des problèmes juridiques. Il appartient plus au préfet, à la juridiction administrative ou encore aux électeurs de dire ce qu’ils pensent. Madame Belloubet aurait mieux fait de se taire, d’autant qu’elle a fait sa déclaration de biens à la Haute autorité pour la transparence de la vie publique en ayant oublié trois propriétés immobilières. C’est une honte. Elle n’est pas bien placée pour donner des leçons… (…)

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Peut-on parler de justice aux ordres, dès lors que Richard Ferrand est mis en examen ?

Régis de CASTELNAU : C’est une pure et simple opération de diversion… L’affaire de Ferrand a deux ans! (…)

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Je pense que si on relit toutes ces affaires, se dégage une vision d’une situation où les médias et les corps de contrôle, dont la justice, ont pris le parti de soutien d’Emmanuel Macron. C’est un pouvoir minoritaire qui a choisi de le rester. Ce pouvoir minoritaire et impopulaire ne peut décemment tenir que dès lors qu’il bénéficie de ce contrôle. Par exemple, le Conseil constitutionnel a passé les plats au pouvoir avec par exemple la loi anticasseurs, par des décisions anormales. Après la répression des gilets jaunes et tous les scandales, il y a un sentiment particulier de formidable défiance vis-à-vis de la justice. Je vois également un autre symptôme : la magistrature donne le sentiment d’être instrumentalisé au service des « gros ». Ce sentiment les gêne beaucoup, c’est pourquoi ils veulent revenir à ce qui était une réalité il y a vingt-cinq ans, c’est-à-dire à un affrontement politique-justice. Aujourd’hui, il y a une instrumentalisation, par un clan politique, de la justice dans ses intérêts.

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