Selon l’IFOP, jamais les Français n’ont été aussi mécontents du fonctionnement de la justice. Lundi, le garde des Sceaux a de plus confié avoir voté pour un candidat de gauche aux élections législatives!
La Justice pourrit toujours par la tête ! Vous aurez compris que je fais allusion à un proverbe chinois affirmant que « le poisson pourrit toujours par la tête ». Et on comprend bien ce que signifie cette assertion. Elle souligne que les dysfonctionnements d’une organisation sont d’abord et toujours imputables aux dirigeants et aux managers. Le sommet est à incriminer, non la base. Je ne pouvais que penser à ce constat au regard d’une étude de l’IFOP pour le compte du JDD. Les Français « jugent sévèrement la justice… et jamais ils n’ont été aussi mécontents de son fonctionnement ». 73% d’entre eux ont cette approche très péjorative, ce qui ne laisse aucune place au doute. Alors qu’en 2017 ils n’étaient que 63% et que Emmanuel Macron a perdu 10 points depuis le mois d’avril 2018 pour sa politique judiciaire : passant de 37% à 27%. Le régalien est incontestablement le ventre mou du macronisme.
Éric Dupond-Moretti très impopulaire
Un phénomène particulier concerne le garde des Sceaux « qui a une cote de popularité très faible : 30% après deux ans d’exercice ministériel ». Je sais bien que cette donnée négativement impressionnante n’aura pas le moindre effet sur le président de la République et sur la Première ministre. Ce ne sont tout de même pas les citoyens qui vont décider, pas plus que les magistrats hier pour son étrange reconduction ! Cette évaluation est pourtant intéressante, parce qu’elle met en parallèle le parcours d’Eric Dupond-Moretti avec celui de certains de ses prédécesseurs dans la durée de leur mandat respectif.
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Ainsi Christiane Taubira calamiteuse ministre – à la fois artiste du verbe mais méprisant les attentes populaires, inerte mais nuisible pourtant – bénéficiait d’un pourcentage de 47% à la même période. Michèle Alliot-Marie qui, pour moi, malgré l’apparence qu’elle affichait et laissait croire à un exceptionnel talent régalien, a été, pour plusieurs raisons dont la moindre n’était pas son inféodation totale au président Sarkozy, la pire garde des Sceaux de son quinquennat. Pourtant elle jouissait d’un pourcentage de 63%. Enfin, Rachida Dati, qui n’a pas manqué de courage politique et a fait voter des peines planchers dont le manque aujourd’hui se fait cruellement et socialement sentir, était créditée, après deux ans d’exercice, de 51%. Cette comparaison entre les 30% de l’actuel ministre et la relative satisfaction inspirée par les autres signifie clairement, à mon sens, que le choix d’Eric Dupond-Moretti est désavoué par une forte majorité tandis que ses prédécesseurs ne sont pas discutés en tant que tels mais en raison de la plus ou moins grande efficacité de leur politique.
Sur RTL, le garde des Sceaux confie avoir voté pour un candidat de la Nupes
Une preuve supplémentaire de la mise en cause de Dupond-Moretti en sa qualité de ministre est « qu’il peine à imprégner l’opinion publique à ce titre », un Français sur quatre déclarant ne pas le connaître suffisamment. Il reste probablement plus identifié comme bretteur politique que comme occupant de la place Vendôme. Cette distinction m’autorise, malgré certains avis critiques, à ne pas tenir pour rien un honneur totalement inadapté fait à un avocat ayant détesté la magistrature, qui lui renvoie cette hostilité depuis sa nomination et son renouvellement d’autant plus qu’il est humiliant pour les procureurs et les procureurs généraux d’être soumis à un ministre mis en examen dont certaines de ses affaires d’avocat ont dû être confiées à la Première ministre pour éviter encore de possibles conflits d’intérêt.
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Malgré un nouveau directeur de cabinet, Jean-Denis Combrexelle, qui par sa compétence et sa capacité de dialogue redore le blason du ministre – dommage qu’il ne puisse pas l’assister lors des réponses aux questions à l’Assemblée nationale ! -, les Etats généraux de la justice ne pourront pas favoriser la renaissance d’une institution en même temps que d’un service public.
L’une et l’autre, pourtant, sans une exemplarité et une efficacité à organiser d’en haut, seront stigmatisés sans cesse par des études déprimantes et des citoyens désespérés. Ce n’est pas en bas que les problèmes se posent, pas dans la quotidienneté judiciaire et pénitentiaire que réside la solution mais dans le pouvoir, dans la tête, dans ceux qui pourraient et devraient, dans la volonté et l’action des ministres. Encore faudrait-il que l’une et l’autre ne soient pas stérilisées prioritairement par les haines idéologiques à sens unique d’un garde des Sceaux séduit par la Nupes et s’en étant vanté!
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