Ville « orléaniste » par excellence, conjuguant avec un certain bonheur la foi dans l’économie, le respect de l’autorité et le sens de l’action sociale, Orléans voit monter le vote RN inexorablement. Malgré la politique du maire, aux effets positifs incontestables, le sentiment de dépossession gagne de plus en plus la population. Reportage.
Avec ses bars et ses terrasses, la rue de Bourgogne est, le soir venu, l’artère la plus animée d’Orléans. Il est 23 heures, la mairie nous a autorisés à suivre une patrouille de la police municipale dans sa ronde de nuit à travers la vieille ville. Membres de la brigade cynophile, les deux agents avec lesquels nous déambulons sont accompagnés de Laïka, un berger malinois dûment muselé et tenu en laisse. Soudain, un scooter surgit à un croisement. Aussitôt, comme si elle connaissait le Code de la route sur les doigts, Laïka aboie. Son maître fait signe au conducteur, à peine majeur, d’arrêter son véhicule. « C’est une zone piétonne, la circulation est interdite aux engins motorisés », indique-t-il. Manifestement intimidé par les jappements de la chienne, le contrevenant coupe le contact, descend du deux-roues, plaide l’ignorance et promet de ne pas recommencer. Décidément très intelligente, Laïka cesse sur-le-champ d’être menaçante. « C’est bon pour cette fois », lance l’agent.
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Bienvenue dans la capitale de la région Centre-Val de Loire. Longtemps la ville a eu mauvaise réputation. C’est ici que la fameuse affaire « Papy Voise » a eu lieu en 2002, du nom de Paul Voise, un retraité de 61 ans sauvagement agressé chez lui par des voyous qui ont ensuite brûlé sa maison. Le crime, survenu trois jours avant le premier tour de la présidentielle, a ému la France entière et sans doute pesé dans l’élection qui a vu Jean-Marie Le Pen se qualifier face à Jacques Chirac. Vingt-deux ans après, on mesure le chemin parcouru. Le maire, Serge Grouard, un ancien proche de François Fillon qui a quitté LR l’an dernier, peut s’enorgueillir de sa politique sécuritaire. Et pas seulement en centre-ville. À Orléans, même les secteurs HLM sont devenus tranquilles. Ainsi l’été dernier, lors des émeutes qui ont frappé tout le pays suite à la mort du jeune Nahel Merzouk à Nanterre, aucun bâtiment n’a été attaqué et deux voitures seulement ont fini en cendres. « Quand j’étais enfant, c’était une autre ambiance, raconte le maître de Laïka. J’habitais un quartier difficile et chaque Premier de l’an, les gars de la cité rivalisaient avec Strasbourg pour cramer le plus de bagnoles possible. »
Politique du verre d’eau
C’est à bord d’un véhicule de la police municipale que nous continuons notre reportage « embarqué ». L’occasion d’admirer la splendide promenade du bord de Loire, enfin débarrassée du gigantesque parking mal famé qui l’encombrait encore au début du siècle, et devenue désormais le lieu incontournable des pique-niques et des footings. Direction les faubourgs. Dans le quartier populaire de l’Argonne, un riverain a signalé un rodéo urbain. En moins de deux minutes, notre estafette est sur place. Sans gyrophare ni sirène. L’équipe préfère cueillir par surprise les deux jeunes motards qui, au volant de leur Yamaha, font des acrobaties, et surtout beaucoup de bruit, devant la poste. Leurs vrombissements ont dû réveiller tous les habitants. Dès qu’ils nous voient arriver, les chauffards prennent la fuite. Le chef de patrouille a toutefois eu le temps de les filmer et d’envoyer en direct les images de leur forfait au centre de commandement. « On n’engage pas de course-poursuite pour ne pas
