La bien-pensance nous a offert un splendide feu d’artifice sur les médias en ce lundi 24 octobre 2016. Il s’agissait de célébrer avec des trémolos dans la voix le démantèlement de la jungle de Calais et sa dissémination dans toute la France profonde. Il faut dire que les bonnes âmes ont eu peu l’occasion de s’exprimer ces jours-ci. A propos de Viry-Châtillon, il était vraiment impossible à Laurent Mucchieli et consorts de reprendre leur vieille rengaine sur les problèmes de la banlieue qui »résultent avant tout du racisme des policiers ». Ça jurait beaucoup trop avec la réalité. Le démantèlement de l’immense bidonville de Calais, voilà au contraire un sujet en or, et les médias ont déversé sur la jungle des flots d’éloquence à rendre jaloux Rudyard Kipling dans sa tombe.
Aimez les migrants !
Tous les journalistes, surtout sur les chaînes d’information en continu, fixaient leurs téléspectateurs droit dans les yeux et leur intimaient l’ordre d’aimer les migrants, d’aimer les gentils bisounours qui leur servent la soupe, d’aimer un ministre de l’Intérieur aussi compassionnel que M. Cazeneuve. Même Yves Calvi sur LCI, d’habitude plus pondéré, nous menaçait de son regard noir : »Est-ce que par hasard vous n’aimez pas les migrants ? Cela ferait de vous un sans-coeur, un Hitler au petit pied. Savez-vous que vous risquez une terrible condamnation biblique, le doigt de Dieu va percer les nuages pour vous désigner et sa voix forte va tonner contre vous la plus infamante des accusations : » raciste »! Alain Finkielkraut a eu le courage de dénoncer dans le dernier Esprit de l’Escalier l’utilisation abusive et intimidante de cet adjectif. Au professeur qui tançait dans la rue une élève noire indisciplinée, deux quidams qui passaient en voiture ont lancé le mot qui vous transforme en ennemi du genre humain, et ils ont tout de suite mis en oeuvre la punition : un tabassage en règle du malheureux.
De toutes les personnes interrogées dans les reportages, personne n’a osé élever la moindre objection à la présence des migrants en France. On voyait les visages contractés par la terreur que le Bien fait régner sur ce pays, on voyait les bouches ânonner de maladroites phrases d’approbation. La critique la plus audacieuse fut émise par un habitant de Forges-les-Eaux où l’on installe une succursale de la jungle, c’était : »C’est mal organisé, car nous n’aurons pas l’occasion de discuter avec les migrants, de mieux les connaître ». Que de pleurnicheries, que d’étalage de compassionnel dégoulinant ! Les pauvres Afghans -habitués à vivre dans un pays de hautes montagnes- auront du mal à supporter le terrible hiver français, les pauvres Soudanais jouiront enfin de la paix – sauf qu’on ne sait pas qu’il existe maintenant deux Soudan, un Etat au nord et un autre au sud et que seul ce dernier est en guerre. Un seul participant au débat de LCI a osé faire une remarque qui fâche, et c’est tout à son honneur que d’avoir craché dans ce ragoût verdâtre et bouillonnant de consensus mollasson : Dominique Reynié a osé dire qu’il n’y avait strictement aucune raison pour que l’afflux des migrants s’arrête. Il a raison, les futurs occupants de la Jungle 2 de Calais (le retour) nagent déjà dans le détroit de Sicile. Personne, autour de la tablée présidée par Yves Calvi, n’a enchaîné sur cette remarque iconoclaste, personne ne l’a commentée ou critiquée. Mais l’avenir, mon cher Dominique Reynié, l’avenir de la France, l’avenir de l’Europe, mais on s’en fout éperdument !
La compassion ignore l’avenir
Le voilà, le grand absent des débats, reportages et commentaires du lundi 24 octobre : l’avenir. Pour les bisounours, mouches humanitaires du coche gouvernemental qui conduit à nos frais les migrants à Forges-les-Eaux ou Trifouillis-les-Oies, (j’ai retenu le joli nom de L’auberge des Migrants dont c’est nous qui paierons le menu et les extras), l’avenir n’existe pas. Le temps du compassionnel est très bref, c’est le temps de la photo sur laquelle on distribue des couvertures à ces pauvres gens, le temps du reportage où l’on exprime toute sa tendresse pour l’Autre. La suite, on s’en fiche et alors l’avenir de la France, la création de minorités (bientôt majoritaires), l’accélération du Grand Remplacement, mais de quoi vous me parlez là, monsieur ? Vous ne voyez pas pas que vous faites le jeu de Marine Le Pen ?
Le temps du politique est un peu plus long que le temps du compassionnel, il est en ce moment de 8 mois, la durée qui nous sépare des présidentielles de 2017. François Hollande voulait honorer sa promesse de démanteler la jungle de Calais, il l’a fait pour des raisons électorales, mais l’avenir des implantations de migrants en 2020 ou en 2050 ne l’intéresse absolument pas. Essayons de gagner les élections, et après nous le déluge.
J’ai tout de même appris ce lundi une bonne nouvelle : les gentils pandas n’ont pas de religion. Donc nous ne risquons pas le fanatisme ou la radicalisation. Pas une fois à propos du fameux démantèlement, je n’ai entendu les mots d’islam ou de musulmans. Pourtant, je croyais qu’au Soudan ou en Afghanistan, on était plutôt… Eh bien non. Donc aucun risque, absolument aucun, de voir ces nouveaux-venus faire des enfants qui deviendraient un jour à leur tour des »ennemis de la France », selon l’expression si courageuse du même Alain Finkielkraut dans la même émission. Faut-il que le camp du Bien soit rongé par le doute, pour que nul Savonarole n’ait entrepris de faire monter sur le bûcher un tel blasphémateur !
Une partie du prodigieux aveuglement français sur les migrants tient peut-être à une circonstance historique. Jusqu’au milieu du XXème siècle, la France n’a jamais eu de problème de minorité ethnique à gérer, tout comme une large partie de l’Europe occidentale. Au contraire, l’Europe de l’est, celle qui aujourd’hui refuse le partage merkelien des migrants, a connu tout au long de son histoire d’innombrables et douloureux problèmes de minorités. Les Polonais étaient opprimés par les Allemands en Posnanie et en Silésie et oppresseurs des Juifs et des Ukrainiens dans l’ouest de l’Empire russe. Les Hongrois étaient opprimés par les Autrichiens avant la création de la double monarchie austro-hongroise, ils devinrent ensuite oppresseurs des Croates et Serbes placés sous leur coupe. Beaucoup de ces problèmes se sont réglés par de dramatiques transferts de population à la fin de la Seconde Guerre mondiale, mais il en est resté de douloureux souvenirs.
Notre pays se lance de gaieté de cœur dans d’infinis problèmes de minorités et il n’a pour les résoudre que les armes magiques du langage, selon l’expression de Césaire : la République, la laïcité, le vivre-ensemble etc. Je ne peux y croire, j’appartiens à une génération qui mourra le cœur tordu d’angoisse pour la suite de la France.
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