Qui est ce chef de parti populiste, toujours coiffé d’un béret rouge, qui au nom de la solidarité avec la Russie, a appelé la Chine, l’Inde et le Brésil à boycotter le prochain sommet des BRICS? (Ce dernier doit se tenir en Afrique du Sud du 22 au 24 août). Portrait.
Le mouvement des Combattants de la liberté économique (EFF), second parti sud-africain d’opposition, a fêté son dixième anniversaire en grande pompe. Malgré des performances scolaires lamentables et en dépit des nombreuses controverses qui jalonnent son parcours politique, le populiste Julius Malema est devenu un symbole de réussite pour tous ses partisans. Un leader pro-russe qui n’hésite pas à s’en prendre à la minorité Afrikaner et la menacer de mort.
Julius Sello Malema a grandi dans une Afrique du Sud longtemps dirigée par la minorité Afrikaner. Il a vécu dans un township de la province du Limpopo. Très rapidement, il se passionne pour la lutte contre le régime d’Apartheid, intègre la Ligue de jeunesse de l’African National Congress (ANC) pour qui il colle des affiches de propagande dans les villes voisines. En total échec scolaire, délaissant ses études, il reçoit alors une formation militaire au sein du mouvement et se fait vite remarquer par sa facilité à s’adresser à ses camarades. Il gravit progressivement les échelons de la Ligue avant d’en devenir le dirigeant national en 2001. Une ascension fulgurante qui répond aux ambitions de ce jeune loup de la politique sud-africaine. Peut-être trop pour ses aînés qui ne supportent pas un homme dont les paroles outrancières font les choux gras de la presse locale. Une violence verbale qui trouve pourtant écho parmi ses partisans qui considèrent Julius Malema comme un successeur digne du Président Nelson Mandela, celui-là même qui a mené le pays vers sa pleine indépendance.
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Il développe dès lors une rhétorique anticolonialiste volontiers manichéenne, panafricaine et anticapitaliste, traçant ses pas dans ceux du président défunt du Zimbabwe, Robert Mugabe, qu’il cite souvent en exemple. Contribuant à alimenter les tensions raciales dans le pays, ciblant régulièrement les Boers dans ses discours (en 2018, il promet de couper la tête au maire de Port-Elizabeth car il est blanc), Julius Malema assume tous ses propos. Il a compris que les procès qui lui sont intentés restent de puissantes caisses de résonance dont il peut se servir. Expulsé de l‘ANC qui ne supporte plus son comportement et ses diatribes en 2010, il fonde le mouvement des Combattants de la liberté économique (EFF) qui s’insère dans l’espace politique avec une facilité déconcertante. Une décennie plus tard, Julius Malema peut se vanter d’avoir siphonné un grand nombre de voix à son principal concurrent, surfant sur un programme populiste, touchant les classes populaires déçues des promesses non tenues par l’ANC au pouvoir depuis 1994.
Lors des dernières élections législatives de 2019, l’EFF a obtenu plus d’un million de voix (soit 11%), le plaçant comme second parti d’opposition dans le pays. Un succès qui ne se dément pas et qui inquiète plus d’un Sud-africain. Les sondages montrent même que le parti de Malema a la capacité de remporter des provinces, de surpasser l’ANC en termes de votes, voire de se positionner en « faiseur de roi » en cas de coalition. De quoi réjouir ce trublion qui s’est offert au FNB stadium de Johannesburg un anniversaire à la hauteur des espérances qu’il suscite toujours. C’est un commandant en chef qui sait mobiliser ses troupes. Tous vêtus de rouge, béret vissé sur la tête, ce sont des milliers de membres de l’EFF qui ont convergé le 29 juillet 2023 vers l’ancienne capitale de l’état du Transvaal. Une masse qui a vibré à tous ses discours et qui n’a pas hésité à reprendre d’une seule voix la chanson « Kill the Boer, shoot the Boer ». Très populaire en dépit de son interdiction, les paroles de ce chant traduisent toute la haine de Malema envers les Blancs (le Front de la Liberté, parti d’extrême-droite afrikaner, a déposé plainte contre lui, et il a été accusé par l’Alliance Démocratique de semer les graines d’une guerre raciale). Une minorité qu’il souhaite exproprier de leurs terres sans compensation aucune (un projet similaire au Zimbabwe a plongé ce grenier à blé de l’Afrique australe dans une crise économique sans précédent). Une réforme souhaitée également par l’ANC qui a dû temporairement reculer face à la cristallisation du débat et les menaces d’un conflit qui planaient au-dessus de cette loi qui ne faisait pas l’unanimité parmi les députés.
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Promettant à ses partisans électrisés par son discours, que sous sa présidence « l’Afrique du Sud sera bien mieux dirigée et de manière égalitaire » et que le pays « sera mené vers un avenir radieux », le député Malema a passé de longues minutes à dénoncer la corruption qui sévit au sein du gouvernement jusqu’au plus haut sommet de l’État. Pointant du doigt l’actuel Président Cyril Ramaphosa, empêtré dans une affaire nébuleuse dont il a du mal à se défaire, le leader de l’EFF lui a promis un trajet direct vers la prison si son parti obtient la majorité des votes lors du prochain scrutin électoral prévu en 2024. Peu importe si les sondages ne le donnent pas gagnant, Julius Malema reste persuadé que le ciel a écrit son destin et va l’asseoir sur le strapontin suprême. Quitte pour cela à être aidé par la Russie dont il n’a pas hésité à chanter les louanges contre l’impérialisme capitaliste qui sévirait en Afrique du Sud.
En tant qu’hôtes du prochain sommet des BRICS, les autorités sud-africaines se trouvaient face à un dilemme, puisque Vladimir Poutine fait l’objet d’un mandat d’arrêt de la Cour pénale internationale. Finalement, le président russe n’assistera pas au sommet en personne.
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